Diététique Réservé aux abonnés

Corticoïdes

Publié le 15 janvier 2011
Mettre en favori

Effets indésirables

Dois-je suivre un régime ?

Mme P., la quarantaine, se plaignait depuis quelque temps de douleurs articulaires des mains et des pieds qui la réveillaient la nuit. Devant le tableau clinique symétrique et après un bilan biologique qui a révélé une VS et une CRP élevées ainsi que la présence du facteur rhumatoïde, un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde a été posé. Mme P. vient aujourd’hui avec une ordonnance comportant Novatrex 2,5, Spéciafoldine, Cortancyl 5 (2 cp/j), Cacit D3 et Doliprane. Sur l’ordonnance est mentionné « Faire attention au sel ». Mme P. demande à la pharmacienne ce que cela signifie concrètement.

Faut-il conseiller un régime alimentaire particulier à Mme ?

Oui, en raison des possibles effets indésirables métaboliques et hydroélectrolytiques des corticoïdes, prescrits ici au long cours.

ANALYSE DU CAS

→ Les corticoïdes interfèrent avec le métabolisme lipidique, glucidique, protéique et osseux : ils peuvent provoquer, notamment par voie générale et lors des traitements prolongés ou à forte dose, une hyperglycémie, une hyperlipidémie, une hypocalcémie (d’où la coprescription de Cacit D3), ainsi qu’une fonte musculaire par activation du catabolisme protidique.

→ Les corticoïdes agissent également sur les échanges hydroélectrolytiques. Ils peuvent induire une rétention hydrosodée, à l’origine d’une éventuelle hypertension artérielle, et une hypokaliémie.

→ Lors des traitements corticoïdes longs, il convient donc d’adapter l’alimentation des patients pour prévenir ces effets indésirables.

ATTITUDE À ADOPTER

→ Le médecin préconise de manger peu salé pour éviter l’hypertension artérielle. En effet, selon les RCP de Cortancyl, l’apport sodé doit être modéré lors des traitements au long cours à doses faibles (ici, 10 mg d’équivalent prednisone par jour au long cours). En pratique, la pharmacienne conseille à Mme P. d’éviter les biscuits à apéritif, la charcuterie, les fruits de mer, les plats cuisinés, certaines eaux pétillantes (plus particulièrement celles de Vichy Saint- Yorre ou Célestins) et de ne pas resaler son alimentation à table.

Publicité

→ Elle doit également adopter un régime pauvre en sucres rapides et en graisses (attention aux viennoiseries, pâtisseries, matières grasses animales, privilégier les huiles végétales riches en oméga 3), et riche en protides (petit déjeuner de type anglais, viande ou poisson au déjeuner et au dîner).

→ Par ailleurs, il faut enrichir son alimentation en potassium (épinards, bananes, fruits secs et éventuellement chocolat noir) et en calcium pour prévenir une ostéoporose (consommer quatre laitages par jour, boire des eaux minérales riches en calcium et pauvres en sodium comme Contrex ou Courmayeur). En outre, il faut recommander à Mme P., dans la limite de ses douleurs, de sortir régulièrement : la vitamine D, nécessaire à la fixation du calcium par les os, étant synthétisée par la peau grâce aux UV, une exposition solaire de 15 minutes par jour est bénéfique.

Laura reprend bientôt son travail

Laura, la trentaine, est actuellement en arrêt de travail à cause d’une névralgie cervicobrachiale et suit un traitement par Dectancyl. Elle vient aujourd’hui acheter une lotion antiacnéïque, car depuis quelques jours, elle a le visage et la poitrine couverts de boutons. Elle reprend son travail à la fin de la semaine et souhaiterait s’y présenter le visage net. Elle n’a pas de points noirs.

Que penser de l’acné de Laura ?

Une éruption acnéïforme de début brutal et survenant à un âge inhabitue évoque une origine iatrogène.

ANALYSE DU CAS

Les éruptions acnéïformes se distinguent d’une véritable acné, par l’absence de comédons dans les follicules sébacés, appelés vulgairement « points noirs » ou « points blancs » selon qu’ils sont fermés ou ouverts. L’absence de points noirs chez Laura signe donc une éruption acnéïforme, et non de l’acné à proprement parler. Certains produits appliqués sur la peau peuvent faire apparaître des éruptions acnéïformes, comme les produits cosmétiques gras, les huiles de massage ou les dermocorticoïdes. C’est le cas aussi de médicaments administrés par voie générale : contraceptifs, corticoïdes, antiépileptiques, anticancéreux comme les inhibiteurs de tyrosine-kinase, inhibiteurs de protéase et antituberculeux.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne interroge Laura pour savoir si elle a changé de produit de toilette ou de maquillage et si elle prend des médicaments particuliers. Par exclusion, le médicament responsable semble être le corticoïde. La pharmacienne prévient Laura que les éruptions acnéïformes iatrogènes sont réversibles à l’arrêt du médicament et lui préconise de continuer son traitement comme prescrit.

Un problème intime !

Alix, 22 ans, est venue à l’officine la semaine dernière avec une ordonnance de son ORL mentionnant amoxicilline/acide clavulanique 500 mg/62,5 mg (2 cp 2 fois par jour pendant 10 jours) et prednisolone 20 mg (3 cp orodispersibles par jour pendant 5 jours) pour traiter une sinusite. Aujourd’hui, Alix revient à la pharmacie et, préférant être servie par la jeune préparatrice que par le titulaire, confie à voix basse, être « gênée par des démangeaisons mal placées et d’abondantes pertes blanches ».

A quoi sont dus ces symptômes ?

Un prurit vulvaire accompagné de leucorrhées est évocateur d’une mycose vaginale.

ANALYSE DU CAS

Pour sa sinusite, Alix s’est vue prescrire un antibiotique et un anti-inflammatoire stéroïdien : la prednisolone. Les antibiotiques sont susceptibles de provoquer un déséquilibre de la flore vaginale en diminuant les lactobacilles vaginaux, ce qui peut favoriser la sélection de Candida albicans, levure saprophyte présente normalement en faible quantité dans la cavité vaginale.

En outre, certains facteurs comme une immunodépression favorisent la prolifération de Candida.

Or, les corticoïdes sont immunosuppresseurs et peuvent induire des mycoses, notamment vaginales ou buccales.

ATTITUDE À ADOPTER

La préparatrice conseille à Alix un ovule antifongique de Gyno-Pevaryl?LP, renouvelable éventuellement trois jours après, en insistant sur les modalités d’administration (placer l’ovule au fond du vagin, le soir au coucher) et sur les conseils hygiéniques : toilette intime avec un savon à pH alcalin comme Hydralin Gyn ou Saforelle pendant quelques jours, tant que perdurent les démangeaisons, éviter l’usage de savonnettes parfumées – les pH acides favorisant le développement des mycoses – et celui de tampons périodiques. Enfin, éviter les rapports sexuels pendant le traitement antifongique.

