- Accueil ›
- Business ›
- Transactions ›
- Acquisition ›
- Des trous dans la raquette
Des trous dans la raquette
Malgré sa volonté de simplifier l’installation, le regroupement et la création d’officines, le texte de l’ordonnance « réseau » reste complexe et difficile d’application pour les agences régionales de santé (ARS) et pour les pharmaciens. Malgré la publication de deux décrets et d’un arrêté en juillet 2018, un transfert ou un regroupement s’apparente toujours à un parcours du combattant.
Pour que cette ordonnance soit pleinement définie et applicable, il ne manque plus que le décret relatif aux territoires dits « fragiles » (art. L. 5125-6-1 CSP) qui doit en définir les critères. Il doit permettre au directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) de préciser dans sa décision la zone affectée à chaque pharmacie, tenant compte des limites naturelles ou communales ou des infrastructures de transport qui circonscrivent le quartier. « Ce décret va fournir des critères, au travers de guidelines, pour identifier des zones et territoires fragiles au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante, les délimiter, définir les communes susceptibles de recevoir une officine », précise Corinne Daver, avocate du cabinet Fidal, spécialisée en droit de la santé.
Comme elle l’explique, ce décret risque d’être un cadeau empoisonné pour les directeurs d’ARS, qui devront établir des cartographies de ces zones sensibles : « les conditions d’appréciation des territoires fragiles risquent d’être contestées et leurs arrêtés de faire l’objet de recours ». Mais il n’y a pas que cet article qui risque à l’avenir de nourrir d’abondants contentieux. A propos de l’article L. 5125-3-1, qui charge le directeur de l’ARS de définir les quartiers, Vincent Leonard, avocat au Barreau de Lille, raconte que l’on ne sait pas toujours à qui incombe cette responsabilité. « Dans un regroupement intra-communal, le directeur de l’ARS a demandé aux pharmaciens, dans la liste des pièces à fournir, un plan de secteur mis à l’échelle proposant une délimitation des quartiers d’origine et d’accueil », illustret- il. En laissant ainsi l’initiative au pharmacien impétrant, celui-ci n’a aucune certitude sur sa proposition de délimitation de quartier et sur son acceptation par l’ARS. Malgré des définitions précises apportées par les textes, le flou demeure.
AU RISQUE de semer le doute.
Si l’ordonnance conforte de nombreuses dispositions comme le calcul des seuils démographiques pour l’ouverture d’une officine toujours basé sur la population résidente, elle introduit aussi quelques nouveautés. Ainsi, elle prévoit la possibilité d’ouvrir une officine à proximité d’une maison de santé, d’un centre de santé ou d’un centre commercial dans des territoires identifiés comme présentant des besoins en desserte de « proximité ». « L’ordonnance permet aux pharmaciens qui sont présents dans des communes situées en frontières de celles qui ne disposent pas encore de pharmacie (dans des communes contiguës dépourvues d’officines et dont l’une recense au moins 2 000 habitants), d’être prioritaires pour présenter un dossier de transfert ou de regroupement dans cette commune identifiée par l’ARS comme nécessitant une desserte de proximité. Cette nouvelle disposition va troubler l’esprit des pharmaciens sur les règles d’installation et accroître les interrogations des candidats à la reprise d’officine en milieu rural », estime Albin Dumas, président de l’Association de pharmacie rurale. « Le décret n° 2018-671 publié en juillet 2018 peut aussi contrarier des projets », ajoute Gilles Andrieu du cabinet Espace. Dans deux affaires qu’il a eu à traiter, un rachat de clientèle et un regroupement en milieu rural, les pharmaciens qui souhaitaient partir à la retraite ont dû renoncer à leur projet. « Ces nouvelles dispositions de l’ordonnance “Réseau” peuvent limiter les possibilités des titulaires souhaitant céder leur officine », explique cet intermédiaire.
PAS AUSSI évident qu’il n’y paraît.
