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Rééchelonner son emprunt

Publié le 12 février 2015
Par Francois Pouzaud
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Dans les périodes difficiles ou d’investissement, rééchelonner la dette principale de l’officine permet d’alléger ses charges de remboursement et de gagner en trésorerie. Mais sur combien d’années ? En réintégrant d’autres charges ? Et pour quel coût au global ?

La restructuration des dettes de l’officine est souvent dictée par des difficultés de trésorerie. Mieux vaut prévenir que guérir. « Pour être à l’abri de ce genre de démarche, le pharmacien doit avoir de disponible sur son compte bancaire l’équivalent d’un mois à un mois et demi d’achats TTC », recommande Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs Associés. Cependant, quand l’étranglement mène au bord de l’asphyxie, la seule solution salvatrice est de réétaler les prêts en cours. La plupart du temps, ce rééchelonnement est réalisé par la banque qui a consenti le prêt d’installation.

Comment s’y prendre ?

Dans les dossiers présentés, la restructuration du crédit prévoit habituellement un rééchelonnement de la nouvelle dette totale sur 10 ou 12 ans en y incorporant les dettes à court terme, afin de repartir sur des bases financières saines. Les échéances de remboursement sont allégées mais avec la contrepartie d’augmenter le coût total du crédit. « Cependant, le titulaire allège sa fiscalité par la déduction des intérêts du nouvel emprunt mais aussi des pénalités pour remboursement anticipé du premier prêt », indique le comptable. Et de recommander à ce que soit reprise dans le nouveau prêt la totalité des emprunts en cours. Il s’agit d’y intégrer d’éventuels travaux (pour relancer l’activité), le remboursement des comptes courants créditeurs (pour dégager des liquidités aux associés qui pourront les réinvestir dans la société), les pénalités pour remboursement anticipé et le coût d’un licenciement (s’il y en a), de manière à ne pas avoir de sortie immédiate et importante de trésorerie. Concernant le refinancement du besoin en fonds de roulement, il n’est pas toujours acquis. « Les banques ne veulent pas le prendre en charge car elles estiment que c’est aux fournisseurs du pharmacien de le financer », précise Michel Watrelos.

Quand aller voir la banque ?

Il ne faut pas attendre d’être dans le rouge pour rediscuter un prêt. « Si les difficultés financières sont anticipées, la décision de la banque de réétaler l’emprunt n’en sera que plus facile », explique Henri-François Roland, responsable de développement commercial pour la direction régionale Nord de la BNP. Compte tenu du risque, cette banque rééchelonne le prêt aux mêmes conditions que le prêt initial mais ne facture pas de pénalités pour remboursement anticipé. « Si le stade des difficultés n’est pas trop avancé, on pourra augmenter l’enveloppe financière pour rembourser le découvert bancaire, financer de petits investissements, etc. », précise-t-il. La préparation d’un dossier de refinancement est la même que celle d’un dossier de financement (production d’un compte de résultat prévisionnel, plan prévisionnel de trésorerie…). « Le banquier exigera de nouvelles garanties telles qu’une nouvelle inscription sur le fonds, le blocage des comptes courants s’il n’y en avait pas, la révision de la caution personnelle du dirigeant… », précise-t-il. La restructuration du crédit n’est pas forcément motivée par des raisons liées à des difficultés : par exemple, profiter de la baisse des taux (1,40 % hors-assurance sur 12 ans sur la fin de l’année 2014, un record !). Toutefois, en cas de renégociation, un banquier ne consentira jamais le taux le plus bas qu’il offrirait à un nouvel emprunteur. « Il y a souvent un écart de 0,3 point minimum », constate Michel Watrelos. Au même titre que les incidents de parcours, les projets d’investissement conduisent aussi à une approche globale de l’endettement de l’entreprise et, souvent, au réétalement des emprunts.

Quelles précautions pour les sociétés ?

sIl est envisageable également de renégocier un emprunt pour pouvoir rembourser un associé des sommes mises à la disposition de la société ou financer certaines opérations patrimoniales particulières (rachat du fonds par une société, passage en SEL…). « En société, il faut s’assurer que ce rééchelonnement est possible, indique Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA. En effet, lorsqu’une société rachète un fonds (ou lorsqu’il est apporté à une société), la banque, pour se garantir, demande très souvent le blocage des comptes courants par voie de convention pour une durée de 5 ans ». Les SEL ayant vocation à intégrer plusieurs générations d’associés sur le long terme, il s’attend à ce que les rééchelonnements d’emprunts de SEL deviennent une pratique courante dans l’avenir, à l’occasion d’entrées et de sorties d’associés : « L’acquéreur de titres de la société établira son business plan en fonction du prix des titres, eux-mêmes fonction des créances et des dettes de la SEL. Le remboursement de l’emprunt souscrit pour l’occasion (le plus souvent par sa holding) sur 12 ans s’opérera grâce aux remontées de dividendes de la SEL. Néanmoins, si celle-ci est encore endettée, les résultats seront employés au remboursement de son emprunt et ce ne sera pas toujours possible. Aussi, parallèlement au rachat des parts, il conviendra de réétaler les emprunts de la SEL cible pour lui permettre d’alléger ses remboursements et autoriser des remontées de dividendes plus conséquentes à la SPF-PL. »

Quels coûts prévoir ?

Restructurer un prêt engage des frais liés à la fois à la clôture du premier prêt et à l’ouverture du nouveau crédit professionnel. Tout d’abord, il faudra régler un montant contractuel correspondant aux intérêts non perçus. Les frais décomptés en cas de remboursement anticipé de crédits professionnels à taux fixes sont soumis à des pénalités qui varient entre 3 % et 8 % du capital restant dû. Elles doivent être négociées avec le partenaire bancaire dès le départ. « Il faut obtenir l’absence de paiement d’une prime de remboursement anticipé en toutes circonstances ou, à tout le moins, en cas de réétalement concomitant à une transaction portant sur les titres de la SEL », conseille Olivier Delétoille. En pratique, seuls les dossiers solides obtiennent gain de cause.

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En plus, il faudra prévoir des frais de mainlevée d’hypothèque (rares en pratique) ainsi que le coût des garanties du nouveau prêt (frais d’inscription du nouveau nantissement sur le fonds, frais de prise d’hypothèque…) et les nouveaux frais de dossier (en théorie négociables).