Mme R. ne peut plus lacer ses chaussures

Mme R., 78 ans, vit seule depuis le décès de son mari. Josiane, sa voisine, lui rend visite tous les jours. Mme R. est traitée depuis 5 mois par AIS pour une artérite de Horton, diagnostiquée sur fébricule, céphalées avec induration d’une artère temporale, douleur de la mâchoire et élévation de la VS et de la CRP. Un traitement d’attaque par prednisone a été instauré à 1 mg/kg/jour et est actuellement diminué à 11 mg/jour soit 2 comprimés de prednisone à 5 mg et 1 comprimé à 1 mg le matin. Aujourd’hui, Josiane, visiblement très préoccupée, vient à la pharmacie acheter « un antalgique efficace », car Mme R. a très mal au dos et est très handicapée dans ses mouvements quotidiens : elle ne peut plus lacer ses chaussures !

Que penser du mal de dos de Mme R. ?

Le mal de dos de Mme R. peut être une banale lombalgie, mais il n’est pas exclu qu’il soit dû à un tassement vertébral lié au traitement anti-inflammatoire suivi depuis 5 mois. Il ne faut pas le prendre à la légère.

ANALYSE DU CAS

Une corticothérapie au long cours est susceptible d’induire de nombreux effets indésirables métaboliques, parmi lesquels une ostéoporose, en particulier pour des doses supérieures à 7,5 mg/jour d’équivalent prednisone pendant plus de 3 mois, ce qui est le cas de Mme R (11 mg d’équivalent prednisone/jour). Cette ostéoporose est due à une augmentation du catabolisme phosphocalcique, avec diminution des fonctions de synthèse par réduction de l’activité ostéoblastique et augmentation de l’activité ostéoclastique, mais également à une hypocalcémie due à une diminution de l’absorption intestinale du calcium et à une augmentation de son élimination urinaire. L’ostéoporose cortisonique est la plus fréquente des ostéoporoses secondaires et représente l’une des principales complications des traitements cortisoniques au long cours, avec un risque fracturaire dans les six premiers mois d’un traitement par voie générale.

A l’instauration d’un traitement corticoïde au long cours, une supplémentation en calcium et en vitamine D est systématique, et dans certains cas, un traitement antiostéoporotique préventif est envisagé. Interrogée, Josiane avoue que Mme R. lui aurait confié ne plus prendre les sachets de Cacit D3, pourtant prescrits par son médecin, parce qu’ils l’incommodaient sur le plan digestif (météorismes, troubles du transit) et qu’elle n’aimait pas les médicaments effervescents.

ATTITUDE À ADOPTER

La délivrance d’antalgique sans prescription médicale ne sera pas suffisamment efficace s’il s’agit effectivement d’une ostéoporose cortisonique. Elle pourrait retarder une consultation médicale, impérative pour connaître l’étiologie exacte de la douleur et pour la prescription éventuelle d’un traitement antiostéoporotique et d’un antalgique suffisamment puissant. Un soutien à domicile (aide à la toilette…) est également à envisager. La pharmacienne appelle donc le médecin pour prendre un rendez-vous rapidement.

Le lendemain, Josiane revient à la pharmacie avec une ordonnance sécurisée de Durogesic 25, ainsi qu’une prescription de Fosamax 70 pour Mme R. Elle explique qu’une radiographie du rachis lombo-sacré a effectivement mis en évidence une déminéralisation osseuse, ainsi qu’un tassement vertébral au niveau de la 4e vertèbre lombaire.

Anne-Sophie veut un test de grossesse

Anne-Sophie est une brillante étudiante et prépare actuellement une agrégation d’histoire. Elle souffre depuis l’enfance d’asthme sévère. Ces derniers temps, son asthme s’est exacerbé et Solupred (en cure longue) a été ajouté à son traitement. Aujourd’hui, elle vient chercher un test de grossesse : elle n’a pourtant jamais oublié de prendre sa pilule (Meliane) mais a un retard de règles de 5 jours et explique « qu’une grossesse n’est pas au programme cette année ».

Anne-Sophie peut-elle être enceinte ?

Aucune méthode contraceptive n’est efficace à 100 % !

ANALYSE DU CAS

Meliane est un contraceptif œstroprogestatif minidosé monophasique, dont l’indice de Pearl (nombre de grossesses pour 100 femmes/an) est évalué à 0,07 selon le RCP. Il est donc peu probable qu’Anne-Sophie, observante, soit enceinte. Par ailleurs, les corticoïdes peuvent induire entre autres effets indésirables, des troubles endocriniens, parmi lesquels une irrégularité menstruelle.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne évoque avec Anne-Sophie un possible effet iatrogène du corticoïde et lui délivre tout de même pour la rassurer un test de grossesse. S’il est négatif, et en cas d’absence de règles d’ici deux jours, il faudra consulter un médecin et ne pas reprendre Meliane. En effet, en cas de non survenue de saignements de privation dans les 7 jours suivant l’arrêt de Meliane, il faut s’assurer de l’absence de grossesse avant de commencer une nouvelle plaquette.

Le lendemain soir, Anne-Sophie, rassurée, passe à la pharmacie : au lever, elle a fait le test qui s’est révélé négatif, et en fin d’après-midi, ses règles sont arrivées ! La pharmacienne lui conseille alors de signaler son irrégularité menstruelle au pneumologue lors de sa prochaine consultation.

Interactions médicamenteuses

Une idée pas si bonne !

Christophe, 33 ans, souffre d’une maladie de Behçet. Il suit actuellement un traitement d’entretien avec Medrol 4 mg (3 cp/j).

Aujourd’hui, sur les conseils de sa femme, il vient acheter de la tisane Boldoflorine car il est constipé. Il pense que c’est une bonne idée : non seulement cela le forcera à boire davantage mais en plus, « avec quelque chose de naturel, il n’y a pas de risque d’incompatibilités avec mon traitement ».

Est-ce vraiment une bonne idée ?

Non, car il y a justement une interaction avec son traitement.

