- Accueil ›
- Business ›
- Transactions ›
- Acquisition ›
- Ouvrez la voie aux jeunes
Ouvrez la voie aux jeunes
L’association reste une voie royale pour les jeunes qui souhaitent s’installer. Si la SNC et la SARL sont encore d’actualité, elles montrent certaines limites quant aux possibilités offertes aux moins fortunés d’acquérir d’emblée sous ce statut des pharmacies de taille importante. L’intérêt des SEL s’en trouve relancé, en attendant les holdings de pharmacie dont l’un des objectifs est de faciliter l’accès à la propriété.
Depuis mi-janvier, Nathalie Willot, 30 ans, est aux commandes d’une pharmacie de 1 524 490 euros (10 MF) de chiffre d’affaires à Bavay (59). Sans un montage en SELARL, elle n’aurait jamais pu acquérir une affaire de cette taille compte tenu de son apport personnel 76 225 euros (500 000 F), et en détenir 60 % du capital, les 40 % restants revenant à son associée Valérie Pierron, titulaire à Valenciennes. Un montage certes encore assez rare, mais qui commence à faire de plus en plus d’émules. Et surtout qui pourrait tordre le coup à l’idée que l’accession à la propriété, ce n’est plus pour les jeunes !
Certes, les chiffres sont têtus. Selon les statistiques de l’Ordre (au 1er janvier 2001), il n’y avait que 95 nouveaux inscrits en section A en l’an 2000… pour environ 1 300 mutations d’officines (ventes de fonds et de parts sociales confondues). Dans le même temps, la section D a enregistré 1 849 nouveaux inscrits.
Bien qu’ayant baissé ces dernières années, le niveau du prix des officines est encore élevé et reste toujours le principal frein à l’installation. « L’augmentation des volumes et des prix de cession des officines en 2000 est le fait de titulaires en place qui vendent pour racheter, participant ainsi à l’exclusion des jeunes », constate Hubert Mathieu, notaire chez Tabellion & Partners et consultant chez Pharmétudes. Le marché des transactions s’opère donc en circuit fermé. Ce que déplore Yves Trouillet, président de l’Association de pharmacie rurale : « La démarche à laquelle nous avons assistée ces dernières années – acheter une officine à plusieurs – a masqué le problème, mais ne l’a en rien résolu. »
Mais les sociétés d’exercice libéral (SEL) pourraient débloquer la situation. En tout cas, Michel Watrelos, expert-comptable du cabinet Conseils et Auditeurs associés, confirme que les titulaires sont de plus en plus réceptifs aux propositions d’association en SEL dans une autre officine : « Je suis surpris par l’intérêt manifesté par les pharmaciens installés à qui j’en parle. Il y a un véritable marché à développer. » Les chiffres nationaux corroborent cette nouvelle tendance : les SEL progressent en pharmacie. Toujours d’après les statistiques de l’Ordre, 408 officines étaient exploitées en SEL en 2000. 42 SELARL – la forme de SEL la plus en vogue en pharmacie – ont été créées au premier semestre 2001 contre seulement 22 au premier semestre 2000.
Se rémunérer uniquement sur la capitalisation
« La SEL est la voie d’avenir pour l’intégration progressive des jeunes dans le capital de pharmacies ayant une capacité de réaction et d’adaptation importante », affirme Hubert Mathieu, en précisant que l’avenir économique appartient aux officines de plus de 1 524 500 euros (10 MF) de chiffre d’affaires. Selon lui, ce sont les seules à pouvoir disposer d’un potentiel de croissance suffisant pour assurer un service de qualité. Ce notaire a actuellement une quinzaine de dossiers de SEL en cours de création.
