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Fusions-acquisitions : les raisons du mariage
AstraZeneca, GSK, Aventis… Les laboratoires pharmaceutiques semblent pris d’un engouement pour le « toujours plus grand ». Arnaud de Bertier, directeur associé de McKinsey, secteur santé, vous aide à mieux comprendre les enjeux de ce phénomène. Interview.
« Le Moniteur » : Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots les différents types de rapprochements possibles dans l’industrie pharmaceutique ?
Arnaud de Bertier : De façon générale, on peut déterminer deux grands types de rapprochement. Soit il s’agit d’une fusion totale, soit il s’agit d’accords de collaboration entre les entreprises. Dans le cas d’une fusion, il peut s’agir d’une fusion d’égal à égal comme cela a été le cas pour Hoechst et Rhône-Poulenc Rorer, réunis dans Aventis, ou d’une acquisition, illustrée, entre autres, par l’intégration de Warner-Lambert par Pfizer. Pour ce qui est des accords, ils peuvent être multiples. Les ententes se font généralement au niveau de la recherche, du codéveloppement (mise en commun des systèmes de production) ou du comarketing (mise en commun des forces de vente et des réseaux de distribution). Ainsi, Sanofi et BMS sont indépendants au niveau capitalistique mais mettent en commun leurs savoir-faire dans le domaine du développement et du marketing.
Quelles sont les motivations qui poussent les laboratoires à s’unir ?
Les facteurs qui motivent un rapprochement sont multiples. Une chose est sûre, l’objectif premier est de devenir plus grand et donc plus fort. Le rapprochement est une solution pour les laboratoires trop petits qui n’auraient pas la taille suffisante pour survivre dans un contexte concurrentiel fort. C’est aussi le moyen d’assurer une présence sur certains marchés étrangers. Certains en profitent pour gommer leurs points faibles, comme une structure de recherche peu présente sur un domaine thérapeutique précis. S’unir c’est à la fois acquérir de nouvelles compétences et mutualiser les risques. Il est plus lourd de gérer un projet qui n’aboutit pas lorsque l’on est seul pour faire face aux pertes financières. De plus, le rapprochement permet d’accroître l’efficacité des circuits de recherche-développement. Partager les risques, c’est une manière simple de lisser les résultats. On aboutit donc à des entreprises structurellement plus fortes et plus innovantes. Mais le revers de la médaille existe et ces manoeuvres ne vont pas sans créer des problèmes humains et sociaux qui peuvent, parfois, être lourds de conséquences s’ils sont mal gérés : perte de la culture d’entreprise, perte d’image.
Existe-t-il une taille limite au-delà de laquelle il est dangereux pour les laboratoires de s’aventurer dans un rapprochement ?
Théoriquement, non. Mais il est dangereux d’avoir une présence trop importante sur un même domaine thérapeutique. A vouloir être trop gros, le laboratoire s’expose à des problèmes de management liés à l’unification de sa politique d’action sur des structures présentes dans plusieurs pays, voire sur plusieurs continents. Quoi qu’il en soit, même s’il en donne l’impression, le secteur de la pharmacie est loin d’être aussi concentré que celui de l’automobile et laisse donc présager de nouveaux rapprochements.
Cette course au gigantisme peut-elle avoir des répercussions sur l’activité du pharmacien ?
Généralement les fusions n’apportent pas de bouleversement fondamental sur le terrain. Au niveau de l’offre, les produits antérieurement fournis par les deux groupes qui se rapprochent coexistent, le portefeuille de produits s’enrichit. Il n’y a pas de raison logique de laisser dépérir un produit à la faveur d’un autre dans la mesure où il existe une demande souvent générée par des habitudes de prescription. En revanche, quelques modifications peuvent intervenir au niveau des équipes commerciales ou des contacts au sein du laboratoire. Pour ce qui est des risques concernant un changement dans les modalités de distribution, les pharmaciens n’ont rien à craindre pour le moment. Les laboratoires n’ont pas la volonté de faire leur travail. Ils sont trop occupés à acquérir des structures équivalentes. La politique actuelle est à l’intégration horizontale et non verticale. Ils ne regardent pas encore vers les métiers de la distribution. Il ne faut pas percevoir le discours direct avec les patients qu’entretiennent les laboratoires via Internet comme une volonté de jeter les bases d’une vente directe mais plutôt comme un souhait de se rapprocher de leur coeur de cible afin de mieux comprendre leurs attentes. En revanche, si, à terme, la compétition entre les laboratoires venait à se réduire en raison d’une trop grande concentration du secteur, par exemple, le risque de les voir se tourner vers la dispensation serait réel. Pour le moment, le nombre d’acteurs est suffisant pour nourrir la concurrence.
Ce phénomène présente-t-il un intérêt pour le bon équilibre de l’économie de santé en général ?
Le levier économique des fusions concerne en premier chef les entreprises qui se rapprochent. Encore une fois, la concentration du secteur est à un degré insuffisant pour avoir des conséquences sur les prix des spécialités produites. En effet, les prix sont imposés et le lobby de l’industrie pharmaceutique n’a pas atteint une taille suffisante pour être le seul maître du jeu, qu’il s’agisse de fixer les prix à la hausse ou à la baisse.
Face à cette course au gigantisme, y a-t-il, selon vous, encore une place pour les petits laboratoires ?
Oui, contrairement aux idées reçues, la course au gigantisme n’exclut pas l’existence de petits laboratoires, mais elle en modifie la vocation. Ainsi, on assiste au développement des industries de biotechnologies qui se positionnent en tant que sous-traitants pour les gros laboratoires. Ce secteur qui occupe déjà une bonne place n’a, selon moi, pas fini de bourgeonner. De plus, certains secteurs, par leur activité, favorisent les laboratoires de taille moyenne. Ainsi, l’ophtalmologie ou la dermatologie, par exemple, proposent une offre qui ne génère pas de gros chiffres d’affaires et qui n’intéresse pas les gros laboratoires. Une démarche qui est difficilement envisageable pour des spécialités dans le domaine cardiovasculaire. Il reste donc un avenir pour les laboratoires de taille réduite à la condition qu’ils soient concentrés sur un domaine thérapeutique bien délimité.
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