ANALYSE DU CAS

La maladie de Behçet, vascularite systémique auto-immune, est caractérisée principalement par une aphtose buccale (voire génitale) récurrente. Les corticoïdes peuvent être utilisés pour contrôler l’inflammation et pour leur effet immunosuppresseur. Mais ils sont hypokaliémiants de par leur composante minéralo-corticoïde. Ceci peut justifier une supplémentation potassique en cas de traitements prolongés à fortes doses et également en cas de troubles du rythme ou d’association à d’autres médicaments hypokaliémiants. Or, Boldoflorine est une tisane laxative stimulante (composée de boldo, de séné et de bourdaine) qui pourrait majorer le risque d’hypokaliémie.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à Christophe que la tisane Boldoflorine est susceptible de baisser sa kaliémie, comme son traitement corticoïde. Le pharmacien lui rappelle qu’il doit faire régulièrement un ionogramme sanguin. Pour améliorer son transit, il insiste sur l’importance des mesures hygiéno-diététiques. En seconde intention, il lui conseille un laxatif osmotique, mais pas un lubrifiant (risque de carence en vitamine D, liposoluble).

Comment traiter la cystite d’Henriette ?

Henriette, 58 ans, tend au pharmacien une ordonnance de Noroxine (2 cp/j pendant 3 jours) prescrite par son médecin généraliste pour traiter une cystite. Henriette avoue qu’elle a oublié de dire au docteur, que le rhumatologue lui a fait il y a quelques jours, une infiltration d’Hexatrione pour son problème de gonarthrose. Mais, en fait, cela a-t-il vraiment de l’importance ?

La prescription est-elle remise en cause ?

Effectivement, il aurait été préférable que le généraliste soit informé du traitement intra-articulaire par triamcinolone, car celui-ci conditionne le choix de l’antibiothérapie.

ANALYSE DU CAS

Les corticoïdes peuvent induire des effets indésirables musculo-squelettiques et favoriser l’apparition de tendinopathie, voire exceptionnellement de rupture tendineuse, notamment lorsqu’ils sont administrés par voie orale ou injectable, même locale. Ce risque est majoré par leur association aux fluoroquinolones qui peuvent induire également des tendinites dès les 48 premières heures de traitement en particulier au niveau du tendon d’Achille. Il s’agit d’une interaction par addition d’effets indésirables de même nature, qui est classée en association à prendre en compte et fait l’objet d’une mise en garde dans le RCP d’Hexatrione. Il convient d’informer les patients du risque et d’arrêter l’antibiothérapie dès l’apparition de douleurs tendineuses.

Or, la norfloxacine, indiquée notamment dans le traitement des cystites non compliquées de la femme de moins de 65 ans, est une fluoroquinolone (identifiable par sa DC en -oxacine). Il aurait donc été préférable que le généraliste soit au courant de l’infiltration corticoïde.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien téléphone au généraliste pour l’informer de l’injection intra-articulaire d’Hexatrione et pour discuter du risque tendineux. Celui-ci décide de remplacer Noroxine par un traitement monodose de Monuril (fosfomycine), qui ne provoque pas d’atteintes tendineuses.

M. C. veut l’antalgique qui passe à la télé

M C. fait une crise d’urticaire aiguë à la suite d’une ingestion de fruits de mer. Ayant rapidement consulté un médecin, il présente à la pharmacie une ordonnance de Célestamine (3 cp/j pendant 8 jours). Souffrant de céphalées, M. C. souhaiterait aussi « le médicament qui cible la douleur, qu’on voit en publicité à la télévision ». La pharmacienne comprend qu’il désire acheter du Nurofen.

Faut-il accéder à la demande de M. C. ?

Non, l’ibuprofène n’est pas l’antalgique le mieux adapté compte tenu de son traitement antiallergique.

ANALYSE DU CAS

Célestamine est une association de dexchlorphéniramine (anti-H1) et de bétaméthasone (glucocorticoïde de synthèse, utilisé principalement pour ses propriétés anti-inflammatoires). C’est la présence de corticoïde dans Célestamine qui retient l’attention de la pharmacienne et lui fait déconseiller à M. C. l’utilisation d’ibuprofène pendant le traitement de son urticaire. En effet, les corticoïdes peuvent induire des ulcérations et des hémorragies gastro-intestinales. Ce risque est majoré par leur association aux AINS lesquels par inhibition de la cyclo-oxygénase 1 peuvent eux-mêmes induire des gastralgies et des saignements digestifs. Le Thésaurus classe cette association en interaction à prendre en compte. Selon la HAS, elle doit en principe être évitée. Le cas échéant, une prescription d’IPP est justifiée.

ATTITUDE À ADOPTER

La pharmacienne explique à M. C. que la prise d’ibuprofène pendant son traitement par Célestamine peut potentialiser la survenue de douleurs gastro-intestinales. Elle lui conseille donc du paracétamol (max 3 g chez l’adulte en automédication).

Les corticoïdes

Les glandes surrénales sont situées au-dessus des reins et constituées de deux parties. La médullosurrénale synthétise adrénaline et noradrénaline, et la corticosurrénale synthétise à partir du cholestérol et sous contrôle de l’axe hypothalamo-hypophysaire (via la CRH et l’ACTH), certaines hormones stéroïdiennes glucocorticoïdes (comme le cortisol), minéralocorticoïdes (comme l’aldostérone) et un peu d’hormones androgènes.

→ Les glucocorticoïdes interviennent dans les réactions de stress et dans la régulation des différents métabolismes (ils ont un effet hyperglycémiant d’où leur appellation). Ils ont des propriétés immunosuppressives et anti-inflammatoires. Les 2/3 de leur sécrétion physiologique s’effectuent le matin.

→ Les minéralocorticoïdes interviennent dans la régulation de la pression sanguine, de la volémie et des équilibres hydroélectrolytiques, en favorisant la réabsorption d’eau et de sodium par les néphrons et l’élimination du potassium dans les urines.

→ Les anti-inflammatoires stéroïdiens (AIS) ou corticoïdes sont des analogues structuraux du cortisol, se comportant comme des agonistes des récepteurs aux glucocorticoïdes, avec une affinité moindre pour les récepteurs aux minéralocorticoïdes. Cette sélectivité leur permet d’assurer une bonne activité anti-inflammatoire, en minimisant les effets minéralocorticoïdes, qui s’observent surtout à fortes doses.

Indications des AIS

→ Hormonothérapie substitutive dans le traitement de l’insuffisance corticosurrénalienne primaire (maladie d’Addison) ou secondaire ;

→ Rhumatologie : poussée d’arthrose, tendinite, polyarthrite rhumatoïde ;

→ Manifestations allergiques : choc anaphylactique, œdème de Quincke, rhinite allergique ;

→ Affections pulmonaires inflammatoires chroniques : asthme, BPCO ;

→ Affections digestives inflammatoires chroniques : rectocolite hémorragique, maladie de Crohn ;

→ Maladies auto-immunes : artérite de Horton, sclérose en plaques, maladie de Behçet, lupus érythémateux, thyroïdite aiguë ;

→ Prévention des rejets de greffe ;

→ Processus tumoraux (tumeurs, dystrophie, dysplasie) ;

→ Dermatoses : eczéma, psoriasis, cicatrices chéloïdes ;

→ Divers : pathologies inflammatoires ORL ou ophtalmiques, protocole antiémétique dans le cadre d’une chimiothérapie anticancéreuse, accélération de la maturation pulmonaire fœtale.