Michel Watrelos enchaîne lui aussi depuis plusieurs mois des montages de SELARL entre pharmaciens déjà installés et d’anciens assistants qui engagent leur diplôme dans cette structure. Sans remettre en cause son outil de travail personnel, le pharmacien « sponsor » réalisera un capital important (par rapport à la somme investie) sous forme d’un complément de revenu durable, tandis que le « junior », dynamique mais ne possédant qu’un faible apport, pourra démontrer ses qualités dans une officine de taille importante qu’il n’aurait jamais pu convoiter seul.
« L’avantage de la SEL, c’est que je peux travailler en solo tout en bénéficiant de l’expérience d’un titulaire qui m’accompagne, au moins dans la phase de lancement, explique Nathalie Willot. J’ai été refroidie lors de mon stage par une association classique qui a mal tourné. Etant une acharnée du travail, je craignais qu’un associé ne s’investisse pas autant que moi. » La proximité faisant (20 minutes de trajet en voiture entre les deux officines), Valérie Pierron s’est engagée à venir bénévolement deux matinées par semaine jusqu’à ce que Nathalie Willot soit autonome. « Mon associée ne prendra aucun salaire et se rémunérera uniquement sur la capitalisation », précise cette jeune installée qui, par cette économie, peut disposer dès la première année d’une rémunération de 2 287 euros (15 000 F) net par mois. Sans compter les éventuels boni de fin d’année et les avantages commerciaux tirés des commandes groupées.
Ouverture du capital : un passeport pour l’avenir
Delphine de Raissac a goûté il y a trois ans aux avantages de la formule SELARL. « Je n’ai pas eu à choisir mais à saisir l’opportunité qui m’était offerte par mon associé : réaliser simultanément l’achat et le transfert d’une pharmacie lilloise, une double opération qui n’était pas à ma portée sans son concours. » Elle avoue aussi que cette formule est sécurisante tant au niveau de l’installation – car « votre associé a déjà fait au moins une fois ce parcours » – qu’au niveau de la gestion de l’officine, « où l’on se sent épaulé en permanence ». « Elle m’appelle presque tous les jours », confie Régis Bardyn, son associé, qui ne prend pas cela comme un poids mais comme la marque d’un partenariat fort gagnant-gagnant. « Ces échanges créent une émulation qui me conduit à m’investir réellement dans l’affaire tenue par mon associé » précise-t-il, tout en garantissant au gérant une rémunération décente. « Je perçois un salaire supérieur à un coefficient 600 et notre règlement intérieur prévoit le versement de primes en fonction de l’évolution des résultats », nous précise Delphine de Raissac.
Nouredine Hirchi joue également les bons samaritains en diversifiant son patrimoine professionnel. Il vient d’aider un jeune à s’installer dans une pharmacie de 1 219 592 euros (8 MF) à travers, là encore, une SELARL. « Je me suis occupé de toutes les démarches et ai négocié un prêt à un taux intéressant auprès de ma banque. Sur le plan financier, j’ai apporté 490 000 F [74 700 Euro(s)], soit 49 % du capital qui a servi à couvrir les frais d’établissement, et ai également acheté les murs de l’officine. Aucune autre mise de fonds ne sera nécessaire car le système s’autofinance, la SELARL payant les charges d’exploitations et remboursant les emprunts. J’ai tiré un trait sur les dividendes et tablé sur des perspectives de capitalisation à dix ans. » Les prévisions de résultats sur 2002, faites sur la base d’hypothèses prudentes (baisse de la marge et stagnation du CA), dégagent, après paiement de l’ensemble des charges de la société et versement des salaires au gérant – de l’ordre de 1 982 euros (13 000 F) net par mois – , un disponible de 15 245 euros (100 000 F).
Selon Régis Bardyn, l’ouverture du capital est un passeport pour l’avenir. « Déjà, au niveau de l’installation, le vendeur se sent plus rassuré en cédant son fonds à une SEL plutôt qu’à un jeune qui se lancerait seul. Ensuite, la création de chaînes entre plusieurs pharmacies débouche sur des gains de productivité (en particulier au niveau des achats) et procure des facilités au niveau de la gestion du personnel. » « C’est en créant des liens financiers entre elles que les officines parviendront à baisser leurs frais généraux, à résoudre les problèmes passagers de main-d’oeuvre, à négocier davantage de remises avec leurs fournisseurs, etc. », renchérit Michel Watrelos.
