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Les bons produits de nos régions

Publié le 4 juin 2013
Par Francois Pouzaud
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Chiffre d’affaires officinal en baisse, prix de cession élevés… Le pharmacien doit-il pour autant renoncer à toute installation ? Assurément non. La France recèle de délicieuses affaires… Et toutes les régions ont leur grand cru !

En 2013, où fait-il bon s’installer ? Dans les régions qui voient les prix de cession régresser le plus, à savoir la Lorraine, l’Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d’Azur (source Interfimo) ? Faut-il, au contraire, viser la capitalisation et privilégier les endroits les plus cotés (Poitou-Charentes, Bretagne, Picardie…) ? « Ce sont souvent des marchés risqués pour ceux qui n’ont pas suffisamment de capitaux propres », met en garde Philippe Becker, directeur du département pharmacie de Fiducial Expertise. Le montant du prix de vente n’est pas forcément proportionnel au bénéfice… Tout comme le prix de cession en pourcentage du chiffre d’affaires (à 84 % du CA HT en 2012 selon Interfimo) ne veut plus rien dire car il ne reflète pas la rentabilité. Le « juste prix » étant aujourd’hui évalué par les experts-comptables à six fois l’EBE (excédent brut d’exploitation, soit le bénéfice avant déduction des frais, amortissements et charges). Alors qu’en 2012 les pharmacies se sont vendues en moyenne à 7,4 fois l’EBE ! Mais les moyennes sont également trompeuses, tant il existe de disparités entre les officines, en fonction de l’emplacement, du type de clientèle, de la taille, etc. Et ce au sein d’une même région… Qu’on se le dise, il n’y a plus, comme par le passé, de vérités immuables sur les zones de prédilection. « La rentabilité est fonction de paramètres exogènes mais aussi endogènes. Dans une même rue, on peut trouver des pharmacies qui ont des bénéfices très différents », observe Philippe Becker. La bonne nouvelle ? Il existe partout en France des typologies d’officine intéressantes. Visite guidée.

1• Vive le bord de mer !

Conquête de l’Ouest

« Le littoral et ses abords sont très demandés », constate Matthieu Beliard, responsable de l’agence P.O.D., pour la région Ouest. Qualité de vie oblige, la façade atlantique reste attractive — à plus forte raison si elle est en croissance démographique. C’est le cas de l’axe Brest-Hendaye et de la région Languedoc-Roussillon, plébiscités par les séniors. Depuis la canicule de 2003, les personnes âgées préfèrent le Poitou-Charentes à la Côte d’Azur, en raison du climat plus tempéré.

Et les prévisions de l’Insee d’ici à 2040 confirment que les flux migratoires vont continuer à se concentrer vers le Sud et l’Ouest. Ce qui apparaît comme un vrai gage de développement pour les officinaux… Bien que Poitou Charentes soit actuellement la région la plus chère (94 % du CA HT en 2012, source Interfimo).

En Bretagne, l’air iodé a un effet tonique sur les prix (+ 2 points en 2012) et l’animation du marché. Le nombre de mutations pour 1 000 officines y est un des plus élevés. Chaque année, la Bretagne se caractérise par un turnover au-dessus de la moyenne. « Cela tient à deux raisons historiques, explique Patrice Manquillet, du cabinet Patrice Manquillet Conseil. D’une part, les Bretons ont la bougeotte et d’autre part ils obtiennent plus facilement qu’ailleurs un financement. » Et d’indiquer que le Crédit agricole de Bretagne — contrairement aux banques concurrentes — continue de financer les dossiers qui lui sont présentés. Bon à savoir, non ?

Plus proche de Paris, la Basse-Normandie n’est pas logée à la même enseigne. « Dans cette région, l’offre est nettement inférieure à la demande », signale Gilles Andrieu du cabinet Espace. D’où des prix de vente difficiles à faire baisser… En Normandie, il faut aller dans des territoires ruraux pour négocier plus facilement.

