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TRANSACTIONS : Le sourire retrouvé

Publié le 27 octobre 2001
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Après un tassement en 1999, les transactions d’officines sont reparties à la hausse, en valeur comme en volume, sur 2000. Le nombre des mutations sur 2001 progresse également. Pourvu que cela dure ! Seule ombre au tableau : le marché boude les petites officines.

Entre 1999 et 2000, le prix moyen des cessions France entière a augmenté de deux points, passant de 83 % à 85 % du CA TTC.

En 2000, mille pharmacies ont changé de mains, soit un quart de plus qu’en 99 (source Interfimo). La tendance du marché, orientée depuis plusieurs années à la baisse, s’est enfin inversée en 2000. 2001 confirme à mi-parcours cette reprise. « Le nombre de mutations de fonds a progressé de 10 % au cours du premier semestre 2001 par rapport à 2000 », explique Hubert Mathieu, notaire, consultant pour Pharmétudes, au vu des cessions publiées au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. « Si le marché reste aussi animé au second semestre, le nombre de cessions de fonds pourrait avoisiner les 1 200, et avec les cessions de parts sociales, le marché pourrait atteindre les 1 500 mutations annuelles », laisse entendre de son côté Benoît Fouilland, d’Interfimo.

Cette plus grande mobilité de la profession est le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs : croissance soutenue de la consommation de médicaments remboursables, résultats encourageants dus au changement de marge et au droit de substitution, effets sécurisants de la nouvelle loi de répartition, stabilité des conditions de financement, décision pour certains titulaires de départ anticipé à la retraite pour échapper à la mise en place des 35 heures, de l’euro ou encore de SESAM-Vitale.

Le regroupement pour planche de salut

Cette bonne conjoncture a eu aussi pour effet de faire remonter les prix de cession, en moyenne de deux points. Le prix moyen France entière relevé par Interfimo pour l’année 2000 est de 85 % du CA TTC. Pour Benoît Fouilland, la reprise de confiance est tant du côté des acquéreurs que des vendeurs : « Avec la baisse des droits d’enregistrement et la stabilité des taux d’intérêt, le coût moyen de l’investissement a diminué l’an dernier tandis que la tendance à la hausse du marché incite les vendeurs à vendre. »

Mais comme pour les années passées, les moyennes présentées ne reflètent pas le visage réel du marché. « La fluidité du marché est toute relative, pondère Hubert Mathieu, et son dynamisme est concentré sur les officines de CA élevé. »

En effet, les pharmacies de 4 MF et moins, même à des prix bradés, ne trouvent pas forcément acquéreur. Et pour Mathieu Beliard (POD Pharmacontact), il est irresponsable de conseiller à un jeune diplômé d’acquérir en première installation une officine de 4 MF en lui faisant croire que la revendre lui permettra de se propulser sur une affaire plus importante. « Les petites officines des grands centres-villes, lorsqu’elles ne sont plus endettées, arrivent encore à trouver preneur à des prix de l’ordre de 40 à 50 % », tempère Jean-Michel Simonetti, du cabinet Channels. Marie-Gabrielle Tingaud, son associée, ajoute que « la banque accepte de financer des opérations sur des petites officines à condition que leur rentabilité soit bonne et que l’acquéreur ait un apport personnel en proportion plus important ».

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La pilule est donc parfois amère pour les vendeurs qui ont acheté il y a dix ans ce type d’officine qui réduit notablement, voire à néant, les perspectives de capitalisation. La seule planche de salut est le regroupement, mais pour l’instant cette solution fait l’objet d’un désintérêt presque total dans la profession. « En 2000, sur les quatre dossiers de regroupement que j’ai eu à m’occuper, aucun n’a abouti, nous signale Hubert Mathieu. Et sur cette année, un seul est sur le point de se concrétiser. »

A contrario, les pharmacies plus importantes font l’objet de toutes les convoitises. Parlant pour la région parisienne, le Sud et l’Ouest, Mathieu Beliard constate que 80 % des demandes d’achats concernent des officines de plus de 7 MF de chiffre d’affaires. « En région Ouest, les officines de plus de 10 MF de chiffre d’affaires, avec une belle rentabilité et un fort potentiel de développement, sont tellement recherchées qu’elles se vendent à plus de 100 %, les prix faisant même l’objet d’une surenchère.»

Cet engouement a fait bien sûr grimper les prix. Interfimo constate une forte appréciation des officines qui réalisent plus de 12 MF de CA : leur prix moyen est en hausse de 7 points par rapport à 99. Pour Hubert Mathieu, l’acquisition d’une pharmacie de CA compris entre 4 et 6 MF reste possible à condition de ne pas avoir acheté cher et sans trop s’endetter.

En attendant la loi murcef

D’une année sur l’autre, l’évolution du marché dans les régions reste néanmoins imprévisible. En superposant la carte des prix de cession d’Interfimo et celle établie par L’Auxiliaire pharmaceutique sur les volumes des cessions, on se rend compte qu’il n’y a aucune relation entre l’évolution des prix et celle du nombre des mutations. Ainsi, les prix des officines alsaciennes ont augmenté de 15 points en 2000, ce qui en fait la région la plus chère, mais dans un marché en léger recul (10 transactions en 2000, 13 en 1999).

En Ile-de-France, y compris Paris, la hausse des prix est également importante, ce qui ne refroidit pas pour autant les acquéreurs (+ 44,5 % d’augmentation du nombre des cessions). En restant au dernier rang des prix en France, l’Ile-de-France (hors la capitale) serait-elle une région d’installation plus convoitée que d’autres ?

Autres faits marquants en 2000 : les officines situées à la périphérie des villes et dans les centres commerciaux (+ 7 points par rapport à 99) ont eu davantage la cote que celles de centre-ville (+ 2 points) et surtout rurales (- 1 point). Malgré ces différences, 2000 signe le retour à une meilleure homogénéité du marché entre types d’officines.

On note également une croissance importante du nombre de sociétés nouvellement constituées. D’après Pharmétudes, 42,80 % des cessions du premier semestre 2001 ont été réalisées au profit de sociétés, contre 34,62 % au premier semestre 2000. Bien que les SNC aient toujours la faveur des pharmaciens qui s’associent (122 au premier semestre), les SARL connaissent un regain d’intérêt sur cette période (36 contre 17 en 2000) et les SELARL ont pratiquement doublé (42 contre 22 l’an dernier).

« Les jeunes diplômés songent à s’associer pour pouvoir acquérir d’entrée de jeu une pharmacie de 10 MF de chiffre d’affaires », fait remarquer Mathieu Beliard. Et Hubert Mathieu de prédire un bel avenir aux sociétés d’exercice libéral, grâce aux nouvelles possibilités offertes par le projet de loi Murcef.

Cette loi lève l’interdiction pour un acquéreur de parts de SEL soumises à l’impôt sur les sociétés de déduire les intérêts du crédit qui a servi à les financer. De ce fait, les associés de SEL ne sont plus prisonniers de leurs parts. Et cette forme d’exercice, qui sépare les revenus du travail des revenus du capital, est une solution de choix pour un titulaire qui souhaite investir dans une autre pharmacie que la sienne et un jeune pharmacien manquant de capitaux pour acheter seul.