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UN MARCHÉ BIEN GRIPPÉ
En 2012, les prix des officines ont chuté de 3 points à 84 % du CA HT, mais cela n’a pas suffi à vaincre l’attentisme des acquéreurs au cours d’une année marquée par les incertitudes économiques, politiques et fiscales. Résultat : les ventes de fonds ont reculé de 12 %. Les SPF-PL parviendront-elles à déverrouiller le marché en 2013 ?
Le comportement du marché des transactions d’officines en 2012 envoie de nombreux signes d’inquiétude. Après la reprise éphémère de 2011, les ventes ont sérieusement chuté l’an dernier, revenant ainsi à leur niveau de 2010. Interfimo, dans son étude statistique annuelle des prix (mars 2013), a recensé environ 1 100 cessions de fonds en 2012, contre 1 250 en 2011, soit un recul de 12 %. Ce chiffre, auquel il faut ajouter le nombre de cessions de parts sociales, conduit à environ 1 400 changements de titulaires l’an passé. C’est insuffisant pour enrayer le vieillissement de la profession et assurer le renouvellement des effectifs. « Dans l’idéal, il faudrait que 1 800 pharmacies changent de main tous les ans », signale Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. Un premier indicateur préoccupant car la proportion accrue de seniors devrait plutôt conduire à une accélération des transmissions. Et pourtant, les prix des officines ont chuté l’an dernier, pour la quatrième année consécutive, pour s’établir à 84 % du CA HT en 2012. En 2011, les prix avaient baissé de 2 points à 84 % du CA TTC en moyenne, ce qui, rapporté au CA HT, correspond à un prix de 87 %. Ce changement dans l’appréciation de la valeur des officines ne change rien à la tendance. Alors que le mouvement de baisse s’est amplifié (– 3 points), il n’a pas eu d’effets sur les volumes.
Les périodes d’élection ont toujours une influence négative sur le désir d’entreprendre mais, « un autre paramètre a figé le marché sur le second semestre, la préparation dès juillet de la future loi de finances pour 2013, et le bouleversement fiscal qu’elle a entraîné en réintégrant les plus-values professionnelles à l’impôt sur le revenu », ajoute Luc Fialletout.
Les écarts de prix entre « petites » et « grosses » se réduisent
Les départs en retraite restent plus que jamais le principal moteur du marché. Selon la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens, ils ont crû de 2,2 % l’an dernier, supplantant largement les cessions/réinstallations. Un mouvement qui va s’accélérer et continuer à animer le marché puisque la population des pharmaciens vieillit. « En 10 ans, les titulaires de 56 à 65 ans ont presque doublé », signale-t-il.
Mais les causes de ce repli sont d’abord internes à la profession et témoignent d’une crise plus profonde où plusieurs phénomènes interfèrent. Tout d’abord, l’incertitude engendre l’immobilisme, or l’officine est en proie à de profonds changements avec l’arrivée d’un nouveau mode de rémunération. Ensuite, acheter une officine financée à 100 % à crédit semble risqué en période de crise durable. Enfin, les prix restent déconnectés de la réalité économique et les conditions d’accès au crédit se resserrent malgré des taux toujours plus attractifs. Ce contexte n’a pas échappé aux banques : « La baisse des prix en pourcentage du CA se conjugue avec une baisse plus modeste des prix en multiple de l’EBE (avant rémunération et cotisations sociales des titulaires) », indique Luc Fialletout. En 2012, le prix de cession en multiple de l’EBE n’a quasiment pas varié : il est de 7,4 fois l’EBE en moyenne contre 7,5 fois en 2011. Même si les prix en % du CA s’infléchissent depuis plusieurs années (– 11 points cumulés en 4 ans), ils ne baissent pas assez pour faire revenir les acquéreurs.
Par ailleurs, l’immobilisme des vendeurs n’a rien à envier à celui des acheteurs. Le comportement déroutant des marchés financiers et le durcissement de la fiscalité des transmissions (taxation des plus-values professionnelles) et du patrimoine n’incitent pas vraiment à anticiper une vente, faute de savoir où placer son capital. Si la valse-hésitation des vendeurs se poursuit, la reprise risque d’être compliquée et l’apathie actuelle du marché se règlera dans la durée, au fil d’un rééquilibrage entre vendeurs et acheteurs. En 2013, la baisse des prix devrait s’affirmer, évinçant progressivement du marché les petites officines déjà sous valorisées.
