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PHARMACIE DURABLE

Publié le 14 janvier 2012
Par Isabelle Guardiola
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Que signifie mener une politique de développement durable dans une pharmacie ? Pour Josiane Corneloup et son équipe, cela consiste à placer le patient au cœur du système de santé.

Très sensible à la prévention et à la prise en charge globale depuis qu’elle exerce, Josiane Corneloup, titulaire à Saint-Bonnet-de-Joux, commune de 850 habitants de Saône-et-Loire, est aussi investie dans la vie publique de sa commune. Adjointe au maire depuis 1986, elle s’est beaucoup impliquée dans les services d’aide à domicile et d’aide à la personne âgée : « J’ai naturellement orienté l’officine vers une notion de service public », explique Josiane Corneloup. Partageant les idées de Lucien Bennatan, président du groupe PHR, sur les actions de prévention et de dépistage auprès de la population et sa vision de l’officine, elle adhère à Pharma Référence.

Voici deux ans, PHR proposait une journée de formation sur le label « Pharmacie durable » créé en 2009 et validé début 2010 par Bureau Veritas Certification France. Pour le groupement, le développement durable dépasse le seul souci environnemental et s’appuie sur l’appel à la « responsabilité sociétale des entreprises » impulsé par la Commission européenne. Selon PHR, le pharmacien, par sa mission et ses fonctions, a un rôle primordial à tenir parce que « la santé est un objectif mais également un préalable indispensable ». Audrey Blanchard, préparatrice nouvellement arrivée à l’époque, a suivi la formation et en a fait un retour enthousiaste à l’équipe, composée d’une adjointe et de trois préparatrices. « Le compte rendu de cette journée a été un élément déclencheur pour s’engager dans la démarche de labellisation », explique Josiane Corneloup. Audrey a donc été désignée pour suivre le projet, qui s’échelonne en trois étapes sur une année : un diagnostic de la situation actuelle et le choix d’actions prioritaires à engager, un audit à mi-chemin et la labellisation. La Pharmacie Corneloup devient « Pharmacie durable » en juillet 2011, aux côtés de dix autres pharmacies. « Trois d’entre elles ont été auditées par un organisme certificateur, détaille Audrey Blanchard. Si une seule d’entre elles n’avait pas rempli le cahier des charges, aucune n’aurait obtenu le label. »

Communiquer pour mieux soigner

Le référentiel du candidat à la labellisation s’articule en trois volets : santé, responsabilité sociale et responsabilité environnementale. Dans le domaine de la santé, certaines actions prioritaires du référentiel étaient déjà effectives dans la pharmacie de Josiane Corneloup : prise en charge des patients bénéficiant de la couverture maladie universelle, boîtes de préservatifs à 2 euros… D’autres vont être améliorées durant la démarche de labellisation. Et l’équipe proposait déjà, tous les vendredis matin, des actions de dépistage et de prévention : prise de tension, dosage du cholestérol et dépistage du diabète. Elle va à présent plus loin en proposant des thèmes de santé publique, à l’occasion de la Journée mondiale du diabète par exemple : « Nous avons réalisé un petit questionnaire sur le sujet, soixante-quinze clients y ont répondu !, rapporte Emmanuelle Perrier, adjointe. Cela a été l’occasion de vérifier leurs propres connaissances, pas toujours précises, et de les sensibiliser à la maladie et à nos actions afin de leur proposer de rencontrer la diététicienne, présente une matinée par mois à l’officine. »

Autre thématique approfondie, celle de l’urgence. La pharmacie s’est équipée d’un défibrillateur et a constitué une trousse d’urgence mobile très complète. « Nous souhaitons agir en prévention et en premier recours », souligne Josiane Corneloup. Dans le même esprit, la procédure mise en place pour la délivrance de contraception d’urgence a été repensée : le document sur les risques des infections sexuellement transmissibles fourni au patient a été conçu par l’équipe dans son ensemble.

