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Prix et valeurs des pharmacies : les écarts se creusent
La 26e édition de l’étude annuelle sur les prix et valeurs des pharmacies d’Interfimo démontre la stabilité des prix en 2019, avec des disparités toujours très importantes selon la taille et la situation géographique. Seul fait saillant : le marché a été moins animé. Surprenant.
Le marché des transactions d’officines a trouvé son rythme de croisière, avec des niveaux de prix proches de la valeur économique et un prix moyen France entière stable depuis cinq ans. Un équilibre économique et financier s’est établi autour de 76 % du chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) : ce prix moyen, observé la première fois en 2015, est reconduit pour la quatrième année consécutive. Le prix de cession moyen des officines exprimé en fonction du degré de rentabilité est également stable à 6,2 fois l’excédent brut d’exploitation (EBE), exception faite des ajustements du marché de 0,1 point à la hausse ou à la baisse.
« La stabilité des prix correspond à une réalité économique », explique Hervé Ferrara, associé gérant de Pharmacessions. Interfimo souligne que 2019 s’inscrit dans la continuité de 2018 avec une progression du CA de l’ordre de 2 %, accompagnée d’une augmentation de la marge brute globale en valeur, et un EBE stable. « On est au prix correct d’une pharmacie, renchérit Jérôme Capon, directeur du réseau Interfimo. En revanche, les dispersions d’une officine à l’autre selon la taille ou la localisation s’amplifient. » Entre le nouveau repli des prix des très petites officines et la légère progression des très grandes pharmacies, « les moyennes ne veulent plus rien dire », réitère-t-il, comme chaque année. L’éparpillement des prix en multiple de l’EBE se répercute sur la configuration d’un marché de la transaction de plus en plus asymétrique qui s’étire vers les valeurs les plus élevées : la courbe de dispersion de 2019 reste marquée par une proportion significative de pharmacies valorisées à un prix supérieur à 7,5 fois l’EBE, représentant plus de 20 % des cessions.
Prix cassés et primes à la taille
L’attractivité des « petites » officines au CA inférieur à 1 M€ est en déclin aux yeux des acquéreurs. Et lorsqu’elles trouvent preneur, c’est souvent à des prix très en deçà de la moyenne du marché. « Sur ces affaires, les acquéreurs sont la plupart du temps en position de force et les négociations font souvent plonger les prix à des niveaux de l’ordre de 30 % du chiffre d’affaires », souligne Marie-Gabrielle Tingaud, dirigeante du cabinet Channels. Certains cédants, faute de vendre au prix espéré, ne peuvent parfois pas partir à la retraite à l’âge souhaité et sont contraints de continuer d’exercer.
A contrario, les officines de taille plus importante font l’objet d’une « prime » à l’achat. « On constate pour ces dernières que les acquéreurs sont parfois prêts à dépasser les prix moyens habituels du secteur, avec des prix excédant 90 % du CA HT, voire 100 % lorsque la rentabilité et l’emplacement sont exceptionnels », ajoute-t-elle. Cyrille Agot, à la tête de Planète Officine, confirme la montée des enchères sur les biens les plus recherchés et le faible positionnement des acquéreurs sur les petites affaires : « Beaucoup de ces produits sont à la vente mais ils n’intéressent plus grand monde. »
Le grand écart des prix selon l’implantation
Nadine Maquet, directrice de GTF Pharma, constate également ce phénomène de rupture du marché de la transaction selon la taille des pharmacies mais, comme elle l’explique, « la dispersion est également fonction de la localisation et de l’implantation de l’officine ». La taille n’est pas le seul élément différenciant et, pour un même chiffre d’affaires, les écarts de prix peuvent être particulièrement marqués sur les territoires majoritairement ruraux, où la désertification médicale est légion. « Trouver un acquéreur pour une officine rurale implantée dans une zone de désertification médicale est compliqué, il faut que le vendeur fasse des efforts importants sur le prix pour la rendre attractive », abonde dans le même sens Cyrille Agot. A l’inverse, « le titulaire d’une pharmacie rurale de 3,2 M€ de CA, issue d’un regroupement et ayant été transféré à côté d’une maison médicale, a refusé une offre d’achat à 95 % du CA HT », indique-t-il.