Pharmacologie des corticoïdes

PROPRIÉTÉS PHARMACOLOGIQUES

Effets anti-inflammatoires

Les corticoïdes induisent la synthèse de lipocortine, protéine capable d’inhiber la synthèse de l’acide arachidonique, précurseur des prostaglandines et des leucotriènes (médiateurs de l’inflammation) en inhibant la phospholipase A2.

Effets immunosuppresseurs

Les corticoïdes affectent la réponse immunitaire cellulaire mais aussi humorale. Ils répriment les gènes codant pour la synthèse d’interleukine 1 et 2 et d’interférons gamma.

Effets métaboliques

→ Effet anabolique sur le foie. Par induction des enzymes impliquées dans la néoglucogenèse (glucose-6-phosphatase, fructose-1,6-diphosphatase…), les corticoïdes sont hyperglycémiants.

→ Effet catabolique sur les muscles avec augmentation du catabolisme protidique, ce qui entraîne une augmentation de l’urémie. La masse musculaire diminue jusqu’à une éventuelle amyotrophie.

→ Effet catabolique sur les tissus adipeux avec augmentation de la lipolyse, augmentation de la synthèse hépatique de triglycérides, d’où une hyperlipidémie. La répartition des graisses est modifiée (redistribution faciotronculaire et supraclaviculaire, on parle de faciès de Cushing et de bosse de bison).

→ Effet catabolique sur le tissu osseux et conjonctif avec atrophie du tissu conjonctif et déminéralisation osseuse, diminution de la matrice protéique osseuse, inhibition de l’ostéogenèse, inhibition de l’absorption intestinale de calcium et risque d’ostéoporose.

→ Effet sur le métabolisme hydrosodé avec rétention hydrosodée et hypokaliémie du fait d’une certaine affinité des AIS pour les récepteurs aux minéralocorticoïdes.

Autres effets des corticoïdes

→ Diminution des processus allergiques par diminution de synthèse d’acide arachidonique, précurseur des leucotriènes.

→ Effet sur le système nerveux central : les corticoïdes provoquent excitation et euphorie (prise matinale).

→ Action sur l’hypophyse : par le biais d’un rétrocontrôle négatif, les corticoïdes diminuent la sécrétion d’ACTH. Ils provoquent également une diminution de synthèse de l’hormone de croissance et freinent l’activité thyroïdienne et sexuelle.

PRINCIPES D’UTILISATION

→ Hormis le cas d’une pathologie aiguë où le traitement est débuté sans attendre et celui d’un traitement à forte posologie avec fragmentation de la dose journalière en 2 prises (matin et midi), les corticoïdes s’administrent en une prise unique le matin pour respecter la sécrétion physiologique, limiter la frénation de l’axe hypothalamo-hypophysaire et pour prévenir les troubles du sommeil, et au cours du repas pour prévenir les gastralgies.

→ Dans le cadre d’un traitement long, des mesures hygiénodiététiques permettent de prévenir les effets indésirables métaboliques et endocriniens : exposition solaire suffisante (productrice de vitamine D), pratique physique régulière pour stimuler les cellules osseuses, entretenir les muscles et limiter la prise de poids, régime hyposodé riche en protéines, en calcium, potassium, pauvre en sucres et lipides.

→ Un apport en calcium et vitamine D est systématique lors des traitements prolongés.

→ Une supplémentation potassique est justifiée en cas de troubles du rythme ou d’associations à d’autres médicaments hypokaliémiants.

→ Les traitements supérieurs à 10 jours doivent être arrêtés progressivement sur plusieurs jours voire semaines pour éviter l’effet rebond.

→ Pour limiter le risque infectieux, il faut éduquer les patients sous corticoïdes à éviter le contact avec un entourage malade, à respecter une bonne hygiène buccodentaire et intime, mais également des mains et des pieds, à se rincer la bouche après l’administration de formes orodispersibles, de formes à inhaler ou de gouttes buvables, ainsi qu’à consulter en cas de fièvre ou de signes infectieux.

EFFETS INDÉSIRABLES

Ils se manifestent surtout lors d’une administration par voie générale, et le risque de leur survenue augmente avec la dose et la durée de traitement. Cependant, ils peuvent aussi s’observer avec des formes locales, en raison d’un possible passage systémique.

Troubles hydroélectrolytiques

→ Rétention hydrosodée pouvant engendrer des œdèmes et une prise de poids ainsi qu’une HTA du fait de l’augmentation de la volémie.

→ Hypokaliémie pouvant se manifester par des crampes ou des troubles du rythme cardiaque.

→ Alcalose métabolique.

Troubles métaboliques et endocriniens

→ Effet diabétogène.

→ Augmentation de la lipidémie.

→ Irrégularité menstruelle.

→ Hypercorticisme iatrogène ou au contraire insuffisance surrénalienne liée à un rétrocontrôle négatif, lors des traitements longs. L’hypocorticisme survient soit immédiatement, soit dans les 2 ans suivant l’arrêt du traitement corticoïde.

→ Retard de croissance chez l’enfant.

Troubles musculosquelettiques

→ Faiblesse musculaire et risque de tendinopathies voire rupture tendineuse.

→ Ostéoporose cortisonique avec risque de fracture du col du fémur et tassements vertébraux.

Atteintes cutanées

Retard de cicatrisation, acné, vergetures, atrophie cutanée, hirsutisme, hypertrichose.

Troubles neuropsychiques

Excitation, nervosité, insomnie, accès d’allure maniaque, états confusionnels, convulsions, états dépressifs à l’arrêt du traitement.

Potentialisation du risque infectieux

Mycoses, viroses (zona, herpès), atteintes parasitaires ou bactériennes, réactivation d’un foyer tuberculeux latent, liées à l’effet immunosuppresseur.

Troubles digestifs

Gastralgies voire perforations gastroduodénales liées à l’inhibition de synthèse de prostaglandines E1, protectrices de la muqueuse digestive.

Atteintes oculaires

Augmentation de la pression intra-oculaire, glaucome, cataracte.

PRINCIPALES INTERACTIONS

→ Avec les vaccins vivants atténués : risque de maladie vaccinale généralisée, potentiellement mortelle. Association déconseillée.

→ Avec les médicaments hypokaliémiants (diurétiques de l’anse et thiazidiques, amphotéricine B IV, laxatifs stimulants) : risque majoré d’hypokaliémie.

