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LES STOCKS À LA VENTE AUGMENTENT

Publié le 6 décembre 2014
Par Francois Pouzaud
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Dans un contexte qui n’a été que rarement aussi défavorable à l’officine, le marché reste ralenti. Essentiellement par manque de confiance. LES PRIX ET CESSIONS DE FONDS BAISSENT et les stocks à la vente augmentent, laissant du choix aux acheteurs.

Où et quand s’arrêtera la baisse des prix ? Depuis 2008, les prix de vente des pharmacies chutent : – 12 points après une année 2013 où la pharmacie a abandonné seulement un petit point (prix de cession moyen relevé par Interfimo de 83 % du CA HT).

Pas suffisant en tout cas pour réchauffer la demande. « Nous n’avons pas d’éléments de mesure mais nous sommes peu sollicités pour établir des plans prévisionnels, c’est un signe qui ne trompe pas », remarque Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise.

« Avec une rentabilité en hausse, l’économie de la pharmacie ne s’est pas dégradée, les taux restent très bas et les capacités d’achat des acquéreurs ne se sont pas détériorées, c’est donc le manque de lisibilité qui freine les initiatives », arguë Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. Gilles Andrieu, du cabinet Espace (réseau PSP), rapporte qu’il n’a jamais eu autant d’affaires à vendre. L’an dernier, la mobilité des pharmaciens n’a jamais été aussi faible en dix ans et, pour la seconde année consécutive, le nombre de cessions de fonds a plongé (- 16 %, environ 930 cessions recensées). Pour Luc Fialletout, « le mouvement de baisse a des limites mécaniques liées à un nombre de départs en retraite qui est incompressible car dû à l’âge ou à l’état de santé du titulaire, même si le papy-boom est toujours différé. » Selon lui, la baisse des volumes des cessions a globalement été enrayée en 2014, la chute des cessions de fonds s’accentue mais elle est masquée par la hausse des ventes de titres de société. Pourtant, Eric Thiébaut, avocat du cabinet Jurispharma, s’attendait à plus de cessions de parts avec l’arrivée des SPF-PL. La complexité des montages et la réticence de certaines banques rendent ce marché balbutiant.

BAISSES SUR TOUTES LES LIGNES

Alors qu’en dix ans le nombre de titulaires âgés de 56 ans à 65 ans a quasiment doublé, les transmissions d’officines s’enlisent au lieu de s’accélérer. Les départs en retraite, pour ainsi dire le seul facteur d’animation du marché, ont été moins nombreux en 2013 qu’en 2012. Et que dire des ventes/réinstallations en cours de carrière : il n’y en a presque plus ! Les titulaires en place et encore en âge d’investir ne prennent pas le risque de changer de lieu d’exercice. Ils se contentent de ce que leur procure leur outil de travail dès lors que celui-ci tourne bien. De plus, le décret sur les SEL/SPF-PL de 2013, en limitant le nombre de participations extérieures du pharmacien à quatre SEL et en interdisant les SELAS avec associés investisseurs majoritaires en capital, n’a rien arrangé.

Concernant la baisse des prix de cession en 2014, selon les cabinets de transactions, le mouvement se serait amplifié (jusqu’à – 10 points selon la taille ou l’emplacement de l’officine). Cette forte correction des prix est restée sans effet sur la demande : les volumes continuent à baisser, alors que le prix de vente établi en année d’EBE tend vers la valeur économique d’une officine. « Autour de 6 fois l’EBE, cela commence à rendre les opérations plus sécurisées », remarque Philippe Becker.

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Les vendeurs acceptent de baisser leur prix mais pas jusqu’au niveau demandé par les acquéreurs. « Ils se rejoignent difficilement, un différentiel de 20 points, voire plus, existe toujours entre les offres des acquéreurs et les prétentions des vendeurs », observe Gilles Andrieu.

Illustration : « Les vendeurs demandent encore 70 % du CA TTC sur des affaires de 1 M€ environ. Ils se trompent, le juste prix se situe plutôt entre 50 et 60 %, et dans des cas extrêmes, les prix négociés tombent à 3 ou 4 fois l’EBE retraité », indique François Gillot, expert-comptable de Conseils et Auditeurs Associés. Il constate aussi que les prix se maintiennent sur les secteurs géographiques très recherchés par les pharmaciens en deuxième ou troisième installation : « De Brest jusqu’au Pays basque, ils sont prêts à accepter une surcote de 5 ou 10 points pour s’offrir une qualité de vie dans un secteur très prisé et à combler ce différentiel par l’apport personnel. »

Eric Thiébaut précise qu’il y a peu d’acquéreurs d’officines en dessous du million d’euros. Les très petites officines parviennent à se vendre dans le cadre d’opérations d’achat-transfert ou de rachats de clientèle par un voisin. « Les rachats d’officines en vue de les transférer se monnayent moins cher que les rachats de clientèle par un voisin », précise-t-il.

Sur les officines de 1,5 M€ à 3 M€, « les beaux quartiers ne sont pas forcément les plus recherchés, les acquéreurs sont plus attentifs aux horaires d’ouverture, au montant du loyer, aux charges de personnel et aux perspectives d’évolution, poursuit Eric Thiébaut. A partir de 4 M€ et au-delà de 5 M€, les affaires se vendent difficilement car l’apport nécessaire limite encore plus le nombre d’acquéreurs ». Luc-Bertrand Manry, avocat du cabinet Havre-Tronchet, confirme la difficulté d’obtenir des prêts sur ce type d’achat et avance une autre explication sur la faiblesse du marché des grosses pharmacies : « les nouvelles dispositions sur les SELAS ont mis hors-jeu les acheteurs solvables du marché ».

LE FINANCEMENT DEVIENT TRÈS LIMITE

Les banques se montrent intransigeantes sur les conditions d’accès au crédit, beaucoup de dossiers se font recaler à leur premier essai. « Les acquéreurs primo-accédants capables d’apporter en fonds propres 20 à 25 % de la valeur de l’investissement ne sont pas légion, depuis plusieurs années les banques relèvent leurs exigences sur le montant de l’apport personnel, et on commence à arriver aux limites », commente Philippe Becker. La rentabilité de l’officine ne suffit plus à rassurer les banques. « Même sur des petites affaires dégageant une très bonne rentabilité, les banques font preuve d’une extrême prudence », signale François Gillot. Elle ne peut pas être déconnectée du potentiel d’évolution de l’activité de la pharmacie. « En milieu rural, le pharmacien n’obtiendra pas de financement si les médecins de la commune partent bientôt en retraite », ajoute-il.

La physionomie future du marché va dépendre de l’accélération du mouvement de concentration du réseau : il n’y aura quasiment plus de vente de fonds ou de ventes de parts en bloc. Le modèle se rapprochera des grandes entreprises libérales qui accueillent des professionnels de qualité et qui deviennent ensuite des associés à part entière, alors que d’autres partent, les transmissions des entreprises porteront donc sur des générations successives d’associés.

Prix de vente en 2013

AUVERGNE

76 % du CA

L’Auvergne reste la région la moins chère, exactement au même niveau que l’année précédente. En multiple de l’EBE, elle remonte à 5,4 contre 5,2, mais là encore ses performances sont en queue de classement.

AQUITAINE

91 % du CA

Le Poitou-Charentes (- 9 points) laisse la première place du podium à l’Aquitaine (+ 2 points en 2013). Dans la région la plus chère de France, les officines se sont échangées à 7 fois l’EBE.