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Les contrats de travail sont-ils transférés en cas de rachat de clientèle ?

Publié le 6 octobre 2016
Par Francois Pouzaud
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Le sort des contrats de travail est clairement établi lors de la reprise d’un fonds de pharmacie : ils sont maintenus. Sous certaines conditions. La cession de clientèle en est la principale. Décryptage.

Dans le cadre d’un rachat de clientèle, un ou plusieurs titulaires acquièrent certains des éléments du fonds de commerce d’un confrère (en plus de la clientèle : le stock, du matériel…), à l’exclusion de la licence qui sera restituée à l’ARS, en vue de son annulation et de la fermeture définitive de la pharmacie.

Dans ce type d’opération, certains points de la négociation soulèvent des questions délicates, en particulier celle du sort des contrats de travail : le vendeur peut-il licencier le personnel pour motif économique tiré de sa cessation d’activité ou ces contrats sont-ils transférés aux acquéreurs, comme dans une vente de fonds ?

Cession de contrats

«   Lors d’une cession de fonds, les contrats de travail sont automatiquement transférés au successeur, en vertu des dispositions d’ordre public de l’article L.1224-1 du code du travail   », rappelle Annie Cohen-Wacrenier, avocat du cabinet ACW Conseil.

Mais dès lors que seuls certains des éléments du fonds sont cédés, on pourrait considérer que cet article n’a pas vocation à s’appliquer et que des contrats de travail de ses salariés dépendant du vendeur, l’acquéreur n’est pas tenu de reprendre qui que ce soit.

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Mais ce n’est pas si simple. «   L’article L.1224-1 du code du travail fixe de façon non exhaustive les hypothèses dans lesquelles les contrats de travail en cours sont maintenus en cas de modification de la situation juridique de l’employeur, le principe directeur étant qu’il y a maintien des contrats en cours chaque fois qu’il y a continuité de la même entreprise   », expose-t-elle. Ce principe a été confirmé par la Cour de cassation, jugeant que l’article L.1224-1 s’applique à tout transfert d’une entreprise qui conserve son identité et son activité.

Deux conditions satisfaites

Il ressort que les dispositions de cet article s’appliquent dès lors que sont réunies deux conditions :

L’existence d’une entité économique autonome, c’est-à-dire un ensemble organisé de moyens (tels que des marchandises, des équipements, une clientèle, du personnel) permettant l’exercice d’une activité économique ;

La poursuite de l’activité : l’entité économique transférée à un repreneur doit poursuivre la même activité avec les mêmes moyens d’exploitation (corporels ou incorporels). La règle du maintien des contrats en cours, vis-à-vis du nouvel employeur, ne s’applique qu’à la condition que le repreneur poursuive la même activité et ce, de façon durable. Dans ces conditions, la cession de clientèle peut être analysée comme la cession d’une entité autonome, maintenue et poursuivie. «   L’analyse de la jurisprudence dominante, qui a eu à statuer sur des cas de cession de clientèles de professions libérales (avocats, mandataires judiciaires), tend à démontrer que l’article L.1224-1 du code du travail a vocation à s’appliquer dans le cas d’une cession de clientèle, au motif que celle-ci constitue l’élément essentiel de l’activité de service, celle-ci pouvant être exercée ou poursuivie dans d’autres lieux, les éléments corporels de cette activité n’étant pas déterminants   », répond Annie Cohen-Wacrenier.

Ainsi, les salariés licenciés pour motif économique lié à la cessation d’activité pourraient saisir le juge prud’homal et solliciter la condamnation solidaire du vendeur et de l’acquéreur au paiement de dommages et intérêts, ce qu’ils auraient d’autant plus de chances d’obtenir si l’acquéreur licencie certains salariés, mais en conserve d’autres.

Les négociations en amont d’une opération de rachat de clientèle devront donc nécessairement intégrer la question du transfert des contrats de travail, ce qui aura une incidence sur le prix de cession. §