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Faites-en des stars

Publié le 31 août 2018
Par Yves Rivoal
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Globalement, le marché des marques de distributeurs (MDD) marque le pas. Cela n’empêche pas les groupements de continuer à investir sur ce segment qui conserve un réel potentiel de développement. A condition de jouer le jeu et de mettre ces produits dans la lumière.

En difficulté dans la plupart des circuits de distribution (voir page 25) les MDD marquent aussi le pas à l’officine. Au 30 avril 2018, le CA annuel en valeur des marques de distributeurs au sein des 5 240 pharmacies du panel Ospharm Datastat était de 14,7 M€, en légère progression de 0,13 % sur un an. « Cette stagnation masque toutefois une progression importante des volumes qui ont, eux, bondi de 12,15 % pour atteindre près de 3 millions d’unités vendues », précise Patrick Guillien, responsable Solutions Clients d’Ospharm. Les chiffres sont tout aussi contrastés du côté du panel Iqvia, qui regroupe, une toute autre communauté, de 14 000 officines. Le CA des MDD en 2017 ressort à 216 M€, en baisse de 2,3 % sur un an. Mais lorsque l’on rentre dans le détail, on s’aperçoit que les évolutions ne sont pas les mêmes dans toutes les catégories. « Les produits avec AMM et les produits éthiques (PMO) baissent respectivement de 8,4 % et 10,1 % sur un an, observe Aurélien Belluye, Engagement Manager au sein de l’équipe Conseil Consumer Health d’Iqvia. A contrario, le CA Consumer Health, qui regroupe des produits sans AMM, l’OTC, ainsi que des produits remboursés et non remboursés, a, lui, progressé de 2,1 % pour atteindre 145 M€. »

Des strategies offensives Les groupements s’activent

Dans ce contexte très incertain, les investissements dans les MDD ne faiblissent pas, et les stratégies évoluent. Avec en fil conducteur, la qualité, condition sine qua non pour qu’un pharmacien accepte de référencer une MDD. Autre tendance lourde : la naturalité et le bio qui sont au menu de la plupart des nouveaux lancements. Pour continuer à développer son offre qui comprend plus de 700 références dans l’univers du remboursé et du non rembourssé, Evolupharm va ainsi revoir le positionnement de certaines références pour mieux coller aux attentes des clients-patients en matière de naturalité. Le laboratoire du groupement s’apprête aussi à investir des catégories inexplorées au rythme d’une douzaine de lancements par an. Le développement du portefeuille est également à l’ordre du jour chez PHR qui propose, deux ans après son arrivée sur ce marché, un catalogue de 127 références incluant une gamme d’orthopédie et trois médicaments OTC : l’ibuprofène, la lopéramide et la vitamine C. « D’ici le premier trimestre 2019, nous allons quasiment doubler notre offre en lançant une centaine de nouvelles lignes dans des univers comme la contention, l’OTC, les huiles essentielles bios ou les compléments alimentaires bios, confie Lucien Bennatan, le président de PHR qui dispose d’un atout de taille pour passer à la vitesse supérieure. Le rachat par l’OCP va nous permettre d’accéder au catalogue du groupe McKesson. Je peux par exemple d’ores et déjà vous annoncer qu’en mars prochain, nous lancerons la gamme solaire Solero au sein de notre réseau. »

REMISE à plat.

Pour continuer à avancer, des groupements comme Giphar ou PharmaVie ont décidé de tout remettre à plat. Ce dernier a, ainsi, arrêté la production de ses génériques Isomed et abandonné sa marque de dermocosmétique Bconcept en 2014, « parce que vouloir concurrencer des marques comme Avène ou La Roche-Posay n’était plus réaliste, notamment parce qu’il était de plus en plus compliqué de se différencier de manière significative sur les prix », souligne Laurence Dubois, directrice du développement commercial et des partenariats de PharmaVie. Le travail de refonte de l’offre a donné naissance à un nouveau catalogue de 186 références structurées autour de deux marques : PharmaVie et Pharmaprix. Dans la première, on retrouve l’offre en aromathérapie et nutrithérapie, qui fêtera son 20e anniversaire l’an prochain. Dans la seconde, tous les produits d’hygiène, de bien-être, et de premiers soins qui se distinguent par des formulations de qualité et des prix agressifs. « La nutrithérapie reste au cœur de notre stratégie, explique Laurence Dubois. Une dizaine de nouveaux lancements sont d’ores et déjà programmés pour l’année prochaine, avec notamment des compléments alimentaires orientés prévention. » Le groupement vient également de relancer sa gamme d’aromathérapie en ne conservant que les 20 % de références qui concentrent 80 % du CA.

