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Dire « peut-être » ne veut pas dire « oui »

Publié le 5 janvier 2018 | modifié le 31 décembre 2024
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le 16 novembre 2017, la chambre civile de la Cour de cassation a décidé que la vente d’un terrain n’est pas parfaite si le vendeur répond au conditionnel à l’offre d’achat. Explications.

LES FAITS

Le 9 septembre 2010, Monsieur M. fait, par écrit, une proposition d’achat de terrains et de bâtiments commerciaux à Monsieur Y. pour le prix de 7 millions d’euros au comptant sans conditions suspensives d’obtention d’un financement. Le 24 septembre 2010, Monsieur Y. répond que la demande d’achat « pourrait convenir à ses attentes ». Il reprend une partie des conditions détaillées dans la demande de Monsieur M. Il lui indique qu’il attend un protocole écrit. Le 25 octobre 2010, un compromis de vente est rédigé. Monsieur M. refuse de le signer car certaines précisions relatives aux biens n’ont pas été indiquées. En 2011, Monsieur M. assigne Monsieur Y. pour vente forcée.

LE DÉBAT

Monsieur M. souhaite que les magistrats appliquent l’article 1583 du code civil. Ce texte dispose que « la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’il est convenu de la chose et du prix de vente, et ce même si la chose n’a pas été livrée et le prix payé ». Dès lors, ils considèrent que la réponse de Monsieur Y. du 24 septembre 2010 vaut accord sur la chose et sur le prix. Il estime que les magistrats doivent ordonner la vente, puisque ils étaient d’accord sur les terrains et le prix. Faux, rétorque Monsieur Y. Il souligne que les courriers échangés parlent de l’achat tantôt des parts de la société gérant les bâtiments commerciaux, tantôt des bâtiments eux-mêmes. L’objet du contrat n’était donc pas déterminé. Il ajoute qu’il a répondu au conditionnel à l’offre, ce qui démontre qu’il n’avait pas l’intention de s’engager de façon définitive mais d’entrer dans une phase de pourparlers. Le 1er décembre 2014, les magistrats de la cour d’appel de Toulouse (Haute-Garonne) donne raison à Monsieur Y. Ils considèrent que l’emploi du conditionnel démontrait que l’accord du vendeur était réservé. Il ne s’agissait donc pas d’une vente mais de simples pourparlers préparatoires à un contrat de vente. Monsieur M. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 16 novembre 2017, les magistrats de la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejettent la demande. Ils estiment que l’emploi du conditionnel dans le courrier d’acceptation du vendeur empêche la formation sans réserve du contrat. La Cour rappelle que l’acceptation d’un contrat de vente, d’achat, de travail nécessite un échange de consentement plein et entier. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur la volonté des parties d’être liées. Si comme dans l’affaire une des parties émet des réserves, elles sont dans la période des pourparlers, chacune étant libre de poursuivre la négociation ou non. 

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  • Cass, 3 civ., 16 novembre 2017, n° 15-12268

•  Un contrat est définitivement formé dès que les deux parties y ont consenti.

• Le consentement des parties doit être non équivoque.

• Les pourparlers peuvent être rompus librement.