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RESPONSABLE AVANT TOUT !

Publié le 1 juin 2022
Par Favienne Colin
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La pharmacie Avril des Ponts-de-Cé, dans le Maine-et-Loire, a engagé une démarche de Responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) depuis 2017. Elle commence à le faire savoir.

A l’image de son titulaire Thomas Avril, la pharmacie du centre commercial La Guillebotte, aux Ponts-de-Cé, en périphérie sud d’Angers, est discrète. Du côté du parking, une croix verte habille un pignon en zigzag, au bardage en ardoise, pour signaler une simple porte vitrée en partie cachée par un angle du bâtiment. Du côté de l’entrée principale du magasin Intermarché, un covering vert cru occupe presque toute la façade, plissée comme un origami.

UN ENGAGEMENT RSE.

Réaménagée par l’agenceur Adeco Breizh en 2017, à l’occasion d’un changement de titulaire, l’officine est alors passée de 21 à 60 m2 de surface de vente en grignotant sur le back-office et en créant un espace à l’étage. A l’intérieur, rien de tapageur. On y retrouve les codes standards du commerce moderne avec des gondoles en métal, une signalétique murale (Santé au naturel, Espace confort, Espace beauté, Premiers soins, L’univers bébé, Ordonnances & conseils, et Espace confidentiel)… Mais, à y regarder de plus près, des messages engageants sont distillés ça et là. Ainsi, la gondole face à l’entrée, côté parking, est en partie dédiée au “zéro déchet”. Une affichette explique les partis-pris de la maison : « En lien avec notre démarche RSE, nous souhaitons mettre en avant des produits écoresponsables, vers un objectif “zéro déchet” ». A cela s’ajoute, pour chaque marque “sélectionnée” (Avril, Beau Terra, Capitaine, J’aime mes dents, Lamazuna, Les Petites choses et Ioumi Provence), un argumentaire sur l’origine des ingrédients et produits, les labels, etc. Plus loin, dans des bacs soldeurs, une promotion annonce “0 gaspi – 50 %”. Au fond, un inter comptoir est dédié au savon à froid Avril. Il ne s’agit pas de valoriser le nom de la marque, similaire à celui du titulaire, mais d’expliquer l’intérêt d’une telle saponification, rappeler qu’il est bio, vegan, fabriqué en France, installé dans un carton recyclable…

UN PROJET D’ENTREPRISE.

Ici, en toute modestie, on a commencé par agir… avant de dire. Dès son arrivée, le titulaire, un ancien de l’industrie qui a complété sa formation initiale par un Master « Politiques environnementales et développement durable », a rédigé un projet d’entreprise. Ce document d’une page structure ses valeurs autour de trois piliers : la qualité du service, le bien-être au travail et la responsabilité environnementale. Et pour aller plus loin, en 2020, il rejoint le mouvement “1 % for the planet”, pour lequel des entreprises décident de reverser 1 % de leur chiffre d’affaires à des associations écoresponsables. Dans la foulée, la Pharmacie Avril fait appel à une société spécialisée dans l’accompagnement des petites entreprises en matière de responsabilité sociétale, GreenScale. Ce travail (lire l’interview p. 15) a débouché sur un plan d’actions, avec une liste de points à améliorer, pour chacun desquels un membre de l’équipe a choisi de travailler en particulier. Le titulaire a, par exemple, pris la décision d’opter pour un fournisseur d’électricité verte, Enercoop. “20 % plus cher”, assume-t-il.

UN PAS APRES L’AUTRE.

La relation aux fournisseurs évolue également. Depuis son audit RSE et avant chaque éventuel référencement, la pharmacie Avril interroge systématiquement les marques sur l’existence ou non d’un rapport RSE dans leur entreprise, sur le lieu de production des produits et sur l’existence de labels ou certifications valorisant une démarche RSE. « C’est surtout sur les labels que nous pouvons jouer », reconnaît Thomas Avril. Il a, par exemple, fait rentrer La Maline, une marque de brosse à dents en bois à tête rechargeable de la société angevine J’aime tes dents… Mais, tous ne jouent pas le jeu. Ainsi, « le génériqueur EG n’a pas vraiment répondu », et Naturactive (Pierre Fabre) envoie encore “d’énormes cartons”, regrette Thomas Avril qui déclare « refuser systématiquement les PLV ». L’officine n’en compte effectivement aucune le jour de notre reportage fin avril. D’autres engagements se traduisent dans les choix commerciaux. L’offre de Sigvaris de bénéficier de meilleures conditions commerciales en achetant en direct n’a pas été retenue. Le titulaire préfèrant privilégier la centrale, une coopérative, mais aussi une livraison par la tournée habituelle. Faire venir un autre transporteur lesterait son bilan carbone ! Dans la même logique, il a choisi le fournisseur Haartman, « parce que sa production est réalisée en France ou en Europe ».

