Acquisition Réservé aux abonnés

4 étapes clés pour se regrouper

Publié le 2 mai 2009
Mettre en favori

Le regroupement d’officines, s’il nécessite un certain investissement, représente aujourd’hui l’une des meilleures armes pour faire face aux menaces qui pèsent sur le réseau officinal. Voici comment s’y prendre, étape par étape.

Le regroupement peut sembler complexe de prime abord. Mais ses avantages sont nombreux. En effet, il permet de fédérer certains moyens, comme le personnel ou les achats, et d’offrir une qualité de service supérieure à ses patients, comme la création d’une nouvelle spécialisation par exemple. « C’est un outil privilégié car il donne les moyens de rationaliser le réseau et de bénéficier de structures importantes, ne serait-ce que pour concurrencer la grande distribution aux appétits grandissants », souligne Assunta Sapone, avocate au cabinet Fallourd. Bref, se regrouper donne les moyens d’être concurrentiel.

Même la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a exhorté la profession à se lancer dans le regroupement lors du dernier salon Pharmagora, annonçant la création d’un groupe de travail sur le sujet. De leur côté, l’Ordre et les syndicats appellent de leurs voeux des regroupements facilités.

1.Faites appel à des spécialistes

S’entourer de professionnels est un préalable indispensable. L’idéal ? Faire appel à un expert-comptable et à un avocat. Le premier fera valoriser les fonds de commerce qui vont se regrouper et déterminera les parts de chacun dans la future structure en fonction de la valeur d’origine de ces fonds. L’expert-comptable s’occupera aussi du montage du financement, intégrant le nouveau local, le bail, le pas-de-porte, etc. Enfin, il vous aidera dans l’apurement des emprunts et des contrats en cours : contrats de travail, crédit-bail, assurances, entretien, contrats avec les partenaires officinaux (grossiste-répartiteur, informatique…), etc.

Le regroupement ne relevant pas seulement d’une opération financière, un accompagnement juridique s’avère tout aussi important. Choisissez de préférence un avocat spécialisé en droit de la santé afin d’étudier la conformité du regroupement aux règles en vigueur. Pensez aussi à faire appel à un agenceur et à un architecte qui pourront vérifier les plans du futur local.

2.Faites-vous auditer

Un audit de chaque pharmacie candidate au regroupement est conseillé avant même le dépôt du dossier. « Cette étape est d’autant plus essentielle que les pharmaciens n’ont pas forcément un regard objectif sur la réalité », insiste Assunta Sapone. L’audit fiscal et patrimonial déterminera l’intérêt économique du regroupement, la typologie des officines concernées et leurs clientèles, leurs politiques commerciales…

Publicité

Le type de structure des officines désireuses de se regrouper sera également analysé car il implique des fiscalités de départ différentes, comme dans le cas où un pharmacien exerçant en société à responsabilité limitée se regroupe avec un pharmacien en nom propre. L’audit devra s’accompagner d’une étude de faisabilité du regroupement au regard exclusivement du droit de la santé. En effet, la loi prévoit deux conditions au regroupement : ne pas compromettre l’approvisionnement en médicaments du quartier d’origine et répondre aux besoins de la population du quartier d’accueil.

Laurent Simon, membre du réseau de notaires Pharmétudes, y ajoute une « règle très importante, non écrite dans la loi : la future pharmacie ne devra se situer ni côte à côte, ni en face d’une autre pharmacie préexistante. Par exemple, à Paris, une distance raisonnable de 150 mètres au minimum entre deux officines est requise ». L’étude de faisabilité analysera également la géographie et la topologie des quartiers d’origine et d’accueil ainsi que la population susceptible d’être desservie et la recherche de locaux. Enfin, il est indispensable de réfléchir à des objectifs communs avec les futurs partenaires. « Je conseille de formaliser par écrit les engagements de chacun, sous forme d’un protocole d’accord par exemple », livre Assunta Sapone.

3.Définissez un statut juridique

Le type de structure sous laquelle vous vous regrouperez doit être défini avant le dépôt du dossier. En revanche, vous n’êtes pas obligé d’immatriculer la société au préalable, les statuts étant soumis à la condition suspensive du regroupement. Selon Assunta Sapone, l’idéal est de constituer « une société d’exercice libéral plutôt qu’une société en nom collectif ou à responsabilité limitée. La SEL est la seule forme qui permet de faire coexister des exploitants et des sociétés investisseurs ».