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Charmes du Sud

La Côte d’Azur ne manque toujours pas d’atouts : un excellent ensoleillement, une couverture médicale importante… et des prix en forte baisse (- 7 points en 2012 à 91 % du chiffre d’affaires HT, source Interfimo). « Les réajustements du marché sur la PACA ont été plus forts qu’ailleurs », rapporte Olivier Poullain de l’agence Pharmatheque, qui, depuis le début de l’année, a traité plusieurs cessions dans la fourchette recommandée de cinq à six fois l’EBE. Cet assainissement a redonné de la clairvoyance aux acquéreurs. « Ils sont beaucoup moins nombreux sur le marché et font plus attention à la rentabilité qu’à l’achat plaisir », souligne-t-il. Dans les ­stations balnéaires, la spéculation sur les prix n’est plus d’actualité. « Les pharmacies de bord de mer ne sont pas forcément les plus belles affaires, les acheteurs regardent avant tout comment évoluent la zone de chalandise et les ratios CA/amplitude horaire et heures de travail/marge dégagée. » Néanmoins, des Alpes-Maritimes aux Bouches-du-Rhône, les prix des officines sont très variables, allant de 20 % à 97 % du CA TTC. Les pharmaciens désireux de s’installer dans le sud ont peut-être intérêt à tourner le dos à la mer. « On observe des flux migratoires importants à l’intérieur des terres, signale Olivier Poullain. On construit un peu partout dans la région, par exemple, à Châteauneuf-les-Martigues (13), il y a eu un apport de population de plus de 2 000 habitants en l’espace de trois, quatre ans. Et on compte plus de 300 nouveaux logements entre Aix-en-Provence et Marseille. Dans le Var, Saint-Zacharie connaît le même essor ».

2• Les pépites de la capitale

Au-delà des clichés

La capitale est-elle saturée ? Quand on parle d’installation à Paris, il faut savoir se méfier des idées reçues et des clichés. Les lieux a priori intéressants ne sont pas forcément ceux auxquels on pense. « Le pouvoir d’achat se concentre dans les beaux secteurs (5e, 6e et 7e arrondissements), mais les quartiers les plus populaires se distinguent aussi par une couverture sociale plus importante », souligne Jean-Pierre Morelle, du cabinet DGM Conseils. Ce transactionnaire met en garde contre les emplacements trop chers situés dans les hauts lieux de la capitale. « À chaque renouvellement de bail, le risque est de se voir infliger une hausse terrible du loyer, la pharmacie de la place Wagram a disparu à cause de cela », signale-t-il.

À Paris, le chantier des rénovations apporte son lot d’opportunités : celui de la poste du Louvre (livraison en 2017), des quartiers des Halles (livraison pour 2014) et de la Chapelle. À noter aussi : l’émergence d’un éco-quartier au cœur de la ZAC de Clichy-Batignolles. Les acquéreurs devront se montrer très réactifs pour ces emplacements qui vont prendre rapidement de la valeur.

Aux portes de Paris

La banlieue limitrophe de Paris offre également des réserves insoupçonnées. « Il y a encore de nombreux endroits pour s’installer, affirme Christian Hayaud, du cabinet Villard. Les grues qui s’érigent dans le ciel sont les meilleurs indicateurs à prendre en compte. Qu’il s’agisse de constructions de bureaux ou de logements, c’est synonyme d’apport de population pour les officines environnantes. » Des chantiers, il y en a un peu partout en périphérie de Paris, à Saint-Ouen, Aubervilliers, Vitry-sur-Seine, Montreuil, autour de La Défense, à Courbevoie, à Nanterre… Il faut suivre aussi de près les grands projets de transport en commun comme celui du « Grand Paris » porté par l’État. Les nouveaux axes de passage vont déterminer les futures zones de développement autour de la capitale. Citons le projet de métro Arc Express (métro automatique de rocade), le prolongement du tramway des Maréchaux T3, la désaturation de la ligne 13 par le prolongement de la ligne 14, le prolongement de la ligne 12 au-delà de la Porte de la Chapelle, le prolongement du tramway T2 entre La Défense et Bezons… « Par contre, il faut faire très attention aux délais de livraison de ces futures gares, car il est fréquent que les projets aient du retard », prévient Christian Hayaud. Autre précaution : se méfier, dans les communes rurbaines qui se développent « trop » vite, du risque d’être confronté à un transfert. Car dans toutes les grandes agglomérations, le centre-ville fourmille d’officines transférables. Enfin, passé la petite couronne, « il faut scruter davantage à l’Est qu’à l’Ouest, qui est plus résidentiel, en particulier du côté de la Seine-et-Marne, où l’on construit davantage en raison des prix moins élevés de l’immobilier », recommande Christian Hayaud.