Depuis l’ordonnance, les regroupements d’officines sont autorisés s’ils permettent une desserte en médicaments optimale. L’accès à l’officine qui abritera le regroupement doit être facilité par sa visibilité, des aménagements piétonniers, des stationnements et une desserte par les transports en commun. Sur ce dernier aspect, le décret n° 2018-671 définit les conditions de transport pour l’accès à une officine en vue de caractériser un approvisionnement en médicament compromis pour la population. Dans la première affaire du pharmacien souhaitant prendre sa retraite, sa pharmacie (officine A) est située dans une commune de 3 300 habitants et réalise un C.A de 350 000 €. Son confrère (officine B), situé à 95 mètres, affiche un C.A de 3 M €, se porte acquéreur sur le rachat de la clientèle de l’officine A. Un réel déséquilibre économique existe entre elles, mais l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ne sera pas compromis et il n’y aura pas abandon de clientèle dans le cadre de la restructuration du réseau officinal. La réponse de l’ARS a été sans appel : avis défavorable à la cessation définitive d’activité de l’officine A, car les deux officines de la commune desservent également 4 communes dépourvues d’officines de pharmacie représentant environ 4 000 habitants. Soit un total de 7 300 habitants, donc excédentaire, et l’obligation de maintenir les 2 licences. Dans la seconde affaire, le titulaire d’une pharmacie (officine Y) située dans une commune de 750 habitants et dont le C.A avoisine les 500 000 €, a en tête un autre projet pour partir à la retraite. L’officine Z, la plus proche (à 3 km), qui réalise un C.A de 2,3 M€, accepte de procéder à un regroupement dans ses locaux. L’ARS a refusé cette proposition, car il n’existe pas de transport en commun entre les deux officines. L’officine Y est desservie par les transports en commun jusqu’à la pharmacie X située à 7,5 km, mais celle-ci n’est pas en capacité de réaliser le regroupement. En effet, le cabinet médical (5 généralistes) où les habitants de la commune de 750 habitants (0 généraliste) se rendent pour consulter est situé à côté de l’officine Z. Quel intérêt pour l’officine X d’envisager un regroupement ?
LA VIGILANCE reste de mise.
Dans ces deux cas, l’application des nouvelles dispositions de l’ordonnance a abouti à une impasse, conduisant les pharmaciens à trouver des solutions alternatives pour pouvoir partir à la retraite. En conclusion, Corinne Daver appelle les porteurs de projets à une grande vigilance, mais aussi les titulaires concernés par des projets en cours ou latents. « Les textes ne sont pas parfaits, beaucoup de dispositions sont complexes, et des difficultés nouvelles vont arriver… Par conséquent, lisez les textes, prenez du recul, attendez les commentaires et explications de textes car on va découvrir une autre façon de les voir, les magistrats se poseront les mêmes questions sur les failles de certains articles… ».
3068
HABITANTS, C’EST LA MOYENNE NATIONALE POUR UNE OFFICINE. DU FAIT DE NOMBREUX REGROUPEMENTS DANS CETTE RÉGION, LA NORMANDIE COMPTE UNE PHARMACIE POUR 3 407 HABITANTS. ALORS QU’EN PACA, LA MOYENNE ÉTABLIE EST D’UNE PHARMACIE POUR 2 776 HABITANTS.
RéglementationAnnexes d’officines autorisées dans les aéroports
Afin d’assurer les besoins en médicament des passagers dans les plus gros aéroports, l’Agence régionale de santé (ARS) peut autoriser l’ouverture d’une officine (par voie de transfert et regroupement) dans les aéroports de plus de 3 millions de passagers annuels, puis par tranche de 20 millions de passagers supplémentaires par an. Celles-ci sont également autorisées à ouvrir une annexe dans la zone dans laquelle cette officine n’est pas implantée (l’ordonnance fait une distinction entre l’implantation d’une officine au sein d’un aéroport dans la zone côté piste ou dans la zone côté ville). Un arrêté publié au Journal Officiel du 15 février 2019 précise les modalités de fonctionnement des annexes des pharmacies d’aéroport : horaires d’ouverture, organisation, conditions de livraison et d’acheminement des produits par la pharmacie de rattachement, participation ou non au service de garde…
POUR ALLER + LOIN
Le décret n° 2018-671 pris en application de l’article L. 5125-3, du code de la santé publique. Le décret n°2018-672 relatif aux demandes d’autorisation de création, transfert et regroupement et aux conditions minimales d’installation des officines de pharmacie. Et l’arrêté publié le 31 juillet 2018, qui fixe la liste des pièces à joindre à tout dossier de demande de création, transfert ou de regroupement d’officines de pharmacie.
- L’IA au service des pharmaciens : un levier contre la fraude aux ordonnances ?
- « Non, monsieur Leclerc, les pharmaciens ne sont pas des nuls ! »
- [VIDÉO] Médicaments : on vous livre cette idée…
- Sante.fr : l’outil de référence pour faire connaître ses services aux patients
- Campagnes publicitaires de médicaments OTC et des produits de parapharmacie
- [VIDÉO] Arielle Bonnefoy : « Le DPC est encore trop méconnu chez les préparateurs »
- [VIDÉO] Le service de livraison en ligne : « Ma pharmacie en France » disponible dès juin
- [VIDÉO] Négociations, augmentations, ancienneté… Tout savoir sur les salaires à l’officine
- [VIDÉO] 3 questions à Patrice Marteil, responsable des partenariats Interfimo
- [VIDÉO] Quand vas-tu mettre des paillettes dans ma trésorerie, toi le comptable ?
