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Les équations à résoudre de l’après-Covid-19
L’économie de l’officine sur les huit premiers mois de 2021 se porte bien. En cette rentrée, le souci est pourtant ailleurs. Alors que la vie conventionnelle est gelée et que le gouvernement ne semble pas pressé d’ouvrir les débats sur la nouvelle convention pharmaceutique qui doit permettre de garder le cap sur la croissance et d’améliorer la rémunération officinale, pour l’instant bien perfusée par les missions « Covid ». Mais pour combien de temps encore ?
Tests antigéniques, autotests supervisés, vaccination anti-Covid-19… Les pharmacies ont été prises d’assaut depuis l’extension du pass sanitaire au milieu de l’été. Cet engagement, parfois difficile et compliqué en raison aussi du manque d’effectifs en juillet et en août, se traduit dans les chiffres. Les missions liées à la crise sanitaire portent l’économie de la pharmacie et contribuent à la croissance de l’activité officinale : évolution du chiffre d’affaires (CA) HT de + 6,1 % en moyenne en cumul fixe sur la période de janvier à juillet 2021 versus 2020 (source Iqvia).
Cette poussée est provoquée par les missions « Covid » et leur lot de masques et de tests antigéniques, la progression des médicaments chers et par toutes les catégories de produits vendus en officine (voir Repères), à TVA 2,1 % (médicaments remboursables), à TVA 5,5 % (masques, gels, compléments alimentaires, etc.), à TVA 20 % (parapharmacie) à l’exception des produits à TVA 10 % (médicaments non remboursables, entre autres).
Le bonus des tests antigéniques
« Sauf incident de parcours sur la fin 2021, l’activité devrait être du niveau de 2020, analyse Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie de Fiducial. Les choses se normalisent pour la plupart des officines qui avaient souffert des confinements durs de l’année précédente. Marginalement, seules les pharmacies qui vivent avec le tourisme étranger sont en recul. En revanche, les officines installées dans les régions de villégiature voient leur activité boostée par le tourisme franco-français qui ne peut plus voyager aisément à l’étranger. »
« Les pharmacies se portent bien actuellement, leur CA continue à progresser avec des ventes de produits de typologies différentes depuis le début de la crise et grâce aux nouvelles activités liées au Covid-19, hormis pour celles qui ne réalisent pas de tests antigéniques et qui sont, de fait, un peu perdantes (avec une croissance nulle ou légèrement négative de leur CA) », confirme Laurent Cassel, expert-comptable du cabinet AdequA. En l’absence de ce bonus « sanitaire », elles ne parviennent pas à compenser les effets des mesures et des tendances qui tirent le CA vers le bas (baisse des unités prescrites et des prix des médicaments remboursables, déremboursement de l’homéopathie, absence de pathologies saisonnières liée aux gestes barrières, etc.).
C’est bien ce qui préoccupe Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « La rémunération “Covid” a pris la place d’une autre, malheureusement cela ne concerne que 12 000 officines sur 21 000, 9 000 d’entre elles ne profitent donc pas de cette rémunération alternative », pointe-t-il.
Difficultés de moyens humains, d’organisation ou de temps, ou refus de s’investir dans des missions et actes qu’ils estiment de ne pas être les leurs, ces pharmaciens restés « en dehors du Covid-19 » ne peuvent plus vivre en 2021 du cœur du métier (la dispensation du médicament). Selon les prévisions de la FSPF, « la rémunération du réseau sur les missions “Covid” devrait se situer autour du milliard d’euros pour l’année 2021. En revanche, la perte de rémunération sur la dispensation du médicament remboursable devrait être de 150 millions d’euros environ », table Philippe Besset. Soit un solde positif de 850 M€. Or, ce qu’il réclame dans son programme quinquennal présenté lors des élections aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) est une évolution des honoraires de dispensation de 700 M€/an pour compenser les baisses de prix et faire face à la hausse des charges des officines. « On les a déjà sur l’année 2021, la problématique qui se pose maintenant est de savoir comment les garder et sur quoi les trouver pour les années suivantes », explique le président de la FSPF. Car la rémunération « Covid » n’a pas vocation à durer, en particulier avec la baisse tarifaire des tests antigéniques et leur raréfaction progressive avec la fin de leur prise en charge (sauf sur prescription) à partir du 15 octobre : les tests antigéniques ne représentent pas une activité pérenne.