Précurseur, Régis Bardyn ne s’en cache pas. Il s’apprête à réaliser sous peu une opération de même nature en banlieue lilloise, toujours dans la même optique de placement à long terme. Nouredine Hirchi envisage lui aussi d’installer un second confrère… mais pas avant 2003.
Futures holdings : éviter les montages hasardeux
Dans cette logique de capitalisation, la participation dans le capital d’une autre officine sera encore plus intéressante lorsque les sociétés de participations financières (SPF), issues de la récente loi MURCEF (voir Le Moniteur des pharmacies n° 2410 du 8 septembre 2001) seront une réalité. Quand les décrets d’application paraîtront, cette loi autorisera les pharmaciens à constituer des sociétés holdings financières. « La loi MURCEF ne laisse pas de possibilité pour un décret de limiter la participation d’une SPF ni de l’aménager, précise Hubert Mathieu. Dès lors, toutes les hypothèses sont possibles, comme par exemple de racheter une officine et d’y installer un jeune qui dispose de peu de capitaux et qui conviendra d’un rachat programmé d’actions. Ou encore d’intégrer des assistants dans le « collège d’exploitants » pour dynamiser leur travail, etc. L’une des motivations de cette loi est bien de faciliter l’accès des jeunes à la propriété, en permettant la déduction fiscale des intérêts d’emprunt nécessaires à l’achat de parts de SEL. »
Les SPF permettront donc, en principe, de déduire les intérêts des emprunts lors du rachats des parts de SEL soumises à l’IS. « Encore faut-il que les dispositions de cette loi commerciale soient en conformité avec le Code général des impôts… », avertit Hubert Mathieu.
En l’état des choses, elle ne permet pas à la holding de déduire massivement les intérêts d’emprunt ou d’opter pour l’« intégration fiscale » de la société mère (la SPF) et de la société fille (la SEL). « Celle-ci n’est possible qu’à la condition pour la holding de détenir au moins 95 % du capital de la société fille », précise Michel Watrelos. A défaut, la holding ne pourra pas imputer ses déficits (charges financières normalement déductibles) sur les résultats bénéficiaires de la SEL exploitant le fonds, sauf éventuellement à devenir prestataire de services pour ses filiales. « Cela suppose aussi, ajoute-t-il, que la SEL de pharmacie soit en mesure de remonter suffisamment de dividendes, donc qu’elle ait une bonne rentabilité pour pouvoir écouler les intérêts d’emprunts. »
Gérard Martinez, avocat à Perpignan (cabinet Pharma One), reste prudent quant à l’apport des holdings : « La déductibilité des intérêts d’emprunts pose toujours problème, notamment du fait de la spécificité de l’activité de pharmacien d’officine. Cette dernière prive la profession de solutions auxquelles ont classiquement recours les holdings qui ne sont pas purement financières et qui exercent d’autres prestations. La déductibilité des intérêts d’emprunt se fera d’ici quelques années avec la reprise du droit européen dans le droit français. » En attendant de connaître avec précision les décrets d’application, il invite à la circonspection. Pour l’heure, « il faut éviter les montages hasardeux ou pour le moins ne prévoyant pas de portes de sortie, notamment les options fiscales irrévocables, la juxtaposition d’actes différents, l’abus de droit. Au besoin, en cas d’incertitudes, il paraît sage de demander préalablement l’avis de l’administration fiscale sur le montage prévu ».
Michel Watrelos défend, lui, des sociétés financières fermant leur capital à tous les « prédateurs » extérieurs à la profession. « L’ouverture du capital et les participations financières doivent rester confraternelles. Leur objectif est de consolider les fondations des officines et de faire rentrer dans ce système des officinaux qui veulent investir en finances et en moyens dans leur outil de travail », conclut-il.
