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La hausse des taux d’intérêt est-elle du goût des SEL ?

Publié le 4 novembre 2023
Par Guy Tamboise
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L’ingénierie financière et fiscale des rachats de titres d’une société d’exercice libéral (SEL) est adaptée aux conséquences de la hausse des taux d’intérêt. Deux points restent pourtant à définir : la conservation des emprunts en cours de la SEL acquise et la déduction fiscale des intérêts.

 

La hausse des taux d’intérêt conduit les cessionnaires (acquéreurs de titres de SEL) à envisager de conserver les emprunts en cours, négociés à des taux intéressants, dans la SEL cible. Mais, selon Olivier Delétoille, expert-comptable associé du cabinet AdéquA, « en pratique, ce ne sera pas toujours si simple économiquement ; des banques font parfois obstacle, arguant de contraintes pas toujours justifiées même pour des projets très solides ! ».

 

Ainsi, le rachat d’une SEL par une société de participations financières de profession libérale (SPF-PL) s’opère traditionnellement par recours à un emprunt sur 12 ans. Avant la hausse des taux d’intérêt, il était courant de refinancer les emprunts significatifs en cours dans la SEL sur 12 ans également, quitte à payer les indemnités de remboursement anticipé (IRA). L’objectif était de financer le rachat de l’entreprise avec des dettes alignées en durée. En effet, en imaginant conserver les emprunts en cours dans la SEL, leur durée restant à courir serait forcément plus courte, ce qui rendrait la faisabilité financière du rachat compliquée, avec des flux financiers au niveau du « groupe » (SPF-PL et SEL) parfois négatifs les premières années.

 

Les intérêts des acquéreurs et des banques étant antagonistes, ces dernières risquent alors d’invoquer une série d’obstacles financiers ou de contraintes essentiellement attachées aux problématiques de garanties. Pour sortir d’un éventuel bras de fer avec le partenaire bancaire en place dans la SEL, il faut envisager plusieurs voies :

 

a. Certains contrats prévoient des modulations autorisant, sur simple demande, le remboursement automatique sur une période plus longue (deux ou trois ans).

 

b. Certaines banques apportent des solutions financières innovantes adaptées au contexte récent de la hausse des taux d’intérêt (remboursement par paliers, par exemple).

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c. Les cessionnaires feront appel à des crédits boosters pour les premières années ou rechercheront un autre partenaire bancaire pour le financement sollicité par la SPF-PL (avec la promesse de lui confier à l’avenir les flux financiers de la SEL).

 

« En définitive, il apparaît compliqué de se prévaloir de taux d’intérêt faibles sur les emprunts en cours dans la SEL pour justifier une surcote de sa valeur », selon Laurent Cassel, expert-comptable coassocié d’AdéquA.

Payer moins d’impôts

 

La hausse des taux d’intérêt interroge sur leur déductibilité fiscale. Autrement dit, la charge supplémentaire sera-t-elle génératrice d’une économie de l’impôt sur les sociétés (IS) ? L’enjeu sur 1 million d’euros emprunté au taux de 4 % est de 70 000 € d’IS (279 000 € d’intérêts cumulés au taux de 25 %), alors qu’il n’était que de 17 000 € d’IS avant la hausse des taux d’intérêt. Plusieurs scénarios en découlent.

 

1. La question ne pose pas de difficultés en cas de rachat d’un fonds d’officine par une société, que celle-ci accueille un seul ou plusieurs associés. Les charges financières (intérêts) supportées par elle s’imputeront sans difficulté sur ses résultats d’exploitation, et viendront impacter le résultat fiscal et donc l’IS ;

 

2. La situation est identique en cas de rachat de plus de 95 % des titres de SEL par une seule SPF-PL, que cette dernière accueille un seul ou plusieurs associés. Les charges financières de la société mère (la SPF-PL) pourront, avec le régime de l’intégration fiscale, s’imputer sur les résultats d’exploitation de la société fille (la SEL) ;

 

3. En cas de rachat par une ou plusieurs SPF-PL participant chacune à moins de 95 % au capital de la SEL, les charges financières et les frais d’acquisition des associés ne pourront s’imputer sur les bénéfices d’exploitation de la société fille. Le « manque à gagner » impacte la valorisation de la SEL acquise. Les parties auront la tentation de revenir vers la constitution d’une SPF-PL « commune » associant plusieurs associés. L’apparente simplicité juridique et administrative et l’opportunité de bénéficier du régime de l’intégration fiscale (si la SEL fille est détenue au moins à 95 % par la SPF-PL) ne doivent pas occulter les inconvénients sur le plan patrimonial pour les associés personnes physiques.