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Je n’informe pas l’acquéreur de la perte d’un marché

Publié le 9 décembre 2017 | modifié le 1 janvier 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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La perte d’un gros client ou d’un fournisseur fait partie des informations essentielles que le vendeur doit communiquer à l’acheteur de l’officine. Que risque-t-il s’il omet de le faire ?

Paul est en négociation avec Léa au sujet de la vente de son officine depuis plusieurs mois. Il a obtenu le marché d’une maison de retraite, il y a deux ans. Mais, le 30 novembre 2017, Paul a été informé par la maison de retraite que le marché ne lui est plus attribué. Il ne la fournira plus à compter du 1er janvier 2018. Paul a peur de dire à Léa qu’il a perdu ce marché. Que risque-t-il à garder le silence ?

L’article 1137 alinéa 2 du code civil dispose que « la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie est un dol ». Le dol est un vice du consentement, c’est-à-dire qu’il remet en cause la valeur du contrat. En pratique, le dol peut prendre plusieurs formes : un mensonge, la production de document erroné ou même le fait de garder le silence sur une information essentielle. La partie qui a conclu le contrat au regard d’informations erronées peut demander au juge sa nullité. Pour cela, Léa doit démontrer que la préparation de doses à administrer pour la maison de retraite était une information déterminante pour elle, sans laquelle, elle n’aurait pas acheté la pharmacie. Elle doit aussi prouver au juge que Paul a conservé cette information pour lui alors qu’il savait qu’elle était déterminante dans sa décision. Au regard des preuves, le juge pourra annuler la vente de la pharmacie. Cette solution peut ne pas convenir à Léa. La perte d’un gros client, tel qu’une maison de retraite, peut ne pas remettre en cause l’envie de Léa d’acheter la pharmacie, mais seulement l’évaluation du prix de vente. En effet, si la part de la maison de retraite dans le chiffre d’affaires de la pharmacie est déterminante, Léa peut considérer avoir fait une erreur sur le prix et peut souhaiter une simple réévaluation de celui-ci et non la remise en cause totale du contrat. Or, ni le code civil ni la jurisprudence n’admettent cette solution.

Une sanction disciplinaire

L’article R4235-3 du code de la santé publique dispose que « le pharmacien doit avoir en toutes circonstances un comportement conforme à ce qu’exigent la probité et la dignité de la profession ». L’article R4235-34 du même code ajoute que « tous les pharmaciens inscrits à l’ordre se doivent mutuellement aide et assistance pour l’accomplissement de leurs devoirs professionnels. En toutes circonstances, ils doivent faire preuve de loyauté et de solidarité les uns envers les autres ». Sur la base de ces articles, des pharmaciens dans la même situation que Léa ont assigné le vendeur devant la chambre de discipline de l’ordre des pharmaciens. Et les ordres régionaux ont infligé au vendeur un blâme ou un avertissement. 

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•  ➢Garder le silence sur une information essentielle pour l’acquéreur constitue un dol.

•  ➢La sanction du dol est la nullité du contrat.

•  ➢Le vendeur s’expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller du blâme à une interdiction d’exercer.