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L’officine de demain

Publié le 11 décembre 2010
Par Frédéric Thual
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Installée depuis 2005 à Commequiers, en plein cœur de la Vendée, Sophie Toufflin-Rioli a entrepris de rénover et d’agrandir son officine afin de la transformer en une pharmacie pilote de la loi HPST (Hôpital, patient, santé et territoire). Passée de 100 m2 à 400 m2, la pharmacie expérimente les nouvelles missions du pharmacien.

A Commequiers, commune de 3 000 habitants située en arrière du littoral touristique vendéen, les habitants découvrent la pharmacie de demain. Une évolution voulue par Sophie Toufflin-Rioli, pharmacienne titulaire, et Michel Rioli, son mari, chef d’entreprise et auteur du rapport intitulé « Le pharmacien d’officine dans le parcours de soins ».

La transformation de la pharmacie, vieille de trente ans et sous-dimensionnée, acquise en 2006, part de leur volonté de mettre en œuvre les nouvelles missions du pharmacien décrites par la loi HPST. « Il nous fallait une structure pour mettre en application ces dispositions. Sans travaux, l’officine de mon épouse aurait été en difficulté d’ici deux à trois ans. Elle était trop petite et ne se prêtait pas à l’évolution du métier voulue par la loi HPST et les dispositions du rapport », explique Michel Rioli. Le couple fait donc l’acquisition du bâtiment voisin et esquisse les plans de la future pharmacie. « J’ai rencontré six architectes et agenceurs. Tous m’ont fait des propositions classiques sans comprendre ce que nous voulions vraiment », dit-il. Peu importe. « Quand on croit à quelque chose, il faut aller jusqu’au bout de ses idées », assure Michel Rioli.

Des espaces de confidentialité

Calques en main, la pharmacienne et son mari dessinent eux-mêmes le futur bébé. Un chantier complexe démarre pour réunir les deux bâtiments. Pour les travaux et l’aménagement, l’investissement atteint 375 000 €. « Grâce à la loi HPST, nous avons réussi à convaincre les banquiers », assure Sophie Toufflin-Rioli. Grâce aussi à un subtil calcul qui a permis de rééchelonner la dette sur dix ans au lieu de huit, tout en augmentant la capacité d’autofinancement. « C’est un travail de couple. Nous sommes complémentaires », reconnaît la pharmacienne. L’officine passe finalement de 100 m2 à 400 m2, dont 220 m2 sont réservés à la surface de vente, estampillés « Loi HPST » sur la vitrine. Quatre lettres qui ne disent pas grand-chose aux commequiérois. Certains s’interrogent. D’autres s’enquièrent parfois au comptoir. Et la pharmacienne d’expliquer les nouvelles missions de son quotidien. Car, outre un espace de vente de 150 m2, un sas de livraison et un lieu dédié à l’orthopédie, la pharmacie comprend un « parcours de soins », bien signalé et composé de trois petites salles distinctes, dont une est dotée d’un point d’eau. Trois espaces de confidentialité aménagés pour les soins de premiers recours, l’accueil des patients chroniques, la prévention du tabagisme, le dépistage du cholestérol, du diabète, de l’hypertension artérielle, et le suivi et l’accompagnement des patients cancéreux.

« On proposait déjà ces services, mais pas de manière systématique alors qu’aujourd’hui c’est un service organisé, précise Sophie Toufflin-Rioli. Les clients sont d’ailleurs surpris que l’on puisse faire autant de choses. »

