Transactions : un marché dynamique malgré la crise

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Transactions : un marché dynamique malgré la crise

Publié le 27 décembre 2024
Par Oriane Raffin
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Les officines parviennent toujours à trouver des acquéreurs même si le prix de vente connaît une légère tendance baissière. Avec des secteurs et des typologies d'officines beaucoup plus attractifs que d’autres. État des lieux du marché.

« La hausse des taux d’intérêt n’a pas fondamentalement révolutionné le marché. » Hervé Ferrara, directeur de Pharmacessions, est formel : « Selon les statistiques Interfimo de l’an dernier, les prix se sont maintenus, et les volumes n’ont pas baissé. » Le marché des transactions reste donc dynamique, même s’il a évolué, avec d’importantes différences selon les secteurs géographiques.

Un marché d’acheteurs

La tendance s’est en effet affirmée au fil des années : compte tenu du nombre de cessions, le marché de la pharmacie se présente désormais comme un marché d’acheteurs, et non de vendeurs. « Les acheteurs ont actuellement le choix, il y a beaucoup de départs à la retraite, sans compter les renouvellements : on trouve beaucoup d’officines à la vente, alors qu’il y a 25 ans, on courait après les vendeurs », expose Pierrick Bosser, négociateur commercial au sein du cabinet Bidault.

« Les années Covid-19 sont passées : on constate un ralentissement du nombre de transactions, confirme Florent Couedelo, négociateur en pharmacie chez l’Auxiliaire Pharmaceutique. On a un peu plus de mal à trouver des jeunes qui veulent s’installer, c’est assez général, de la même façon que les facultés ont du mal à remplir les bancs des deuxièmes années ! » Ainsi, certaines pharmacies peuvent peiner à trouver des candidats à la reprise ou subissent d’importantes négociations sur leur prix de vente affiché.

Un attrait pour les grandes officines

D’autres, en revanche, n’ont aucun mal à tirer leur épingle du jeu. Les pharmacies recherchées sont de plus en plus importantes en taille. Même dans les secteurs les plus attractifs, comme la côte basque, une pharmacie qui réalisera un chiffre d’affaires aux alentours d’un million pourra être plus difficile à vendre. Les acquéreurs préfèrent en effet se tourner vers les pharmacies générant un chiffre compris entre 2 et 2,5 millions d’euros. Voire 3 ou 4 millions dans certains territoires, comme les Pays de la Loire ou la région Centre-Val de Loire.

Une dimension qui permet de coller davantage avec les aspirations de la nouvelle génération en termes de rythme et de qualité de vie. De plus en plus de jeunes pharmaciens souhaitent en effet s’installer en association. « Ce qui élimine la problématique du recrutement d’un adjoint », explique également Nicolas Plumecocq, gérant du cabinet Plumecocq et membre du groupement d’intérêt économique PSP. Pour les plus petites officines, on s’orientera donc souvent vers des regroupements lors des cessions.

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Des difficultés dans les secteurs isolés

Au-delà de la taille de l’officine, sa localisation influe sur le prix de vente mais surtout sur son attractivité. Ainsi, les centres-villes, souvent plus difficiles d’accès et connaissant une concurrence importante, sont désormais davantage boudés par les acquéreurs, qui leur préfèrent les périphéries des grandes villes, offrant à la fois qualité de vie et accès à toutes les infrastructures nécessaires. Jusqu’à 20 ou 30 km des villes importantes. Autre atout indispensable : la présence d’un maillage solide de professionnels de santé.

Reims, proche de Paris, attire ainsi les acquéreurs. La Haute-Savoie sort particulièrement son épingle du jeu, grâce à sa qualité de vie et au pouvoir d’achat des habitants. Tout comme le littoral méditerranéen. Dans la région Occitanie, Montpellier attire toutes les convoitises, en Normandie, il s’agira plutôt de Caen et de Rouen. Autre argument qui séduit, notamment pour ces deux dernières villes : la proximité des facultés de pharmacie. En raison des difficultés de recrutement d’adjoints, mais aussi car les jeunes pharmaciens souhaitent souvent rester dans un lieu qu’ils connaissent.

À l’opposé, les pharmacies situées dans des secteurs très ruraux, isolés, mal desservis, peuvent parfois avoir du mal à trouver un acheteur. Et ce, quelle que soit la région. « Dans les zones plus rurales, on retrouve surtout des enfants du pays », note Florent Couedelo.

Des dossiers davantage examinés

Globalement, si les prix ont connu quelques tassements selon les secteurs géographiques et si le volume de transaction a un peu diminué, les experts notent aussi que les transactions prennent parfois un peu plus de temps : « Avant, nous avions une offre signée en un ou deux mois là où désormais on peut attendre facilement jusqu’à six mois », constate ainsi Clara Manquillet, du cabinet Manquillet.

En cause : des dossiers plus compliqués à étudier, notamment en raison des médicaments chers. « Les acquéreurs font des études plus détaillées, prévient Nicolas Plumecocq. Avec des raisonnements de marge. À l’issue de ces analyses, on constate souvent des négociations étayées, argumentées. »

Un prix moyen de 6,5 fois l’EBE

Au niveau national, l’autre évolution majeure ces dernières années reste la base de discussion : le chiffre d’affaires seul ne suffit plus à estimer la valeur d’une officine. « Le pourcentage du chiffre d’affaires reste un repère dans la discussion avec les vendeurs, mais avec les produits chers, on ne peut pas s’appuyer uniquement dessus », explique Donald Mongay, associé en charge de la région au sein du cabinet Pharmathèque.

Le calcul se fait désormais davantage sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), avec une moyenne du prix de vente aux alentours de 6,5 fois l’EBE. Mais cet indicateur ne suffit plus : les acquéreurs regardent également la marge brute. C’est la corrélation de ces chiffres qui permet d’estimer la valeur de l’officine. Les experts affineront encore en fonction du secteur géographique, de la taille de la pharmacie mais également des services et des possibilités de croissance. Avec parfois d’importantes fluctuations. Un parking pour la clientèle, par exemple, est très recherché. tout comme l’espace nécessaire pour déployer les nouvelles missions du pharmacien. Les acquéreurs – souvent jeunes – souhaitent se projeter sur plusieurs années.