Au regard de l’évolution des prix de cession par niveau de CA, aucune catégorie d’officines n’a vu sa valeur s’apprécier. Les petites officines de moins de 1,2 M€ de CA HT sont les plus sinistrées. Leur prix moyen tombe à 75 % du CA HT (– 4 points par rapport à la moyenne 2011), les acquéreurs désertant de plus en plus ce segment de marché. A l’autre extrémité, les pharmacies de plus de 2 M€ ne sont pas épargnées, même si elles se vendent plus cher (– 3 points à 91 %). A l’inverse de 2011, l’écart de prix entre les plus petites officines et les plus importantes se réduit, passant en un an de 23 à 16 points. Entre ces deux extrêmes, les pharmacies de 1,2 à 1,6 M€ (– 2 points à 83 %) résistent un peu mieux à la baisse générale que les officines de 1,6 à 2 M€ (– 3 points, à 88 %).
Le type d’officine est un autre critère d’appréciation du fonds, souvent corrélé à la taille. Là encore, les prix baissent avec des écarts entre pharmacies de typologie différente qui s’amenuisent. Le prix de cession moyen des officines de centre commercial chute de 6 points à 91 % du CAHT, alors que les autres catégories de pharmacies, d’emplacement moins recherché, ne chutent que de deux points. L’an dernier, les pharmacies de quartier se sont négociées en moyenne à 82 % du CA HT, les pharmacies de centre-ville à 85 % et les pharmacies rurales à 86 %.
Le clivage Nord/Sud n’est plus
Dans les différentes régions, les ajustements de prix de cession ont été disparates. La plupart des régions enregistrent une baisse de leur prix de cession moyen (14 régions) et seules 5 d’entre elles (Picardie, Bretagne, Poitou-Charentes, Limousin, Auvergne) progressent. Remarquons que malgré un rebond de prix, l’Auvergne reste la moins valorisée de France avec l’Ile-de-France, habituée aux dernières places. La remontée des prix en Picardie ne surprend pas Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils, Auditeurs et Associés à Lille : « Il existe un engouement fort des pharmaciens du cru pour Amiens et Abbeville et une surcote pour les pharmacies de plus de 1,5 M€ seules au village et sans concurrence aux alentours. » En Picardie, la densité est aussi plus faible qu’ailleurs (31 pharmacies pour 10 000 habitants contre 36 dans le Nord-Pas-de-Calais et 34 en Champagne-Ardenne. « En revanche, ajoute Michel Watrelos, dans une ville moins importante comme Saint-Quentin, la présence de pharmaciens discounters influence les prix à la baisse. » En Bretagne, les pharmacies se vendent encore à des prix très élevés, « notamment en bord de mer », rapporte Carole Pautrel-Glez, expert-comptable du cabinet Cohésio à Rennes. Mais dès que l’on s’éloigne du littoral , les acquéreurs se font plus rares. « La désertification médicale est un frein majeur aux cessions, analyse-t-elle. L’âge des médecins et leur non-remplacement probable découragent les meilleures volontés. » En Poitou-Charentes, Interfimo indique que la moyenne régionale a grimpé en raison d’un nombre important de cessions en stations balnéaires. « Les prix restent très élevés à La Rochelle et à Saintes », précise Marc Barbet du cabinet de transactions All-in-One Santé. Il mentionne deux facteurs de renchérissement des prix particulièrement patents dans cette région. « La prorogation jusqu’en décembre 2014 du régime d’exonération des plus-values en cas de départ à la retraite pour la vente d’un fonds ou d’une cession de parts d’une société à l’IR rend les seniors moins pressés de vendre et accrochés à des prix élevés. Les enjeux économiques de l’hégémonie commerciale font également grimper les prix. Les comportements des pharmaciens investisseurs en SEL, qui partent à la conquête de leur marché en rachetant la pharmacie de leur voisin, contribuent à donner de la valeur au fonds en le surpayant. »(encours)