→ Avec les médicaments torsadogènes (antiarythmiques, neuroleptiques, mizolastine, halofantrine, méfloquine, quinine, pentamidine) : l’hypokaliémie induite par les corticoïdes majore le risque de survenue de torsades de pointe. L’association au sultopride est déconseillée.

→ Avec les fluoroquinolones : risque majoré de tendinites.

→ Avec les AINS : risque majoré d’hémorragies digestives.

→ Avec les AVK : risque hémorragique à fortes doses de corticoïdes ou traitement > à 10 jours. Si l’association est justifiée, une surveillance renforcée est nécessaire.

→ Avec les inhibiteurs de CYP 450 (antifongiques imidazolés, macrolides, cimétidine, inhibiteurs de protéase, jus de pamplemousse) : risque majoré d’hypercorticisme.

→ Avec les inducteurs de CYP 450 (rifampicine, antiépileptiques, millepertuis, griséofulvine, inhibiteur de la reverse transcriptase, tabac) : risque de diminution de l’efficacité des corticoïdes, avec des conséquences particulièrement importantes chez les insuffisants surrénaliens et les transplantés.

PRINCIPALES CONTRE-INDICATIONS

→ Infections sévères et en particulier viroses en cours d’évolution (sauf indications particulières).

→ Etats psychotiques non contrôlés.

→ Ulcère gastroduodénal évolutif sans traitement anti-ulcéreux associé.

→ HTA sévère non contrôlée.

→ Diabète non équilibré.

→ Cirrhose alcoolique avec ascite.

→ Goutte, infections cutanées, lésions ulcérées, psoriasis, acné.

Il n’existe cependant aucune contre-indication absolue à une corticothérapie d’indication vitale.

SURVEILLANCE DU TRAITEMENT

Une surveillance rigoureuse doit être mise en place, surtout dans le cadre de traitements longs ou à fortes doses.

Surveillance clinique

→ Température : une hyperthermie peut révéler une infection.

→ Poids et recherche d’œdèmes.

→ Tension artérielle.

→ Etat cutané.

→ Taille chez l’enfant traité au long cours.

→ Bilan ophtalmique tous les 6 à 12 mois.

→ Attention : une corticothérapie peut réactiver une hépatite B ou C.

Surveillance biologique

→ Glycémie, lipidémie.

→ Ionogramme sanguin (kaliémie….)

→ Créatininémie.

Contre-indications

Léopold pourra-t-il être vacciné ?

Cet après-midi, une jeune maman entre dans une officine située à proximité d’un centre de Protection Maternelle Infantile (PMI). Elle est accompagnée de son fils Léopold, âgé de 20 mois. En tendant une ordonnance de MMRVax Pro au pharmacien, elle précise espérer que le pharmacien l’ait en stock car elle reconnaît s’y être prise un peu tard et dans sa pharmacie habituelle, il n’y en avait plus. Cependant, Léopold doit être vacciné dans 20 minutes par un médecin de la PMI ! Voyant le pharmacien revenir avec la boîte de vaccin en main, la maman pousse un soupir de soulagement. En consultant son dossier pharmaceutique, le pharmacien se montre pourtant septique sur l’opportunité de vacciner Léopold aujourd’hui.

Pourquoi Léopold ne peut-il être vacciné aujourd’hui ?

En introduisant la carte Vitale dans le lecteur, le pharmacien découvre qu’il y a eu, il y a 2 jours, une dispensation par une autre pharmacie de gouttes de Célestène (bétaméthasone) pour Léopold.

ANALYSE DU CAS

Les corticoïdes sont immunosuppresseurs et sont de ce fait contre-indiqués avec les vaccins vivants (BCG, varicelle, rougeole, oreillons, rubéole, fièvre jaune, rotavirus) en raison d’un risque de survenue de maladie vaccinale généralisée potentiellement mortelle. Or, MMRVax Pro est un vaccin trivalent (rougeole, oreillons, rubéole) vivant. Interrogée par le pharmacien, la maman de Léopold dit avoir contacté SOS médecins, il y a 48 heures, parce qu’elle était affolée par Léopold « qui faisait un drôle de bruit en respirant ». Le médecin avait alors diagnostiqué une laryngite stridulente et avait prescrit Célestène pour 3 jours. Ce matin, elle a donc donné ses gouttes à Léopold et elle doit encore lui en redonner demain. Mais, comme Léopold va beaucoup mieux, qu’il n’avait pas de fièvre ce matin, et qu’il respire normalement, elle pensait qu’il était en état d’avoir sa deuxième dose de MMRVax Pro.

ATTITUDE À ADOPTER

D’après les RCP de Celestène, les vaccins vivants constituent effectivement une contre-indication absolue à son usage et selon le Thésaurus Afssaps, l’association de bétaméthasone par voie générale aux vaccins vivants est déconseillée.

Le pharmacien décide donc de contacter la PMI et de s’entretenir avec le médecin. Informé du traitement corticoïde de Léopold, ce dernier préfère ne pas le vacciner aujourd’hui et reporte la vaccination au mois prochain. De son côté, le pharmacien rassure la jeune maman : cela ne posera pas de problème dans le calendrier vaccinal, Léopold aura sa deuxième dose de MMRVax Pro à 21 mois, c’est-à-dire avant l’âge souhaité de 24 mois (selon les recommandations du BEH 2010).

Quelle malchance !

Edith, 52 ans, vient chercher une ordonnance d’un mois de Médrol 16 (2 cp/j) prescrit par un rhumatologue pour une polyarthrite. La prescription comporte aussi Zaldiar. Edith soupire, en rappelant à la pharmacienne qu’il y a trois mois, elle avait été traitée pour un ulcère gastrique : « après les problèmes d’estomac, une maladie rhumatismale, quelle malchance ! ».

Que penser de cette ordonnance ?

Elle semble incomplète.

ANALYSE DU CAS

Les AIS en inhibant la phospholipase A2 par induction de la lipocortine, diminuent la synthèse d’acide arachidonique, précurseur des prostaglandines E2 pro-inflammatoires et des prostaglandines physiologiques E1, qui protégent la muqueuse digestive contre l’acidité gastrique. Ils ont donc de possibles effets indésirables digestifs à type de gastralgies, ulcérations gastroduodénales, voire perforation et hémorragie digestives. La question d’une éventuelle contre-indication à la corticothérapie du fait des antécédents ulcéreux d’Edith se pose donc. Dans le RCP de Médrol, l’ulcère gastro-duodénal fait l’objet d’une mise en garde, mais il est stipulé que la corticothérapie n’est pas contre-indiquée si un anti-ulcéreux est associé. En cas d’antécédents ulcéreux, la corticothérapie peut être prescrite avec une surveillance clinique et au besoin après fibroscopie. Edith a terminé son traitement pour l’ulcère, il y a 1 mois environ. L’antécédent ulcéreux est très récent.