En milieu urbain, Nadine Maquet dresse le même constat : « Entre deux pharmacies de 2,5 M€ de CA, l’une située dans un quartier populaire, l’autre dans un centre-ville animé d’une ville habitée par des ménages plus aisés, la différence de prix peut varier de 5 à 15 points. »
Ce marché des transactions plus hétérogène que jamais et au relief très inégal doit pousser les acquéreurs à davantage de vigilance et de réflexion stratégique en amont d’une opération de reprise.
Les primo-accédants lorgnent les officines moyennes
Pourtant en bas de l’échelle, les pharmacies de chiffre d’affaires compris entre 1,2 M€ et 1,6 M€ voient leur prix moyen progresser en 2019. « Ce marché correspond à celui de la première installation, les pharmacies de cette taille ont généralement peu de charges et des loyers très corrects et dégagent une rentabilité qui permet de rémunérer convenablement le jeune titulaire (au coefficient 500). Les acquéreurs sont souvent accompagnés dans leur projet par un groupement et l’officine est mise sous enseigne pour faire gagner de la marge à son titulaire », remarque Jérôme Capon. Avec la démocratisation des modes de financement alternatifs, proposés par différents acteurs du marché (fonds d’investissement, grossistes, groupements, etc.) et destinés à octroyer un financement complémentaire à l’apport personnel du pharmacien, « le marché de la première installation est actif », confirme Claude Artaud, directeur général de l’Auxiliaire Pharmaceutique. « Avec la raréfaction des affaires de 2,5 M€ de CA et plus, les pharmacies de 1,2 M€ à 1,6 M€ deviennent une cible plus importante, elles ont encore de réelles opportunités et les groupements font passer ce message auprès des jeunes », reprend Nadine Maquet. Et Marie-Gabrielle Tingaud de compléter : « Les boosters d’apport tirent aussi le prix de ces officines à la hausse. »
Les primo-accédants se laissent séduire également par les officines rurales moyennes avec un environnement médical stable. « Elles sont appréciées à 50 % du CA HT et offrent des conditions d’installation confortables pour un jeune », souligne Hervé Ferrara. Cela se justifie notamment par des loyers plus bas, par des partenaires bancaires enclins à prêter avec un apport personnel plus faible et par la possibilité sur certains territoires de bénéficier des exonérations fiscales comme celles applicables pour les zones de revitalisation rurales.
La surprise de la baisse des volumes
Le volume des cessions en 2019 est sorti de sa trajectoire dessinée depuis 2015 à la hausse. Après trois années de progression (+ 18 % sur la période), c’est le coup d’arrêt, contre toute attente, compte tenu de la pyramide des âges de la profession. Avec 950 cessions de fonds ou apports en société, le marché recule de 7 % par rapport à 2018. De leur côté, les cessions de parts progressent plus timidement (+ 1 % en 2019 à 570 cessions) et ne compensent pas le recul des cessions de fonds.
Au final, l’année 2019 totalise 1 520 mutations contre 1 580 en 2018, soit une régression de 4 %. « Ce recul des volumes n’est pas très logique alors qu’ils devraient, au contraire, s’accélérer avec les départs à la retraite », commente Claude Artaud. Si les seniors diffèrent leur sortie, ce n’est pas dans l’espoir d’une remontée des prix mais parce que leur santé leur permet de conserver un outil de travail qui leur procure une rémunération bien supérieure à leur future retraite. Néanmoins, « les problèmes techniques liés au Covid-19 pourraient peut-être les précipiter », pense Nadine Maquet. En effet, ils entraînent des contraintes supplémentaires d’exercice qui pourraient devenir pesantes à la longue. Jérôme Capon et Hervé Ferrara avancent une raison financière : la fiscalité d’une cession d’un fonds apporté préalablement à une société est plus lourde pour le cédant qui doit payer un boni de liquidation pour récupérer son capital (sauf à le laisser dans la société en vue d’une réinstallation). Vendre des parts est fiscalement plus avantageux.
À RETENIR
– L’année 2019 enregistre 1 520 mutations d’officines, un chiffre qui correspond à une régression de 4 % par rapport à 2018.
– Le taux de rotation pour 1 000 officines est de 73 (contre 75 en 2018).
– Le prix de cession moyen national se maintient à 76 % du chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) et à 6,2 fois l’excédent brut d’exploitation (+ 0,1 point en un an).
– Les disparités se creusent sur les prix de cession moyens entre officines à petit ou important chiffre d’affaires. En 2019, 27 points séparent les pharmacies réalisant moins de 1,2 M€ de CA des pharmacies réalisant plus de 2,4 M€ de CA (contre 24 points en 2018).
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