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Sociétés à l’IS : Comment préserver ses gains sur la plus-value

Publié le 3 décembre 2005
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Lors de l’achat de parts de SEL, l’acquéreur doit se soucier de leur revente et négocier avec le vendeur la décote sur plus-value latente dans leur valorisation. Une façon d’anticiper la lourde taxation à la sortie. Il en va de son retour sur investissement.

Le piège fiscal

L’analyse des conséquences fiscales et financières de ventes successives de parts sociales de sociétés à l’IS peut révéler des surprises désagréables. « Les actes de cessions de parts de sociétés à l’IS sont actuellement rédigés dans un sens qui ne favorise pas les intérêts du vendeur », met en garde Dominique Leroy, expert-comptable (cabinet Norméco). En effet, si le « mistigri fiscal » est mort pour les sociétés à l’IR du fait de leur transparence fiscale, il est toujours bien vivace à l’IS. Ainsi, dans une SEL où plusieurs générations d’associés se sont succédé, le dernier porteur des parts a en main ce fameux « mistigri ». Sa plus-value imposable prendra en compte la valeur historique du fonds de commerce, à l’origine de la constitution de la société, et non le prix auquel il aura lui-même acquis les parts. Il sera imposé sur toute la plus-value accumulée par les associés précédents, alors même que chacun aura été taxé pour sa propre part. »

Pour éviter ce piège, les techniques juridiques et comptables en vigueur font supporter dès la première cession de titres un double impôt au vendeur, correspondant d’une part à la taxation des plus-values privées, au taux de 27 %, réalisées sur la cession de ses titres de participation, d’autre part à sa quote-part de plus-values latentes, taxées à l’impôt sur les sociétés (33,1/3), qui se concrétiseront le jour où la SEL vendra le fonds de commerce. Résultat des comptes : un associé qui cède ses parts de SEL est taxé globalement à un taux de plus de 51 % de la plus-value brute d’origine.

Exemple d’une SELARL

Année 1 : Une SELARL au capital de 50 000 Euro(s) est constituée entre 2 associés (A et B, 25 000 Euro(s) par associé) pour acheter une pharmacie réalisant un CA TTC de 1 000 000 Euro(s)(1). L’achat du fonds se négocie à 85% du CA TTC, soit 850 000 Euro(s). A l’actif du bilan figure donc, dans les valeurs incorporelles, la somme de 850 000 Euro(s), et, au passif, dans les capitaux propres, uniquement la ligne du capital de 50 000 Euro(s).

Pour simplifier l’analyse, on considère que l’ensemble des bénéfices réalisés durant les 5 exercices sont intégralement distribués aux associés.

Année 5 : A décide (avec l’accord de B) de céder sa participation à l’associé futur C. La vente se réalise sur la base d’un CA en année n + 5 de 1 500 000 Euro(s) (le CA a progressé en 5 ans de 50 %, soit 8,45 % l’an), à un taux inchangé de 85 %, soit une valorisation du fonds de 1 275 000 Euro(s) (1 500 000 x 85 %).

Fort de cet accord sur le prix, il va être possible de déterminer la valorisation de la société et, par voie de conséquence, la valorisation de la participation du cédant (A).

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« Pour valoriser cette participation, le rédacteur a besoin de tenir compte de trois facteurs : le capital, la plus-value et l’impôt latent de plus-value », explique Dominique Leroy.

A propos de ces trois postes, il fait remarquer que :

– Le capital fait partie de la valorisation des parts de la société puisqu’il a été apporté à l’origine de celle-ci et qu’au jour de la cession des parts sociales, la société continuant à vivre, il est toujours présent pour la même valeur d’origine, en l’occurrence 50 000 Euro(s).

– Au capital inscrit précédemment, il est additionné le montant de la plus-value réalisée durant la période de détention du fonds. En effet, comme pour une vente de fonds de commerce directe, le vendeur doit bénéficier de sa plus-value qui est tout simplement la différence entre le prix de valorisation à la sortie comparé au prix d’acquisition à l’origine. Dans l’exemple, nous avons une valeur de plus-value de 425 000 Euro(s).

– En revanche, s’agissant d’une cession de parts de SEL, le rédacteur sera amené à déduire des deux valeurs précédentes le montant de l’impôt au taux de l’IS à 33,1/3 (2), que l’acheteur (C) sera ultérieurement amené à payer si un jour la SEL vend son fonds de commerce.

C réglera donc 166 665 Euro(s) à A pour obtenir les 50 % du capital de la SEL (plus le compte courant d’associé). A devra reporter ce montant sur sa déclaration de revenus et ses plus-values de cession de titres de participation seront taxées au taux de 27 % (16 + 11).

Le montant de la plus-value nette sera de 103 415 Euro(s) (128 415 Euro(s) – apport d’origine de 25 000 Euro(s)). Le montant de 103 415 Euro(s) doit être comparé à 50 % de la plus-value brute dégagée sur le fonds de commerce, soit 425 000/2 = 212 500 Euro(s). Il en ressort une « ponction fiscale » de 109 085 Euro(s), soit 51,33 % de la plus-value.