ATTITUDE À ADOPTER

Etonnée par l’absence d’anti-ulcéreux sur l’ordonnance, la pharmacienne téléphone au rhumatologue pour le tenir informé des antécédents récents d’ulcère d’Edith. Cette dernière a bénéficié il y a un mois d’un contrôle endoscopique favorable après le traitement de son ulcère, le rhumatologue maintient sa prescription, mais juge préférable, compte tenu de la durée de traitement corticoïde envisagée et de l’antécédent d’ulcère récent, d’adjoindre un traitement préventif par Inipomp 20. Il précise à la patiente de bien prendre Médrol au cours du petit-déjeuner et de consulter en cas de gastralgies ou de coloration noire des selles.

Emma « couve »-t-elle la varicelle ?

Mme V. tend à Sonia, la préparatrice, une ordonnance de Polaramine et de dosettes de chlorhexidine pour son fils François, qui a la varicelle. Elle souhaite acheter 2 boîtes de dosettes car elle s’attend à ce que dans quelques jours, Emma, la petite sœur de François, ait aussi la varicelle. « Je n’arrête pas de consulter le pédiatre : lundi avec Emma pour sa bronchiolite, et aujourd’hui, c’est François qui a la varicelle ! » se plaint-elle. Emma est sous Celestène et Ventoline. Sonia décide d’aller trouver la titulaire.

Qu’est-ce qui préoccupe Sonia ?

Le fait qu’Emma soit sous corticoïdes alors qu’elle « couve » probablement la varicelle inquiète Sonia.

ANALYSE DU CAS

La varicelle est une maladie éruptive très contagieuse due à un Herpes viridae, le VZV. Présent dans les vésicules, mais aussi dans le nez et la gorge avant l’éruption, le virus peut se transmettre par les gouttelettes de Pflügge (secrétions respiratoires) et la contagiosité débute avant l’éruption. Il se peut donc qu’Emma ait déjà été contaminée et qu’elle soit en période d’incubation silencieuse (en moyenne 14 jours). Or, les corticoïdes, qui répriment les gènes codant pour la synthèse des interleukines 1 et 2 et de l’interféron gamma affectent la réponse immunitaire cellulaire. Ils sont donc contre-indiqués lors de certaines viroses en évolution (notamment varicelle, zona et herpès). Par mesure de précaution, les patients sous corticoïdes doivent éviter le contact avec les sujets varicelleux, s’ils n’ont pas déjà eu la varicelle.

ATTITUDE À ADOPTER

La maladie n’étant pas encore au stade évolutif, la titulaire décide de téléphoner au pédiatre pour lui rappeler son traitement par AIS et discuter avec lui du risque infectieux. Ce dernier décide par précaution d’interrompre le traitement par Célestène et de maintenir Ventoline seule.

Profils particuliers

Pourquoi dois-je faire autant d’INR ?

M O., 72 ans, est traité depuis plusieurs années par Previscan dans le cadre d’une fibrillation auriculaire. Il sort d’une consultation chez un rhumatologue pour de violentes douleurs à l’épaule. La prescription comporte Médrol 16 (2 cp le matin pendant 1 mois) et Didronel 400 (1 cp/j pendant 14 j). Le spécialiste, qui suspecte une pseudopolyarthrite rhizomélique, souhaite revoir M. O. dans 1 mois. D’ici là, il lui a demandé de faire un INR dans une semaine et un autre 15 jours après, ainsi qu’un ionogramme sanguin.

Pourquoi le rhumatologue a-t-il prescrit à M. O. des INR aussi rapprochés ?

En raison d’une possible interaction entre la méthylprednisolone et la fluindione.

ANALYSE DU CAS

Les AIS utilisés par voie générale et rectale peuvent interagir avec les AVK et augmenter ou diminuer l’INR, en raison d’une influence de la corticothérapie sur le métabolisme de l’anticoagulant mais également sur celui des facteurs de coagulation. En inhibant certains facteurs de transcription, les AIS diminuent l’expression des cyclo-oxygénases 2 et la synthèse de thromboxane A2. Par ailleurs, il faut tenir compte du risque hémorragique digestif de la corticothérapie utilisée à fortes doses ou de façon prolongée, ce qui est le cas pour M. O. (traitement > 10 jours et 40 mg d’équivalent prednisone/j ). Le Thésaurus Afssaps classe cette interaction en association nécessitant des précautions d’emploi : un INR doit être pratiqué au minimum au 8e jour, puis tous les 15 jours pendant la corticothérapie et après son arrêt.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien explique à M. O. que Médrol peut interagir avec son traitement anticoagulant. C’est pourquoi une surveillance biologique stricte est nécessaire. Il insiste aussi sur l’intérêt de l’ionogramme (une hypokaliémie cortico-induite pouvant favoriser la survenue de troubles du rythme) et préconise à M. O. de signaler sa corticothérapie au cardiologue lors de sa prochaine consultation.

Une demande surprenante !

M G., 46 ans, tend à Olivier, étudiant en pharmacie, une ordonnance d’Adixone 50 g (1 cp/j) qu’il s’est déjà procuré à l’hôpital, et d’Hydrocortisone (1 cp matin, midi et 16 h). Il demande aussi une boîte de comprimés de Chlorure de sodium Erjean.

Olivier a-t-il bien compris la demande de M. G. ?

Oui, M G. achète régulièrement des comprimés de sodium sur les recommandations de son endocrinologue.

ANALYSE DU CAS

M. G., patient surrénalectomisé bilatéral, suit un traitement substitutif.

→ Disponible à la pharmacie hospitalière, Adixone est la première spécialité à base de fludrocortisone, ayant une AMM dans le traitement minéralocorticoïde substitutif de l’insuffisance surrénalienne, en association avec un glucocorticoïde. Elle remplace la préparation hospitalière Fludrocortisone AP-HP. Ses potentiels effets indésirables de type hypokaliémie et rétention hydrosodée disparaissent avec l’ajustement posologique.

→ L’hydrocortisone est une hormone physiologique du cortex surrénal, utilisée comme glucocorticoïde de substitution et dont les effets indésirables propres aux corticoïdes s’observent surtout en cas de surdosage. Aux doses substitutives, les précautions d’emploi et les mises en garde propres aux corticoïdes ne sont donc pas justifiées et le régime des patients est normosodé. Dans certains cas justifiés par le contexte pathologique (hyperplasie congénitale des surrénales avec syndrôme de perte de sel) ou en cas de forte chaleur ou de transpiration excessive, une supplémentation orale en sel est même parfois nécessaire.