La préparation de la labellisation a été l’opportunité de repenser l’accueil du patient. L’équipe a listé, en s’appuyant sur le référentiel, douze questions à poser à la personne se présentant pour un conseil : « Est-ce pour vous ? », « Depuis quand avez-vous les symptômes ? », « Avez-vous déjà pris un traitement pour cela ? », « Présentez-vous des contre-indications ? », « Etes-vous soigné pour d’autres pathologies ? »… La liste, qui est affichée dans l’officine, permet à toutes de tenir le même discours. « Nous avons harmonisé nos pratiques. Cela a permis aux moins expérimentées de se sentir plus à l’aise au comptoir. » La titulaire souligne combien les compétences de chacune se sont développées avec le projet : « Nous avons réfléchi à la façon d’apporter un mieux-être aux patients. L’une de nous a ainsi suivi une formation pour mieux accompagner ceux souffrant d’un cancer. »

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Autre proposition de service, Josiane Corneloup et ses collègues délivrent une « ordonnance-conseil » à la personne achetant un médicament en automédication. Le carnet à souches se compose d’un original remis au client, qu’il conserve en vue d’une prochaine visite, et d’un double pour la pharmacie. Enfin, cette prise en charge globale passe par des relations très étroites entre professionnels de santé, notamment dans le cadre d’un maintien à domicile, mode de prise en charge des malades fréquent dans la commune. L’équipe fait la démarche de contacter les professionnels de santé, d’échanger avec eux lors de leur passage à l’officine pour évoquer un risque de dénutrition, prévenir des escarres… « J’espère que demain nous instaurerons des miniréunions de concertation entre professionnels », projette Josiane Corneloup, se remémorant son passé d’ancienne coordinatrice du service d’aide à domicile. A l’instar des équipes intervenant à domicile, la pharmacie tient d’ailleurs un « carnet de liaison » pour mieux suivre les patients.

Un volet social et environnemental

C’est sur le volet social que le plus d’actions nouvelles ont été entreprises. Outre des réunions internes pour réfléchir à l’amélioration des projets en cours, le suivi individuel de chaque salarié a été amélioré : fiches de poste détaillées, bilan annuel d’évaluation approfondi, e-learning et, dès l’année suivant l’obtention du label, formations extérieures… Le projet repose également sur une équité salariale et des emplois du temps et comporte un dispositif de motivation (prime pour l’obtention du label ou en fonction d’objectifs, chèques-cadeaux…).

Dans le domaine environnemental, certains gestes écologiques étaient déjà pratiqués : récupération des cartouches d’imprimante, économie de papier, d’eau et d’énergie, don de sacs réutilisables aux clients, collecte des DASRI… Avec la labellisation, de nouvelles habitudes ont été instaurées : incitation des fournisseurs à s’engager dans des actions de développement durable, proposition à la vente d’au minimum trois gammes bio comprenant cinq produits… Audrey compile dans un classeur les documents détaillant les engagements de l’officine et les moyens mis en œuvre : fiche de vérification de la trousse d’urgence mobile, tableau de vérification du défibrillateur, alertes sanitaires, attestation d’appartenance à un réseau, comptes rendus des réunions internes et des formations, entretiens individuels, fiches de paie, etc. « Un double est scanné dans l’ordinateur, précise Audrey. Cela nous aide à savoir où nous en sommes car le label n’est pas acquis : pour obtenir son renouvellement dans trois ans, nous nous sommes fixé une dizaine d’actions par an à mener. » Au programme : assistance des personnes pour organiser leur armoire à pharmacie, achat de produits d’entretiens essentiellement bio ou encore production par la titulaire d’un document évaluant les risques des salariés.

Josiane Corneloup en 5 dates

• 10 septembre 1982 Diplôme à Clermont-Ferrand.

• Novembre 1983 Rachat de l’officine de Saint-Bonnet-de-Joux, sa commune de naissance.

• 20 juin 1991 DU d’orthopédie.

• 2008 Adhésion à Pharma Référence.

• Juillet 2011 Labellisation « Pharmacie durable » et « Qualité ».

Si vous avez envie d’essayer

Les avantages

• Remettre en question ses pratiques.

• La reconnaissance par un référentiel et par le public.

• Se différencier.

• Un projet fédérateur.

Les difficultés

• Les réunions, les formations et le comptoir prennent du temps.

• La difficulté de mobiliser les partenaires extérieurs dans la même démarche.

Ses conseils

• Bien cibler les besoins de la population et penser à tous les publics : personnes âgées, parents, femmes enceintes…

• Aménager les locaux pour mener les actions.

• Adhérer à un groupement cadrant la démarche.

L’AVIS DE L’ÉQUIPE

« Ce qui nous plaît, c’est d’instaurer un lien de confiance et de connaissance avec nos patients, livre Josiane Corneloup. Nous partageons les mêmes motivations sur le service, le dépistage, l’éducation des patients et nous ne sommes pas là juste pour vendre des médicaments mais aussi pour écouter et rassurer les patients. A cet égard, la labellisation “Pharmacie durable” nous a donné des atouts pour structurer davantage l’information que nous délivrons. Et, au final, c’est une image plus proche du pharmacien qui s’établit. »