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Véritablement lancé depuis le 1er octobre dernier, le système prend ses marques. En vitesse de croisière, des campagnes de communication (affichage, liflet) sur le point de vente alerteront les clients/patients des horaires possibles de dépistage. Pour l’heure, dans une officine qui reçoit 220 personnes par jour en moyenne, l’information passe essentiellement par le comptoir. On explique. On propose un rendez-vous. Que ce soit pour le diabète, le cholestérol ou l’hypertension, chaque entretien dure de dix à quinze minutes. Les résultats sont inscrits sur une fiche à transmettre au médecin généraliste. On propose de revenir contrôler dans deux mois. Trois pharmaciennes sont habilitées à l’exercice. Deux mois après son lancement, la pharmacie a ainsi « contrôlé » une cinquantaine de personnes. « Nous allons monter en puissance à partir de janvier 2011. L’objectif vise à recevoir de 20 à 30 personnes par semaine. Nous y allons doucement. Entre les neuf mois de travaux, la mise en place d’un nouvel outil informatique et d’un automate, ce nouveau fonctionnement est très perturbant pour l’équipe, à laquelle je ne l’ai sans doute pas suffisamment expliqué », reconnaît Sophie Toufflin-Rioli, qui s’est spécifiquement formée à la tabacologie, à l’obésité, au diabète, à l’éducation thérapeutique auprès de la faculté de pharmacie de Nantes et de la société Preventime. « A l’étage, nous allons installer un poste de travail. Chaque membre de l’équipe pourra dégager une heure pour se former régulièrement en e-learning. Car seule la formation nous permettra de nous faire reconnaître comme professionnel de santé et d’impliquer les jeunes. C’est un pari sur l’avenir de notre métier. Or, nous avons un rôle important à jouer dans l’environnement social et médical », ajoute la titulaire.

Des actes payants ?

Pour l’heure, la question du paiement de ces actes n’est pas à l’ordre du jour. Du moins pas à celui de l’officine. « Il faudra pourtant bien être rémunéré pour financer ce temps pharmacien que l’on estime à un mi-temps pharmacien », souligne la titulaire de Commequiers. « A terme, les prestations seront payantes. Aujourd’hui, la loi permet de faire payer le patient sous réserve d’afficher les tarifs. Le client est libre de venir et de régler lui-même. Mais si l’on ne fait que cela, il n’y aura pas d’évolution du mode de rémunération par le régime obligatoire ou la reconnaissance par les organismes payeurs de la valorisation de cet acte », observe Michel Rioli.

D’autres sujets sont aussi sensibles. A l’image de cette expérimentation de télémédecine organisée pendant une journée dans l’officine de Commequiers avec un médecin parisien pour simuler une consultation à distance. Imaginé pour résoudre le problème de la désertification médicale en milieu rural, ce test a provoqué une levée de boucliers des médecins vendéens…

Après trois mois d’activités, les indicateurs économiques de la pharmacie sont au vert : le chiffre d’affaires global a progressé de 8,5 %. Les médicaments conseils enregistrent une hausse de plus de 30 %, et les trois gammes de parapharmacie, contre une précédemment, affichent une croissance de 53 %. « On montre aussi qu’une pharmacie seule en milieu rural peut y arriver », conclut Sophie Toufflin-Rioli.

Envie d’essayer ?

LES AVANTAGES

• C’est une revalorisation du métier de pharmacien.

• On est en plein dans la médication officinale.

• Le dépistage et la prévention sont des actes d’utilité publique.

• La découverte précoce de pathologies est une source d’économie pour l’assuré et l’assurance sociale.

• Le pharmacien et son équipe établissent une relation de proximité avec les clients.

• C’est une façon de fidéliser la clientèle chronique : le dépistage peut générer la délivrance de traitement pour des maladies chroniques.

LES DIFFICULTÉS

• Nécessité de dégager du temps pour la formation du titulaire et de l’équipe.

• Avoir de l’espace et du temps pour recevoir les personnes.

• S’attendre à quelques mois difficiles en raison des travaux et du changement d’organisation.

LES CONSEILS

• Engager un véritable partenariat avec les médecins.

• Bien étudier la faisabilité du projet.

• Conforter l’équipe et bien lui expliquer le projet et son fonctionnement.

• Pouvoir confronter ses idées avec un architecte et un agenceur afin d’avoir une vision prospective du métier de pharmacien.

• Apprendre à gérer le stress de l’équipe.