ATTITUDE À ADOPTER

La titulaire contrôle les médicaments qu’Olivier a sorti et lui explique les raisons de cette supplémentation sodée. Au comptoir, prenant des nouvelles de M. G., elle s’assure que ce dernier respecte bien le rythme des ionogrammes sanguins.

Problèmes d’observance

Jules ne veut pas dormir !

Mme G. souhaite acheter « un sirop pour faire dormir Jules ». Le pharmacien connait bien la famille G., et jusqu’à présent, Jules, 5 ans, n’a jamais eu de troubles du sommeil. Mme G. n’explique pas ces problèmes, apparus depuis que Jules a une bronchite asthmatiforme.

Comment expliquer ces difficultés d’endormissement ?

Il est possible que les difficultés d’endormissement soient dues au traitement de sa bronchite asthmatiforme. Le pharmacien se souvient lui avoir dispensé avant-hier Solupred 20 mg à raison de 1 cp orodispersible le matin, pendant 4 jours.

ANALYSE DU CAS

Les corticoïdes peuvent induire des troubles neuropsychiques, qu’ils soient administrés par voie générale ou inhalée. Le Centre régional de pharmacovigilance de Toulouse aurait identifié 95 notifications spontanées concernant 136 effets indésirables neuropsychiatriques de corticoïdes, survenus chez des enfants et adolescents entre 1994 et 2007. La voie orale était en cause dans 70 % des cas. Les effets indésirables les plus fréquents étaient l’excitation et les troubles du sommeil. Dans le RCP de Solupred, l’euphorie, l’insomnie et l’excitation sont également fréquemment décrites, et rarement, des accès maniaques ou dépressifs (à l’arrêt du traitement), des convulsions et des états confusionnels.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien interroge Mme G. quant au mode d’administration de Solupred : les corticoïdes doivent être pris le matin, non seulement pour respecter la secrétion physiologique de cortisol, mais aussi pour prévenir d’éventuels troubles du sommeil et au cours du petit déjeuner (pour prévenir les troubles digestifs).

Mme G. avoue avoir des difficultés à donner à Jules son médicament, qu’il trouve très mauvais. Elle attend le soir, le retour de son mari, pour lui faire prendre son médicament car « avec son père, Jules fait moins de comédie ». Le pharmacien insiste alors sur l’importance du bon respect de l’ordonnance et conseille de déliter les comprimés dans de l’eau sucrée, pour en faciliter la prise.

Pas de risque de rechute

Suite à une maladie de Basedow (hyperthyroïdie) et à une intolérance aux anti-thyroïdiens, Mme T., vient de subir une thyroïdectomie totale. Avant l’intervention, elle avait suivi une cure de prednisone (70 mg/j pendant 5 semaines). Elle sort aujourd’hui de l’hôpital avec une ordonnance de Calcidia pour corriger une hypocalcémie consécutive à l’opération, et de Cortancyl, à posologie décroissante sur 2?semaines. Mais Mme T. ne veut pas qu’on lui délivre la prednisone « car n’ayant plus de thyroïde, il n’y a pas de risque de rechutes ! ».

Pourquoi Mme T. est-elle toujours sous corticoïdes ?

Compte tenu de la durée du traitement corticoïde, ce dernier ne doit pas être arrêté brutalement.

ANALYSE DU CAS

Les corticoïdes administrés de façon prolongée provoquent une freination de la secrétion physiologique d’hydrocortisone. C’est pourquoi, ils doivent être arrêtés progressivement, tant pour éviter les rechutes, que pour relancer l’axe hypothalamo-hypophysaire surrénalien. Le rythme du sevrage dépend de la durée de traitement, de la dose de départ et de la pathologie traitée. Ainsi pour les cures inférieures à 10 jours, l’arrêt peut se faire sans décroissance. Mais pour les traitements de plusieurs mois, la réduction se fait par paliers de 10 % tous les 8 à 15 jours, jusqu’à l’équivalent de 5 mg/j de prednisone. Parfois, un traitement substitutif par hydrocortisone, ainsi qu’un test de la fonction corticotrope par Synacthène peuvent être souhaitables.

ATTITUDE À ADOPTER

Le pharmacien délivre à Mme T. une boîte de Cortancyl 20 et une de 5 mg de façon à bien observer la décroissance posologique precrite, en lui expliquant qu’il n’y a certes pas de risque de rechute d’hyperthyroïdie, mais un risque de dysfonctionnement de ses glandes surrénaliennes en cas d’arrêt brutal de l’AIS.

Ce qu’il faut retenir

Les questions à se poser lors de la délivrance d’un corticoïde

PROFIL PHYSIOPATHOLOGIQUE DU PATIENT

→ Souffre-t-il d’un problème infectieux (sauf indications particulières) ?

AIS contre-indiqués.

→ A-t-il ou a-t-il eu un ulcère gastro-duodénal ?

Coprescription d’un anti-ulcéreux et surveillance clinique.

→ Est-il hypertendu ?

Risque d’élévation de la tension artérielle par rétention hydrosodée : surveillance renforcée de la tension artérielle.

→ A-t-il un risque accru d’ostéoporose (traitement corticoïde à des doses supérieures à 7,5 mg/j d’équivalent prednisone pendant plus de 3 mois) ?

Supplémentation en calcium et vitamine D, coprescription d’Actonel chez la femme ménopausée, ou de Didronel.

→ A-t-il des risques de troubles du rythme cardiaque ?

Supplémentation potassique.

MÉDICAMENTS ASSOCIÉS

→ Vaccins vivants :

AIS contre-indiqués : différer la vaccination.

→ Antibiotiques :

Risque majoré de mycoses et avec les fluoroquinolones, de tendinites. Surveillance clinique renforcée.

→ Médicaments hypokaliémiants :

Surveillance renforcée de la kaliémie.

→ Médicaments torsadogènes :

Idem hypokaliémiants.

Association déconseillée avec le sultopride.

→ AINS :

Pas d’AINS ou de salicylés en auto-médication pendant une corticothérapie orale. Si l’association ne peut être évitée, protection avec un IPP.

→ Anticoagulants oraux :

Surveillance biologique renforcée : contrôle d’INR au 8e jour, puis tous les 15 jours pendant la corticothérapie et après son arrêt.

CONSEILS AU PATIENT

→ Administration préférentielle le matin au cours du petit déjeuner.

→ Se rincer la bouche après administration de gouttes buvables, de formes orodispersibles ou à inhaler.

→ Respecter la décroissance progressive des doses lors de l’arrêt des traitements supérieurs à 10 jours.

→ Pour les traitements au long cours, conseiller un régime pauvre en sucres, lipides, sel, riche en potassium, protéines et produits laitiers.

→ Eduquer les patients à énoncer leur traitement à tout prescripteur potentiel pour éviter les interactions médicamenteuses.