Superposition compliquée du prix en % du CA et multiple de l’EBE
Depuis deux ans, la carte de France des prix de cession ne se caractérise plus par un clivage Nord/Sud. Plusieurs régions comme la Picardie, la Basse-Normandie et la Bretagne rejoignent celles du pourtour méditerranéen (PACA, Languedoc-Roussillon) et l’Aquitaine, habituellement les plus chères. Notons que la région PACA a perdu 7 points. « La chute des prix est partie de très haut, il est normal qu’elle soit plus douloureuse qu’ailleurs », commente Lionel Canesi, expert-comptable du cabinet C2C Pharma à Marseille. La raison tient aussi à un fort décalage dans cette région entre prix et rentabilité. « Les officines de plus de 2 M€ de CA se vendent au-delà de 90 %, a contrario, les affaires de moins de 1 M€ se cèdent entre 60 et 70 % et, à la différence des affaires importantes, ce sont les acheteurs qui font leur prix. » Enfin, malgré une perte de 5 points, les prix en Alsace sont toujours parmi les plus élevés. L’analyse montre que le critère géographique est moins déterminant que la taille ou l’emplacement pour la valorisation des prix de cession. « Ce critère est en train de s’effacer progressivement des caractéristiques du marché », remarque Luc Fialletout. En 2012, l’écart de prix s’est ainsi atténué de 5 points par rapport à 2011 entre les régions les plus chères et les moins chères.
La relative homogénéisation des prix exprimés en multiple de l’EBE est moins flagrante, les moyennes masquent de fortes disparités. En 2012, une majorité de cessions s’inscrivent entre – 4 et + 5 points autour du prix moyen. Les pharmacies valorisées à 8 fois l’EBE et plus représentent encore une part importante, et preuve que le marché reste indiscipliné malgré la crise, plus de une pharmacie sur 6 a été valorisée à un prix supérieur à 9,5 fois l’EBE. En outre, le recoupement pour une même région de son prix moyen exprimé en % du CA HT avec celui en multiple de l’EBE, rend la lecture et l’appréciation des fonds plus difficiles. En superposant les deux cartes de prix, on observe qu’en régions PACA, Poitou-Charentes, Bretagne, Basse-Normandie et Alsace, de nombreuses pharmacies sont vendues à des prix très élevés au regard de la rentabilité (au-delà de 7,7 fois l’EBE). Ce sont ces mêmes régions qui concentrent les prix les plus chers en pourcentage du CA HT. « La Manche, la côte normande et l’Orne sont des départements très recherchés car très ouverts sur les zones de villégiature, notamment la Bretagne, précise Dominique Leroy, expert-comptable du cabinet Norméco à Rouen. Le marché y est très fermé et les officines se vendent surtout par relations et à bon prix. De plus, Caen est une ville dynamique qui attire également les acheteurs, et où le marché est actif. » La Haute-Normandie, région voisine mais située plus au nord, ne suscite pas le même engouement.
Les pharmacies de Rhône-Alpes se distinguent également par un prix moyen survalorisé en multiple de l’EBE (8,1 fois, en hausse), par contre son prix moyen en fonction du CA se situe 2 points au-dessus de la moyenne nationale (86 %, en baisse). Pour Patrice Riberry du cabinet Conseil Riberry à Lyon, cette discordance s’explique par la trop grande faiblesse des volumes (plus de 23 % cessions de fonds en moins en 2012 sur la région Rhône-Alpes). « Tellement peu d’affaires se vendent que l’assiette est devenue insuffisante pour sortir des moyennes. Or, avec deux ou trois prix de cession hors normes sur la région, les statistiques peuvent être vite faussées ! » Plus au nord, les officines parisiennes avec un prix moyen de 81 % du CA HT, sont logiquement sous la moyenne nationale compte tenu des conditions d’exercice difficile à Paris (densité des officines, concurrence…). Néanmoins, elles font partie des régions les plus chères en multiple de l’EBE (7,8 fois).
