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Les méfaits d’un sucreur en série
Deux études de l’Inserm publiées cette année mettent en évidence un risque accru de cancers et de maladies cardiovasculaires associé à la consommation d’édulcorants de synthèse. Or ces additifs sont présents partout ou presque : dans les aliments, les compléments alimentaires et certains médicaments…
Aux côtés des colorants, conservateurs et autres émulsifiants, les édulcorants de synthèse figurent parmi les additifs les plus utilisés par les industriels de l’alimentaire et des compléments alimentaires, mais aussi par les laboratoires pharmaceutiques. « S’ils sont devenus omniprésents, c’est parce que pour un même grammage de saccharose, ils ont un pouvoir sucrant de 200 à 600 fois supérieur. Avec en plus des apports en calories quasiment inexistants », rappelle Mathilde Touvier, chercheuse à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), directrice de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren)*.
Dans le cadre d’une étude épidémiologique menée sur plus de 100 000 participants à la cohorte française NutriNet-Santé, l’équipe de Mathilde Touvier a quantifié la présence d’édulcorants dans l’alimentation courante. « Il en est ressorti que trois sont aujourd’hui principalement consommés : l’aspartame (E951), l’acésulfame de potassium (E950) et le sucralose (E955), confie la directrice de recherche de l’Inserm. Tous les autres, tels que le sorbitol (E420), le mannitol (E421), la saccharine (E954), les cyclamates (E952) ou la thaumatine (E957), sont consommés par moins de 5 % des participants. »
L’industrie pharmaceutique les utilise, elle aussi, dans la fabrication des médicaments afin de limiter leur teneur en sucre, celle-ci étant comptabilisée dans les apports journaliers. « Le recours à ces additifs reste toutefois très limité puisque l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a recensé, à titre d’exemple, 600 médicaments contenant de l’aspartame sur un nombre total de 12 000 spécialités commercialisées en France, assure Anne Carpentier, directrice des affaires pharmaceutiques du Leem (Les Entreprises du médicament). On les retrouve en général dans les galéniques où le goût reste en bouche : les sirops, les comprimés effervescents, à sucer ou à croquer… L’édulcorant le plus employé est l’aspartame, loin devant l’acésulfame de potassium, les cyclamates ou la saccharine. Certaines spécialités intègrent du lactose, plus rarement du mannitol ou du sorbitol pour donner de la texture ou aider à la compression comme à la stabilisation de la forme. »
Risque de cancer plus élevé
Les premières expérimentations in vitro et in vivo chez les souris et les quelques travaux menés sur l’homme ayant suggéré un risque accru de cancer et de maladies cardiovasculaires associé à la consommation d’édulcorants, l’équipe de Mathilde Touvier a décidé de s’intéresser à ces deux sujets. « Mais à la différence des études épidémiologiques de long terme réalisées sur l’homme qui portaient uniquement sur les boissons édulcorées, nous avons intégré dans notre périmètre l’ensemble des sources alimentaires d’édulcorants », précise la directrice de recherche de l’Inserm. Résultat : dans l’étude publiée en mars dernier portant sur 102 865 adultes participant à la cohorte NutriNet-Santé, et finalement 3 358 cas de cancers diagnostiqués, les personnes consommant plus fortement des édulcorants présentaient un risque de cancer global plus élevé de 13 % par rapport à celles qui n’en consommaient pas. « Dans le détail, nous avons observé des associations entre aspartame, acésulfame de potassium et risque de cancer au global, ajoute Mathilde Touvier. Et lorsque l’on regardait par localisation, nous avions des associations entre aspartame et cancer du sein, les cancers attribués à l’obésité étant, eux, liés aux édulcorants globalement et à l’aspartame en particulier. »
Une seconde étude publiée en septembre, consacrée cette fois aux risques cardiovasculaires, a une fois encore mis en évidence un lien avec un risque accru. « Sur 103 388 adultes participant à NutriNet-Santé et 1 502 événements cardio ou neurovasculaires, nous avons relevé des associations entre la somme totale des édulcorants et les maladies cardiovasculaires au global, dévoile Mathilde Touvier. L’aspartame était associé à une augmentation du risque de maladies cérébrovasculaires (accident vasculaire cérébral et ischémique transitoire), l’acésulfame de potassium et le sucralose étant, eux, reliés aux maladies coronariennes. »