3• Tous au Nord ?

Retour aux sources

Dans les villes universitaires, les prix des officines sont souvent déraisonnables. À tel point que la capitale de la Picardie provoque une remontée des prix régionaux (+ 3 points à 91 % du CA en 2012 selon Interfimo) qui ne surprend pas Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés. « Il y a un engouement fort des pharmaciens du cru pour Amiens et Abbeville et une surcote pour les affaires de plus de 1,5 M€ qui sont seules au village et sans concurrence aux alentours ». De plus, la densité d’officines est aussi plus faible qu’ailleurs : 31 pharmacies pour 10 000 habitants contre 36 dans le Nord-Pas-de-Calais et 34 en Champagne-Ardenne (source CNOP). Gilles Andrieu relève le même phénomène sur Caen : « Les titulaires reviennent dans leur ville natale en seconde installation. »

À Lille, « les pharmacies de la périphérie, de taille importante, situées à Marcq-en-Barœul, Mouvaux, Linselles, Bondues… sont très recherchées, et les prix élevés de l’immobilier dans ces communes se traduisent par une surcote de 5 à 7 points », précise François Gillot, expert-comptable du cabinet CAAG. Et d’orienter les primo-accédants vers les secteurs miniers du Pas-de-Calais, d’autant que le régime minier est aujourd’hui ouvert aux pharmacies libérales.

Bulle alsacienne

À l’Est, l’Alsace, même chère, reste particulièrement attractive (y compris pour les entreprises allemandes qui s’installent entre Strasbourg et Colmar) car c’est là qu’on trouve le moins d’officines excédentaires en raison d’un quorum historiquement plus avantageux (même si aujourd’hui ce privilège est aboli). Outre une taille supérieure des officines, un taux de chômage faible et un pouvoir d’achat plus élevé que la moyenne nationale, « les Alsaciens sont mieux remboursés des médicaments du fait de leur régime spécifique de sécurité sociale », complète Patrick Langiny du cabinet Pharmatheque. Revers de médaille : « Le marché est très fermé et les transactions se font essentiellement par le bouche à oreille, explique-t-il. Par conséquent, les pharmaciens du cru qui n’ont pas de parents ou d’amis déjà titulaires ont plutôt intérêt à s’exiler s’ils sont pressés de s’installer car ils ne seront pas prioritaires. »

La Lorraine, sa voisine, n’affiche pas le même pouvoir de séduction. Le bassin de Longwy est en friche industrielle… « Il reste cependant des pharmacies de bonne taille à acquérir dans la vallée de la Fensch », précise Patrick Langiny

Cher vignoble

La Champagne-Ardenne ne présente pas des lieux d’installation homogènes. À côté des Ardennes, frappées par la crise économique, la Marne brille grâce à son triangle d’or Épernay-Reims-Châlons. Dans les villes liées au champagne, le panier moyen est dans l’ensemble plus élevé. Mais les bulles ne doivent pas monter à la tête, « on peut s’y installer si les prix des officines ne sont pas surcotés », conseille Patrick Langiny. Autre région où le vignoble imprègne la vie économique et culturelle : la Bourgogne. La Côte d’Or, où les grands crus (gevrey-chambertin, nuits-saint-georges…) conditionnent beaucoup d’activités du tertiaire, est particulièrement bien lotie. « De plus, le rayonnement de Dijon, avec ses facultés de médecine et de pharmacie, préserve ce département des problèmes de désertification médicale. » Ce qui explique que les transactions dans ce département ne durent pas plus de six mois en général ! Qui a dit que le marché des transactions était irrémédiablement grippé ?