– En année 10, deux cas sont possibles :

-#gt; 1er cas : C vend ses parts à l’associé D entrant. Le fonds a encore pris de la valeur (base : CA 2 100 000 TTC à 85 % = 1 785 000 Euro(s)). La valorisation des parts est maintenant de 50 000 + 935 000 (1 785 000 – 850 000) – impôt latent sur plus-value de 311 670 (935 000 x 33 1/3) = 673 330 Euro(s), soit 336 665 Euro(s) pour la participation de C (50 %) que rachète D.

Le calcul de l’impôt sur les plus-values à 10 ans procède du même raisonnement : C récupère un montant net de toutes taxations de 290 765 Euro(s) (336 665 Euro(s) – impôt sur plus-value privée de 45 900 Euro(s)). De ce montant, il faut déduire l’apport d’origine de 166 665 Euro(s), l’écart entre les deux correspondant à la plus-value nette de toute fiscalité pour le vendeur, soit une somme de 124 100 Euro(s) (ponction fiscale de 51,33 % à 130 900 Euro(s)).

-#gt; 2e cas : la SEL cède son fonds de commerce puis la société est liquidée. Elle est amenée à payer l’impôt sur les sociétés sur l’intégralité de la plus-value dégagée depuis l’origine de l’acquisition du fonds.

Le gain net financier de C sur valorisation du fonds est de 236 135 – 166 665 = 69 470 Euro(s) (contre 124 100 Euro(s) en vendant ses parts).

« Dans cette hypothèse, commente Dominique Leroy, C, qui a acquis sa participation en année 5, se trouve largement lésé puisqu’il va participer au paiement de l’intégralité de l’impôt sur les sociétés sur la plus-value globale, à savoir 10 ans dans notre exemple, alors qu’il a en année 5 acheté à A une participation tenant déjà compte de la revalorisation du fonds de commerce sur les cinq premières années. S’il ne bénéficie pas à l’origine de son acquisition d’une incidence favorable au niveau de l’impôt futur, il paiera indirectement un impôt sur la partie de plus-value qu’il n’aura pas générée. »

La situation aurait pu être encore plus pénalisante pour C s’il n’avait pas négocié avec A lors de la cession de parts en année 5 une décote sur le prix correspondant à l’impôt latent sur la plus-value potentielle du fonds. Sans entrer dans les détails, C aurait dû investir une somme plus importante qui aurait ensuite entraîné pour lui des conséquences fiscales plus lourdes et donc un enrichissement beaucoup moindre 5 ans après, lors de la revente de sa participation à D ou lors de la liquidation de la société après avoir vendu le fonds.

Le gain net de toute fiscalité pourrait même être encore plus faible dans l’hypothèse d’une baisse des prix du marché en année 10 (rappelons que l’analyse du cabinet Norméco est réalisée à prix constant en pourcentage du CA TTC).

Le tableau ci-dessous résume les gains de C tirés de la réalisation de son patrimoine professionnel selon les différents cas de sortie envisagés :

Aujourd’hui, les constitutions de SEL pour acquérir des officines se multiplient. Mais, demain, quand elle se seront généralisées, les ventes de parts sociales deviendront plus fréquentes. A bon entendeur…

(1) Exemple préparé par le cabinet Norméco.

(2) Par mesure de simplification pour le bon déroulé des explications, nous avons simplifié la règle des 33,1/3 de l’impôt latent sur la plus-value en multipliant par 1/3 les bénéfices dégagés au lieu d’appliquer un taux de 15 % jusqu’à 38 120 euros puis 33,33 % au-delà de cette somme.

A retenir

Deux solutions pour évaluer les parts :

– Réévaluer l’actif net du bilan (actif – passif = valeur de 100 % des parts).

– Ou réévaluer les capitaux propres (capital + réserves non distribuées) en y ajoutant la plus-value sur le fonds (valeur actuelle du fonds – valeur d’origine).

-#gt; Le résultat est identique dans les deux cas.

L’acte de vente :

– Dans les actes de rédaction de parts, on peut lire : « Le prix de cession des parts sera déterminé en fonction du montant des capitaux propres figurant sur les derniers comptes annuels augmenté ou minoré de la plus ou moins-value latente nette d’impôt sur les sociétés existant sur la valeur de la clientèle déterminée au jour de la cession. »

Est-il logique de faire payer au vendeur un impôt que l’acquéreur serait amené à payer dans le futur si la SEL vendait son fonds de commerce ? « Oui, répond Dominique Leroy. L’acquéreur de parts de sociétés reprend une SEL qui a déjà plusieurs années d’existence, mais cette reprise de participation ne modifie en rien l’actif de la SEL. »

Le « mistigri fiscal » n’est pas mort au niveau de la taxation des plus-values de cession de parts de sociétés à l’IS.

Lors de l’achat de parts de sociétés à l’IS, l’acquéreur doit négocier une décote de la plus-value potentielle du fonds.

Un associé de SEL qui vend ses parts est taxé globalement à un taux de 51 % de la plus-value brute d’origine.

Une règle d’or : bien vérifier le paragraphe de la valorisation des titres de participation achetés, pour observer si ce mécanisme de compensation d’impôt de plus-value future est bien mentionné.