À RETENIR

Des conseils diététiques appropriés (régime pauvre en sel, glucides et lipides, riche en protides, calcium et potassium) peuvent permettre de prévenir un grand nombre d’effets indésirables métaboliques des traitements corticoïdes au long cours.

Les équivalents prednisone

Convertir les doses des différents corticoïdes en équivalents prednisone est indispensable au pharmacien d’officine. A partir de certaines quantités d’équivalents prednisone, les corticoïdes doivent être utilisés ou arrêtés en respectant des précautions d’emploi particulières et peuvent justifier une coprescription pour prévenir les effets indésirables. Ainsi :

→ L’apport sodé doit être réduit pour des posologies quotidiennes supérieures à 15 mg d’équivalent prednisone. Il sera seulement modéré en deçà.

→ Un traitement corticoïde à des doses supérieures ou égales à 7,5 mg par jour d’équivalent prednisone est un facteur de risque d’ostéoporose et justifie une coprescription de risédronate ou d’étidronate.

→ Lors de la décroissance des doses pour arrêter un traitement corticoïde prolongé, à la posologie de 5 à 7 mg d’équivalent prednisone, il est souhaitable de remplacer le corticoïde de synthèse par 20 mg par jour d’hydrocortisone (corticoïde physiologique) jusqu’à la reprise de la fonction corticotrope, afin d’éviter une insuffisance surrénalienne.

Prednisone : équivalence aux autres corticoïdes

5 mg de prednisone = 0,75 mg de bétaméthasone

= 0,3 mg de cortivazol = 0,75 mg de dexaméthasone

= 4 mg de méthylprednisolone

= 5 mg de prednisolone

= 4 mg de triamcinolone

À RETENIR

Les corticoïdes peuvent être responsables d’une éruption acnéïforme sans comédons de début brutal et réversible à l’arrêt du traitement.

À RETENIR

Les corticoïdes sont immunosuppresseurs et peuvent favoriser la survenue de mycoses, d’autant plus s’ils sont associés à un antibiotique.

Le patient doit signaler à tout médecin son traitement corticoïde.

ATTENTION

L’ostéoporose représente une des principales complications des traitements cortisoniques généraux au long cours, à des doses supérieures à 7,5 mg/j d’équivalent prednisone, en particulier chez la femme ménopausée.

Prévention de l’ostéoporose cortisonique

→ La prévention de l’ostéoporose par des mesures générales et éventuellement par un traitement médicamenteux préventif doit être systématiquement envisagée lors d’une corticothérapie par voie générale durant plus de 3 mois quelle que soit la dose.

→ Les mesures générales consistent à :

– utiliser la corticothérapie par voie générale à la dose la plus faible possible, sur la durée la plus courte possible.

– rechercher et traiter les autres facteurs d’ostéoporose (hypogonadisme, dysfonctionnement thyroïdien ou parathyroïdien).

– rechercher et traiter une carence en calcium et vitamine D. Ne pas hésiter à faire un bilan régulier des apports alimentaires calciques.

→ Le traitement préventif, en cas de traitement à des doses supérieures ou égales à 7,5 mg/j d’équivalent prednisone, repose sur l’utilisation de deux biphosphonates :

– Actonel (risédronate) 5 mg (1 cp/j), réservé à la femme ménopausée.

– Didronel (étidronate) 400 mg (1 cp/j pendant 14 jours, suivi d’un apport de calcium et éventuellement de vitamine D, pendant 2 mois et demi), dont l’AMM concerne tout type de patient, sans restriction d’âge ni de sexe.

À RETENIR

Les corticoïdes peuvent être responsables d’une irrégularité menstruelle.

ATTENTION

Les corticoïdes sont hypokaliémiants et sont impliqués dans de nombreuses interactions avec les médicaments torsadogènes et les autres hypokaliémiants.

À RETENIR

Les corticoïdes oraux ou injectables peuvent induire des tendinopathies. Ce risque est majoré en cas d’association aux fluoroquinolones.

À RETENIR

En raison d’un risque de potentialisation d’effets indésirables digestifs, il faut éviter les associations AIS/AINS, a fortiori en auto-médication. Si elle ne peut être évitée, une coprescription d’IPP est nécessaire.

ATTENTION

Une vaccination par vaccin vivant atténué est contre-indiquée pendant un traitement corticoïde.

Le syndrome de Cushing

→ Le syndrôme de Cushing regroupe l’ensemble des manifestations cliniques induites par une exposition chronique à un excès durable, endogène ou exogène, d’hormones à action glucocorticoïdes.

→ Il associe de nombreux symptômes non spécifiques (obésité, HTA, troubles de la glycorégulation, troubles de l’humeur) à des signes plus spécifiques, tels qu’une répartition facio-tronculaire des graisses, un retard temporaire de croissance chez l’enfant (associé à une prise de poids paradoxale) et des signes d’hypercatabolisme osseux (ostéoporose), musculaire (amyotrophie proximale) et cutané (vergétures, ecchymoses).

→ Parmi les causes endogènes, on distingue le syndrome de Cushing-ACTH dépendant (85 % des cas) dû à une secrétion excessive d’ACTH, et le syndrome-ACTH indépendant dû à une hypersecrétion surrénalienne autonome.

→ Devant toute manifestation clinique de syndrome de Cushing, avec une discordance entre le tableau clinique et l’exploration hormonale hypophyso-surrénalienne, il convient de rechercher une origine exogène ou iatrogène : en premier lieu, prise de corticoïdes de synthèse (quelle que soit la voie d’administration), éventuellement associée à des inhibiteurs de cytochrome P 450 (itraconazole, ritonavir), qui augmentent leur biodisponibilité, prise de progestatifs à forte dose ou de tétracosactide (Synacthène).

À RETENIR

En cas d’ulcère gastroduodénal, la corticothérapie n’est pas contre-indiquée si un traitement anti-ulcéreux est associé.

ATTENTION

Varicelle, zona et herpès en évolution constituent une contre-indication à l’usage des corticoïdes.

À RETENIR

Lorsque l’association AIS/AVK est justifiée, la surveillance biologique doit être renforcée (INR au 8e jour puis tous les 15 jours).

À RETENIR

Dans le cadre d’une corticothérapie substitutive, les précautions d’emploi des corticoïdes ne sont pas justifiées. Dans certains cas, la prise de sel peut même être renforcée.

ATTENTION

Les corticoïdes oraux doivent généralement être pris le matin aux alentours de 8 heures, pour respecter la chronophysiologie du cortisol et prévenir les troubles du sommeil.

À RETENIR

Les traitements AIS supérieurs à 10 jours doivent être arrêtés progressivement pour éviter les rechutes et une insuffisance surrénalienne parfois durable.