Antilles

Fini l’eldorado

Abstraction faite du cadre enchanteur, l’exercice de la pharmacie n’a plus rien de paradisiaque aux Antilles. Le soleil ne protège pas de la baisse du CA et la chaleur ne masque pas le fort taux de chômage. De ce côté-ci de l’Atlantique, la rentabilité est également le juge de paix pour celui qui choisit de s’installer sous les cocotiers. « Il y a quinze ans les métropolitains sont arrivés, souvent avec le capital d’une première installation en poche, pour remonter des affaires qui accusaient un retard de développement, explique Jean-Michel Simonetti, du cabinet Channels. Aujourd’hui, leur chiffre d’affaires a doublé, et ce sont aujourd’hui les plus grosses affaires qui captent l’activité, ce qui laisse peu d’opportunités pour de nouveaux repreneurs. »

F.P.

CERISE SUR LE GÂTEAU

L’étude géomarketing

Il n’y a point de mauvaise installation aux portes de Paris dans une zone surdotée en officines et hyperconcurrentielle. À condition de bien préparer son projet. C’est le cas de Romain Soquet, cotitulaire depuis deux ans et demi d’une pharmacie à Vincennes qui a trouvé le bon filon en réalisant une étude géomarketing. « J’ai croisé les informations concernant le nombre de pharmacies et de cabinets médicaux à proximité, les données démographiques du quartier et regardé la répartition de la population entre les différentes officines. La pharmacie qui offre le plus de potentiel est celle qui est la moins fréquentée », explique-t-il. Après l’achat, il faut savoir où apporter du sang neuf. Romain Soquet a pris les bonnes décisions : lifting de la pharmacie, offre de services différenciants qui renforcent le côté professionnel comme les actions de prévention et de dépistage proposées à la clientèle. Et ça marche ! Il a multiplié par 2,5 le CA depuis qu’il est en place.

F.P.

Bon plan

La petite officine

La petite officine, triée sur le volet, reste un bon plan. « Le marché demeure actif en primo-installation sur les affaires entre 1,2 et 1,5 M€ de CA, affichant une mauvaise rentabilité mais avec un potentiel de développement intact », affirme Gilles Andrieu (cabinet Espace). Sur des petites affaires, il faut pouvoir agir sur des leviers : emplacement, agencement… « En achetant une pharmacie de 700 000 € à 30 % du CA avec un apport de 10 %, l’acquéreur ne prend pas de grand risque si l’officine n’est pas soumise à concurrence », estime Matthieu Beliard (agence P.O.D.). « S’il y a une possibilité d’un transfert de proximité ou de regroupement ultérieur, il faut s’y intéresser », abonde l’expert-comptable Michel Watrelos. Autre stratégie : s’inspirer de l’adage « Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières ». Gilles Andrieu raconte qu’une pharmacienne, installée dans un gros bourg de 4 000 habitants, a commencé par racheter une petite officine de 700 000 € de CA. Elle a grossi à 900 000 € puis a eu l’opportunité de racheter la clientèle de son voisin et de franchir un nouveau palier de CA (1,3 M€). Et maintenant, elle s’apprête à absorber son concurrent le plus proche pour sécuriser son périmètre !

F.P.

CERISE SUR LE GÂTEAU

La zone prioritaire du territoire

S’installer dans une zone prioritaire du territoire (zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, bassin d’emploi à revitaliser ou BER…), l’idée n’est pas sotte ! « Les pharmacies y bénéficient d’un dispositif très avantageux d’exonérations de charges fiscales et sociales », explique François Gillot. Ludovic Goosse en a profité. Installé depuis 2007 en SELARL avec son épouse, à Givet dans les Ardennes, il témoigne : « La majeure partie du département est touchée par la crise sidérurgique et le taux de chômage est 1,5 fois supérieur à la moyenne nationale, précise-t-il. Grâce au BER, l’économie d’impôt réalisé est de l’ordre de 60 000 €/an, ce qui m’a permis de réinvestir le capital accumulé dans l’acquisition de deux autres pharmacies : une à Signy-le-Petit en SELARL, et l’autre à Carignan en SELAS. » Dans ces deux autres communes des Ardennes, le BER trouve à s’appliquer. « À chaque fois, je n’ai eu besoin que d’un apport personnel de 8 % de l’investissement global, au lieu des 25 à 30 % habituels. » Il reconnaît que sans ce régime de faveur, il n’aurait jamais pu investir dans trois officines différentes en l’espace de seulement six ans.

F.P.