Tout l’enjeu des négociations d’une nouvelle convention pharmaceutique pour les syndicats d’officinaux sera de pouvoir asseoir le nouveau modèle économique de la pharmacie sur d’autres socles positifs et de fixer le « T0 », c’est-à-dire l’année de référence (2020 ou 2021, deux années toutefois pas comme les autres) qui servira à calibrer l’enveloppe budgétaire de la pharmacie et les nouveaux paramètres de la rémunération.
Des négociations repoussées
A l’inverse des pharmaciens sur le pont pendant tout l’été, la vie conventionnelle connaît une trêve sans précédent dont on ne connaît pas encore vraiment le terme.
Selon Gilles Bonnefond, porte-parole de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), l’ouverture des négociations n’interviendrait pas avant novembre, soit six mois après l’échéance en mai de la convention actuelle. « En dénonçant précipitamment la tacite reconduction de la convention pharmaceutique, la FSPF a facilité le travail du gouvernement, tous les projets d’évolution de la profession sont gelés et, avec ce coup d’anesthésie sur la convention, les pouvoirs publics ont vu arriver sur un plateau les économies du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) à réaliser sur le dos des pharmaciens », ne décolère pas Gilles Bonnefond. Pour l’USPO, la fin de la marge spécifique sur les grands conditionnements à partir du 15 octobre est un signe qui ne trompe pas. « Renégocier la rémunération officinale au moment le plus défavorable où le gouvernement recherche des économies est extrêmement dangereux et un très mauvais timing », poursuit-il. Et Pierre-Oliver Variot, président de l’USPO, de redouter : « Le PLFSS de sortie de crise avec la fin du “quoi qu’il en coûte” risque de se transformer en “qui va payer l’addition” ».
Trouver des ersatz aux missions « Covid »
Dispensation à domicile, dépistage du cancer colorectal, accompagnement des patients diabétiques et du sevrage tabagique… Autant de missions qui sont, pour l’instant, bloquées et qui ont de fortes chances de ne pas aboutir avant la fin de l’année, même si concernant ces deux dernières nouvelles missions à l’étude, Philippe Besset pense qu’elles seront difficiles à concrétiser lors des travaux avec l’Assurance maladie qui, selon ses déclarations, commenceront plus tôt, en octobre. « Les entretiens sur le diabète, cela me paraît prématuré et, s’agissant du sevrage tabagique, je trouve dommageable que les entretiens avec le patient ne permettent pas d’aboutir à la prise en charge des médicaments nécessaires au sevrage, sauf à changer la loi », explique-t-il.
Autre effet collatéral qu’il ne conteste pas : la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) génériques de 65 M€ ne pourra pas non plus être négociée et sera donc définitivement perdue pour la profession. « Mais l’idée que tout est bloqué est fausse », rétorque Philippe Besset, comme en témoigne le futur dispositif pour la substitution « biosimilaire » débattu lors d’une dernière concertation au ministère des Solidarités et de la Santé avec l’ensemble des parties prenantes le 10 septembre dernier, avant qu’il soit inclus dans le PLFSS pour 2022. De même, l’extension des missions de prévention (rappels des vaccinations, notamment) et de dépistage (test rapide d’orientation diagnostique – Trod – angine, cancer colorectal, VIH, etc.), la poursuite de la dispensation adaptée (seul dossier de la convention à ne pas être bloqué) et autres interventions pharmaceutiques, la préparation des doses à administrer (PDA), etc. doivent devenir des ressources de remplacement aux moins équivalentes aux rémunérations des missions « Covid » de façon à les compenser quand elles s’éteindront. Et sur ce point, les deux syndicats sont sur la même longueur d’onde.
À RETENIR
– L’économie de l’officine se porte bien depuis le début de l’année 2021, poussée par les missions « Covid » et les activités liées à l’extension du pass sanitaire (tests antigéniques et autotests, vaccination).
– Ces missions ne vont pas se poursuivre dans la durée et il faut trouver d’autres leviers : dispensation à domicile, missions de prévention ou de dépistage (Trod angine, cancer colorectal, etc.), accompagnement de patients (diabète, sevrage tabagique), substitution des biosimilaires, dispensation adaptée… sont autant de sujets sur la table.
– Reste que la convention pharmaceutique est gelée et que les nouvelles discussions vont débuter au moment où le gouvernement cherche à faire des économies.
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