Lorsque les statuts de la nouvelle société sont déposés, l’ordre des pharmaciens demande qu’un règlement intérieur soit rédigé afin de déterminer les horaires de travail, les congés ou la rémunération. Le pacte d’associés, en revanche, est un document propre aux associés qui reprend des éléments du règlement intérieur au sein duquel on peut prévoir des clauses telles que des promesses de cession à venir. Le règlement intérieur peut également définir les attributions des associés.

4.Constituez votre dossier avec rigueur

Quel que soit le nombre de pharmaciens participant au regroupement, une seule demande doit être déposée auprès du préfet. Celle-ci s’effectue au nom des propriétaires des licences qui seront libérées. La liste des pièces impératives à mettre au dossier est précisée dans l’arrêté du 21 mars 2000 relatif aux modalités de création, de transfert et de regroupement et aux conditions minimales d’installation des officines. Il s’agit notamment des diplômes, des projets de statuts de la nouvelle structure précisant la répartition du capital entre les associés, de la promesse de bail – qu’il faut obtenir sous la condition suspensive du regroupement afin d’éviter les mauvaises surprises ! (voir ci-dessous) -, de l’éventuel permis de construire ou de la déclaration de demande de travaux, de l’étude de faisabilité ou encore de la cartographie des quartiers d’origine et d’accueil.

Il faut également savoir que le dossier déposé à la préfecture est envoyé en plusieurs exemplaires à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), qui adresse des copies à l’Ordre et aux syndicats professionnels – pour avis dans un délai de deux mois – ainsi qu’à la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales qui, elle, ne donnera son avis que sur les conditions minimales d’installation. Sachez en outre que l’Ordre mandatera alors un délégué départemental qui mènera une enquête auprès des communautés d’accueil et d’origine, alors même que la décision n’est pas prise. « Si besoin, il peut demander à ses avocats d’intervenir en vue de manifester son opposition au regroupement », indique Assunta Sapone. La DDASS recueille ensuite ces différents avis et fait une proposition d’arrêté au préfet qui décide en dernier ressort. Assunta Sapone précise que « seul l’avis d’inspection lie le préfet. Il est illégal de suivre de manière officielle l’avis de l’Ordre par exemple ».

Le préfet a quatre mois pour rendre sa décision, qu’il communiquera via un arrêté exprès exécutoire. La licence de regroupement sera alors publiée au Recueil des actes administratifs de la préfecture. Un tiers peut dénoncer dans un délai de deux mois la décision. « C’est pourquoi, dans l’étude de faisabilité, avant de mettre en place la cession de licence de la pharmacie à l’endroit du regroupement, il faut s’assurer que la licence octroyée ne donnera pas lieu à un recours », conclut Assunta Sapone.

Se regrouper, qu’est-ce que c’est ?

Plusieurs officines, même situées dans des lieux géographiques différents, peuvent se regrouper. L’opération consiste alors à se réunir soit dans l’une d’entre elles, soit dans un nouveau lieu situé dans la commune d’une des pharmacies candidates au regroupement.

http://www.WK-Pharma.fr

en direct du Net

Enquête flash*

Seriez-vous prêt à vous regrouper avec un confrère ?

oui 33,06 %

non 66,94 %

(Sur une base de 248 votants.)

Vous étiez 58,9 % à répondre favorablement à la même question l’an dernier.

Et si le préfet rejette la demande ?

Si le préfet décide de ne pas accorder le regroupement, les pharmaciens peuvent se réinstaller dans leurs officines d’origine. C’est pourquoi il faut soumettre préalablement la prise d’effet du bail à la condition suspensive d’une non-contestation de la licence de regroupement. Ainsi, le pharmacien aura la possibilité de renoncer à l’opération.

Dans le cas de figure où le pharmacien veut faire annuler l’arrêté, il peut déposer un recours auprès du ministre de la Santé ou du tribunal administratif. Le ministre dispose alors de quatre mois pour annuler l’arrêté à compter de la date de ce dernier. En revanche, le recours au tribunal peut durer jusqu’à une période de deux ans. « En général, les pharmaciens n’attendent pas la fin du délai et s’installent malgré tout. C’est une question de survie », indique Assunta Sapone.