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SE SÉPARER SANS MAUVAISE SURPRISE

Publié le 18 janvier 2014
Par Francois Pouzaud
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Le départ d’un ou de plusieurs associés en même temps n’est pas toujours simple, surtout quand leur nombre au sein de la société est restreint, ce qui est souvent le cas en pharmacie. Les associés doivent s’entendre sur la personnalité du repreneur extérieur, le prix des parts en cas de vente entre eux, respecter les statuts et clauses de cession… Tout un programme !

La personnalité des associés est toujours primordiale dans les cessions de parts », remarque Luc-Bertrand Manry, avocat au cabinet Havre Tronchet. C’est notamment le cas pour un pharmacien en SNC qui n’est pas à l’abri d’un refus éventuel de son départ par ses coassociés (décidé à l’unanimité). La situation est parfois très délicate dans la mesure où le cédant est obligatoirement tenu de présenter à ses associés un acquéreur possédant les conditions d’agrément et qui leur convient. S’il ne peut remplir ces conditions, il se voit dans l’obligation de demeurer au sein de la société.

« Les associés restants peuvent user de leur droit d’agrément mais ne peuvent pas refuser indéfiniment et sans raison les candidats présentés par le cédant, sinon ils tombent dans l’abus de droit », précise Eric Thiébaut, avocat de la société Juris Pharma. Pour éviter tout blocage dans les cessions de parts de SNC et un recours du cédant devant les tribunaux, le règlement intérieur peut prévoir de faire acquérir les parts par les associés en cas de refus persistant d’agrément.

Si maintenant le pharmacien sur le départ exerce en SARL et que le candidat présenté n’est pas agréé (à la majorité des associés représentant les trois quarts du capital social), deux possibilités lui sont offertes : le rachat de ses parts par la majorité des associés restants ou le rachat/annulation de ses parts par la société. « La seconde solution n’est possible que si les capitaux propres de la société sont égaux ou supérieurs au montant des parts à acquérir », précise Eric Thiébaut.

La cession initialement prévue pourra néanmoins se réaliser malgré le refus des autres associés. « Il n’est pas rare de voir figurer dans les statuts une clause disant que les associés sont tenus, dans un délai de 6 mois maximum à compter de leur refus, d’acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé d’accord entre les parties, indique Luc-Bertrand Manry. Mais si rien ne se passe, l’associé souhaitant sortir peut aussi demander la dissolution de la société et la vente du fonds. »

En SEL, obligation est faite d’avoir des clauses d’agrément des cessionnaires. « Les cessions de parts sont décidées à la majorité des trois quarts des associés exerçant au sein d’une SELARL et des deux tiers en SELAS », précise l’avocat.

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Si le cédant détient une participation majoritaire dans le capital et exerce au sein d’une SEL comptant des associés investisseurs minoritaires, il n’est en droit de céder ses parts ou actions qu’à un associé remplissant les mêmes conditions d’exercice que lui. Sans quoi une procédure de dissolution de la société est mise en œuvre.

En cas de désaccord sur le prix

Concernant les cessions de parts entre coassociés, le blocage peut naître du fait qu’ils ne s’entendent pas sur le prix de cession des parts. « Au besoin, le prix peut être fixé par un expert désigné par le tribunal de commerce », précise Luc-Bertrand Manry. En pratique, il est rare que les associés demandent une expertise judiciaire pour ne pas se voir imposer un prix.

Dans les pactes d’associés de SEL, Eric Thiébaut précise que les coassociés ont un droit prioritaire de rachat dans des conditions de prix définies à l’avance. « Le prix de cession des parts est fixé par rapport aux moyennes de prix de cession d’Interfimo », explique-t-il. S’il y a un écart d’au moins dix points à l’achat en plus, cette survaleur doit se retrouver à la sortie.

Cession après révocation d’un associé

Un associé peut être révoqué et contraint de céder ses parts. L’associé révoqué dispose d’un droit de retrait moyennant le remboursement de ses droits d’associé. La révocation décidée par les associés ouvre droit à dommages et intérêts si elle intervient sans juste motif.

En SNC, un gérant est révoqué par décision unanime des autres associés pour juste motif. La majorité requise pour exclure un associé en SARL se compose des associés représentant plus de la moitié du capital social. L’exclusion d’un associé en SEL est expressément prévue par le décret de 1992 qui en définit les cas et en organise la procédure, prévoyant des garanties pour l’associé exclu. Avant d’aboutir à cette situation extrême, les associés peuvent recourir à une clause d’arbitrage adoptée dans les statuts pour le règlement des contestations qui surviennent entre associés.

Les conséquences de la cession

La société doit rembourser au cédant son compte courant d’associé au besoin en souscrivant un crédit dont les intérêts seront déductibles si elle n’a pas la trésorerie. « Les banques préfèrent toujours que ce soit la société qui emprunte plutôt que l’acquéreur des parts pour des questions de garantie », précise Eric Thiébaut.

Le départ d’un associé et éventuellement l’arrivée concomitante d’un autre vont entraîner la mise à jour des statuts de la société. Si le cédant était exploitant et gérant de la société, il faut publier le changement de mandat social et éventuellement de dénomination sociale dans un journal d’annonces légales compétent et dans le bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

C’est enfin l’assemblée générale extraordinaire qui entérine la cession et les modifications statutaires qui en découlent.

Les formalités à remplir

• Banque : « Si un cautionnement a été souscrit par le cédant, il faut procéder à une demande de levée du cautionnement consenti par le cédant pour les prêts professionnels en cours et de substitution par l’acquéreur », indique Annie Cohen Wacrenier, avocate du cabinet ACW conseil.

• Bailleur : « Si le bail commercial prévoit la notification du bailleur de la cession de parts sociales, il faut lui communiquer les actes de cession. »

• Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens :

– inscription ou modification de l’inscription pour le nouvel associé (copie de l’acte de vente à annexer) ;

– radiation du cédant s’il est exploitant. « Attention, s’il ne l’est pas (pharmacien investisseur dans une SEL), il n’est pas nécessaire de déposer le dossier à l’Ordre pour examen par le conseil régional, il faudra informer l’Ordre de la cession dans les 15 jours qui suivront sa date d’effet », prévient Annie Cohen Wacrenier ;

– modification de l’inscription de la SEL au tableau A (le cas échéant).

• Registre du commerce et des sociétés : modifications statutaires : statuts mis à jour, changement de gérance, le cas échéant.

• Trésor public : notification du service des impôts du cédant de la cession de parts.

• Siège social de la société : notification des actes de la cession afin de la rendre opposable à la société.