Le quart nord-ouest à l’honneur
La baisse significative de l’activité gagne la plupart des régions, 15 au total. Elle se traduit par une chute de 7 points au plan national du taux moyen de rotation des pharmacies à 49 mutations pour 1 000 officines (56 pour 1 000 en 2011). 12 régions sont touchées de plein fouet par une baisse de leur taux de rotation de plus de 10 points. Les régions de l’Est (Alsace, Lorraine, Franche-Comté), déjà caractérisées par un faible turnover en 2011, sont les moins actives du marché en 2012. Elles sont rejointes par le Limousin – région la plus dynamique en 2011 –, l’Auvergne, le Midi-Pyrénées et la Picardie qui affichent les taux de rotation les plus bas (moins de 43 mutations pour 1000 officines). Les plus dynamiques en 2012 – Bretagne, Basse-Normandie, Ile-de-France et Centre – présentent des taux supérieurs à 54 mutations pour 1 000 officines. Le Centre, région déjà animée en 2011 avec 59 mutations pour 1 000 officines, enregistre la plus forte hausse (+ 17 points).
Chaque année, Interfimo réitère le même constat : il est difficile de faire le lien entre la vitalité du marché dans les régions et l’évolution ou la cherté des prix, tant tous les cas de figure se présentent. Les prix grimpent en Bretagne et en Basse-Normandie mais le marché est resté très actif. A l’inverse, la poussée des prix en Picardie a refroidi les ardeurs des acquéreurs. De même, les prix très élevés en CA HT et multiple de l’EBE sur le pourtour méditerranéen ont soufflé le froid sur les transactions, malgré l’attrait du climat. Dans le Centre, la baisse des prix est très mesurée (– 1 point), ce faible ajustement contraste avec la belle animation du marché. Et en Lorraine, la forte correction à la baisse des prix (– 9 points) n’a pas stimulé le nombre des mutations qui reste l’un des plus faibles de France.
La bulle financière se dégonfle
Jusqu’en 2001, les prix des officines étaient raisonnables, en moyenne de 5 à 6 fois l’EBE. De 2004 à 2008, les transactions échappent à toute logique économique. Une véritable bulle* comme on en rencontre dans l’immobilier s’était installée sur le marché des transactions d’officines. Le prix n’était pas fixé selon les critères de rentabilité, mais selon le type de pharmacie et l’importance du CA. « Les prix de cession très élevés en valeur se sont déconnectés de plus en plus de l’évolution de l’EBE en valeur », se souvient Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. En 2008, le prix de cession exprimé en multiple de l’EBE atteint un niveau record de 8,7 fois l’EBE. En 2009, la tendance s’inverse et le marché revient aujourd’hui à plus de sagesse. « Cette bulle n’a pas éclaté en 2008, elle se dégonfle doucement, explique-t-il. Les écarts continuent à se réduire entre les prix de marché et la valeur économique (en multiple de l’EBE) des officines. En 2012, les prix des fonds ne sont pas encore totalement en adéquation avec l’évolution de la rentabilité des officines. »
*Une bulle est un état du marché qui revient à surestimer un prix sous le motif que les investisseurs pensent que le prix de vente sera encore plus élevé demain, alors que les facteurs fondamentaux ne semblent pas justifier un tel prix.
INTERVIEW LUC FIALLETOUT DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT D’INTERFIMO« L’EBE est un critère plus déterminant que le CA »
Pour quelle raison Interfimo présente pour la première fois, dans cette version 2012, les prix de cession des fonds en pourcentage du CA hors taxes, et non plus par rapport au CA TTC ?
L’année 2012 a été marquée par des modifications de TVA et l’arrivée d’un nouveau taux à 7 %. En 2013, les taux devraient encore bouger. Devant l’inconstance de cette taxe qui s’accentuera dans l’avenir, nous avons pris la décision de nous affranchir dans notre dernière étude de la TVA dans les références au chiffre d’affaires.
Vous présentez pour la première fois une carte de France des prix en multiple de l’EBE. Pourquoi cette nouveauté ?
Il faut remettre les usages sur le métier. La méthode de référence qui prend en compte le CA TTC et un coefficient pour déterminer le prix de vente d’une officine n’est pas adaptée à la perspective du nouveau mode de rémunération et de l’évolution du cadre d’exercice des pharmaciens. Le temps est venu de rompre avec les habitudes et de prendre en compte davantage les vrais indicateurs économiques. L’EBE est un critère beaucoup plus déterminant que le CA, puisque c’est lui qui sert à rembourser les emprunts, payer les impôts et assurer le train de vie du titulaire.
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