Reste que peu de gens de l’extérieur ont pris conscience de cet engagement pourtant hors du commun en officines. A commencer par la dirigeante de l’Intermarché mitoyen : « Ah oui, c’est vrai que Thomas vient chaque jour à vélo ! », en nous montrant le cargo électrique du pharmacien à la marque allemande Riese & Müeller sur le parking. Tout comme Stéphane aussi, un client, gestionnaire dans une mutuelle, reparti ce jour-là avec ses cinq boîtes dans les mains. « Je ne savais pas ! », s’exclame-t-il à propos de l’engagement sociétal de l’officine, mais visiblement pas dérangé par le fait qu’on l’ait servi sans lui donner de sac (l’officine n’en achète plus). « Je suis garé tout près », sourit le patient. Chacun fournit un effort. Et la santé de l’officine donne raison à son titulaire. Le chiffre d’affaires a grimpé de plus de 50 % en passant de 1,24 m€ au moment du rachat en 2017 à 1,9 m€ en 2021. La marge brute progresse aussi quelque peu. Comme la stratégie, la santé économique est au vert.

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ÉQUIPE

1 titulaire, 2 adjointes, 3 préparatrices, 1 élève préparateur

DATE DES TRAVAUX

Septembre 2017

INVESTISSEMENTS

170 k€ pour les travaux

SURFACE DE VENTE (avant/après)

21 m2/60 m2

CA 2021

1,9 M€

REPARTITION DU CA PAR TAUX DE TVA (HORS TESTS)

77 % de TVA à 2,1 %

10 % de TVA à 5,5 %

8,3 % de TVA à 20 %

4,7 % de TVA à 10 %

MARGE BRU TE 2021

30,9 %

Panier moyen 39 €

GROUPEMENT

Aelia (Cerp Bretagne Atlantique)

PRESENCE SUR INTERNET

Facebook, site prise rdv, scan ordonnance

SERVICES

Tests de dépistage Covid-19, vaccins, entretiens pharmaceutiques, PDA ambulatoire

OCÉANE PUECH

FONDATRICE DE GREENSCALE

En 2020, la pharmacie Avril a réalisé un audit RSE avec l’aide de GreenScale, société spécialisée dans l’accompagnement à distance des petites entreprises en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et d’écoresponsabilité.

Comment êtes-vous venue à intervenir pour la pharmacie Avril ?

J’ai rencontré Thomas Avril, dans le cadre du collectif “1 % for the planet” dont GreenScale fait partie, comme sa pharmacie. Sa demande portait sur la manière de passer à l’action. Nous lui avons proposé de réaliser une évaluation d’impact. Cela concerne à la fois l’environnemental et le sociétal. Ainsi, il a obtenu un état des lieux des forces et faiblesses de l’entreprise.

Justement, quelles sont ses forces ?

Par exemple, le fait que l’action soit portée par le dirigeant et ses valeurs, que l’entreprise soit déjà engagée auprès de “1 % for the planet”, que le titulaire se questionne pour chaque choix opérationnel, comme pour les achats…

Comment avez-vous impliqué les membres de son équipe ?

Notre évaluation réalisée en ligne se base sur huit questionnaires : les ressources humaines, la communication, la restauration, les locaux, les systèmes d’information, les achats, les risques et l’éthique, et enfin la démarche RSE (labels, etc.). A la pharmacie Avril, c’est Thomas Avril qui a tout rempli mais nous conseillons que la réponse soit rédigée par la personne de l’équipe la mieux informée sur le sujet. Cela permet d’impliquer aussi les plus concernées. Poser des questions permet souvent une première prise de conscience. Et une fois les questionnaires récupérés, nous avons réalisé un point avec le titulaire à l’issu duquel nous lui avons présenté un rapport de notre état des lieux. Puis, nous avons exposé une diversité de propositions, que nous avons ensuite affinée au cours d’un atelier avec toute l’équipe. De là, sont sorties 22 actions. Il s’agit de choses praticopratiques qui permettent d’avancer. Pas dans cinq ans, mais dès le mois suivant !