L’insuline pas insensible
Directeur de l’unité Ani-Scan au sein de l’Inrae, Charles-Henri Malbert a étudié avec son collègue Richard Young, professeur comme lui à l’université d’Adélaïde en Australie, les effets métaboliques du mélange acésulfame de potassium/ sucralose. « Ces dernières années, la communauté scientifique s’est aperçue que certains édulcorants étaient capables de stimuler des sweet receptors, des récepteurs sensibles au goût sucré, présents dans le tube digestif, explique-t-il. Nous sommes donc partis de l’idée que ces récepteurs, découverts au début des années 2000, pouvaient jouer un rôle significatif dans l’homéostasie glycémique, notamment dans le cas de patients présentant un diabète ou un prédiabète. Et que le fait de consommer des édulcorants de synthèse pouvait ne pas être sans conséquence au niveau du tube digestif ou de l’organisme. »
Les trois grandes études déjà menées sur l’homme ayant donné des résultats contradictoires en matière de sensibilité à l’insuline, les deux chercheurs font le choix de passer par une cohorte de 20 cochons prédiabétiques et obèses afin d’évaluer des durées de supplémentation longues. Finalement, les résultats se révèlent là encore contradictoires. « La supplémentation en édulcorants de synthèse ne produit aucun effet lorsqu’on regarde le métabolisme du glucose sur l’organisme entier, souligne Charles-Henri Malbert . En revanche, lorsque l’on s’intéresse aux organes, le fait d’en consommer augmente de manière significative la capture du glucose, diminue la sensibilité à l’insuline, et est susceptible de déclencher des défauts de l’homéostasie glucidique sur trois organes critiques : le cerveau, le tube digestif et le foie. Ces modifications conduisant à un prédiabète, un état transitoire qui précède le diabète et certaines maladies neurodégénératives », explique le directeur de recherche de l’Inrae.
Rassurer et prévenir
Lorsqu’on lui demande si la consommation d’édulcorants dans les médicaments et les compléments alimentaires est susceptible de provoquer les mêmes incidences, Mathilde Touvier joue la carte de la prudence. « En l’absence d’études sur le sujet, il est difficile de répondre, note-t-elle. Cela étant dit, je ne vois pas pourquoi ces substances contenues dans certains médicaments auraient des effets différents de ceux que l’on commence à suspecter dans le champ alimentaire. » La directrice des affaires pharmaceutiques du Leem se veut, elle, rassurante. « La Commission européenne a établi un programme de réévaluation de sécurité de tous les additifs alimentaires autorisés, incluant l’ensemble des édulcorants autorisés listés dans la directive de 1994, rappelle Anne Carpentier. Concernant l’aspartame, la réévaluation a confirmé la dose maximale admissible de 40 mg par kilo et par jour. Or il faut savoir que dans les formes médicamenteuses les dosages ne dépassent pas 5 à 10 mg. Quant aux autres édulcorants, les laboratoires pharmaceutiques attendent les conclusions du programme de réévaluation. »
En attendant, Mathilde Touvier incite les pharmaciens à faire passer des messages de prévention simples au comptoir. « Il faut inviter les patients à adopter une bonne hygiène de vie et à respecter autant que possible les conseils du programme national nutrition santé (PNNS). Celui-ci recommande de limiter les boissons sucrées et le sucre ajouté, de manger au moins cinq portions de fruits et légumes par jour, de consommer des aliments complets… Tout en essayant de cuisiner maison afin d’éviter les aliments ultratransformés, ces derniers contenant généralement des mélanges d’additifs dont on ne sait pas encore très bien quels effets ils peuvent avoir sur la santé à long terme », conclut-elle.
* Inserm/Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae)/Conservatoire national des arts et métiers (Cnam)/université Sorbonne Paris Nord.
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