L’essentiel à savoir : Sur les holdings en pharmacie
La loi dite MURCEF (mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier) autorise les professions libérales à créer des holdings sous la forme de « sociétés de participations financières de professions libérales » en vue de prendre des participations dans le capital de sociétés d’exercice libéral ayant pour objet l’exercice d’une même profession.
Une même SPF de pharmaciens ne pourra détenir des parts que dans des SEL de pharmaciens, mais la loi ne fixe aucune limite quant au nombre de participations possibles.
Plus de la moitié du capital et des droits de vote d’une SEL doivent être détenus par des pharmaciens exerçant au sein de la société ou par des SPF dont les associés majoritaires exercent eux-mêmes cette profession.
Les SPF peuvent être constituées sous la forme de SARL, de SA, de société par actions simplifiée (SAS) ou de société en commandite par actions (SCA).
L’objectif financier de la SPF est de rentabiliser l’investissement (perception de dividendes, constitution de réserves financières, dégagement de plus-values).
Dans l’hypothèse d’une participation d’un non-pharmacien (médecin, biologiste…) dans le capital d’une SPF de pharmaciens, celle-ci sera limitée à hauteur de 49 %, alors qu’une SPF de médecins, par exemple, ne pourra en aucun cas détenir des parts d’une SEL de pharmaciens.
Enfin, des décrets en Conseil d’Etat, propres à chaque profession, pourront interdire à certaines personnes physiques ou morales la détention directe ou indirecte de parts ou d’actions de SEL. En tout état de cause, on peut penser que ces holdings se feront exclusivement entre pharmaciens inscrits en section A et que les décrets reprendront les mêmes restrictions (concernant le statut des associés) que pour la constitution des SEL.
Contexte
rachat d’une officine d’1,2 MEuro(s) hors taxes par le biais d’une SEL constituée par deux associés, négocié à 82 % du CA TTC. Le premier est un jeune pharmacien assistant disposant de 55 000 Euro(s). Le second est un pharmacien installé souhaitant réinvestir dans une autre pharmacie afin de capitaliser. On constitue ainsi une SEL au capital de 107 000 Euro(s), répartie de manière à ne bloquer que le diplôme du jeune pharmacien (51 %-49 %).
Analyse financière :
Le jeune pharmacien dispose d’une rémunération de gérance de 23 800 Euro(s), soit 1 985 Euro(s) par mois (égale à une rémunération nette d’un assistant). Avec son apport en capital de 55 000 Euro(s), il capitalise dans l’officine à hauteur environ de 30 000 Euro(s) chaque année. Son retour sur investissement ne représente que deux années. Il perçoit en plus de sa rémunération un dividende de 12 000 Euro(s), soit environ 20 % de son investissement.
– Le pharmacien déjà installé, en investissant 98 000 Euro(s), récupère sa capitalisation en trois ans. Il perçoit en outre un dividende de 11 000 Euro(s), soit un rapport de 11 % par an, un taux de revient bien supérieur au taux courant obtenu en banque ou en Bourse (sans risque et à court terme).
De plus, pour limiter les risques, le pharmacien « senior » peut superviser le « junior » et établir avec lui des achats groupés, ce qui engendre un gain supplémentaire sur les deux officines qu’il possède.
(Source Michel Watrelos, Conseils et Auditeurs associés.)
- L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
- « Non, monsieur Leclerc, les pharmaciens ne sont pas des nuls ! »
- [VIDÉO] Médicaments : on vous livre cette idée…
- Sante.fr : l’outil de référence pour faire connaître ses services aux patients
- Campagnes publicitaires de médicaments OTC et des produits de parapharmacie
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
![[VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/bonnefoy-dpc-680x320.png)
![[VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin](https://www.lemoniteurdespharmacies.fr/wp-content/uploads/2025/03/grollaud-sans-680x320.png)