Plus de valorisation Les points de vente se théatralisent

Le prix et les animations commerciales restent le premier levier de mise en avant des MDD sur le point de vente. Et dans ce domaine, les stratégies sont loin d’être uniformes. Chez Elsie Santé, les MDD sont vendues entre 30 et 40 % moins chères que les leaders de la catégorie. Chez Giphar, le différentiel oscille plutôt entre 15 et 25 %, « l’écart se réduisant pour les produits qui n’apportent pas de réelle valeur ajoutée, et qui sont aussi les plus bataillés en termes de prix », précise Agnès Tirilly, la directrice marketing et communication de la coopérative. Malgré des prix tirés vers le bas, les MDD continuent toutefois de répondre aux attentes des pharmaciens en matière de marge. En fonction des catégories, elle oscille entre 20 et 60 %, voire plus dans certains cas !

MERCHANDISING repensé.

Côté merchandising, les MDD sont traitées comme toutes les autres marques au sein du réseau Lafayette. « Notre stratégie, c’est de continuer à travailler avec les grandes marques nationales avec qui nous avons signé des partenariats, et d’apporter en même temps avec nos MDD de la différenciation, de la complémentarité et de l’innovation », explique Pascal Fontaine, directeur commercial de Lafayette Conseil. Dans leur officine à Aurillac, Géraud Mézard et son épouse Claire ont adopté une double stratégie pour exposer les MDD de leur groupement PharmaVie. « Dans le rayon nutrition, elles sont placées sans mise en avant particulière, mais au meilleur endroit, en plein milieu, entre PiLeJe et Nutergia. Il faut donc fermer les yeux pour ne pas les voir », explique le titulaire. Pour les MDD Pharmaprix, un dispositif différent a été imaginé. « Elles sont là encore positionnées à côté ou en dessous des leaders, mais en grande quantité afin de jouer sur l’effet de masse. » Si les MDD n’ont pas vocation à supplanter les grands laboratoires, il faut toutefois leur faire de la place dans des rayons qui ne sont pas extensibles. « Ce que nous conseillons à nos 2 000 pharmaciens, c’est de rationaliser leur assortiment en se concentrant sur la MDD et un ou deux laboratoires leaders que l’équipe connaît bien et sait conseiller », souligne Christian Grenier, le président de Népenthès.

PUBLICITÉ sur le point de vente.

La PLV est enfin mobilisée pour mettre en avant les MDD en vitrine et sur les points de vente. Pour le lancement de sa gamme L’Instant Bébé, Giphar avait mis à la disposition de ses pharmaciens un présentoir dédié, des stops rayon et des leaflets. « Mais après les périodes de lancement, et en dehors des opérations d’animations, nos MDD sont présentées dans les linéaires au milieu des autres marques, selon les préconisations merchandising de chaque univers », confie Agnès Tirilly.

Une communication indispensable Les efforts divergent

En matière de communication, les stratégies varient là encore du tout au tout. Evolupharm est le seul acteur à faire de la publicité à la télévision, avec des campagnes décalées, orientées à 100 % sur ses MDD et basées sur son égérie Sébastien Chabal. « Cette année, nous avons décidé d’augmenter la cadence en passant de deux à trois campagnes de trois semaines consécutives sur France Télévisions et des chaînes de la TNT en avril, en juillet, pendant le Tour de France, et en novembre », confie Jean-Pierre Juguet, directeur marketing d’Evolupharm. Et cela fonctionne comme l’explique Roland Thiaux, co-titulaire avec Christine Troussard, de la Pharmacie des Ecoles à Poissy. « Il nous est arrivé de multiplier les ventes par deux ou par par trois après la diffusion de spots qui visaient pourtant des produits techniques comme le complément alimentaire Soyez Tonique. » A contrario, Alliance Healthcare Répartition n’a pas vocation à miser des moyens comparables à ceux déployés par les laboratoires. « Investir dans de la publicité en dehors de la pharmacie affecterait la rentabilité de nos marques, et nous devrions le répercuter sur les pharmaciens, ce qui n’est pas l’objet des marques propres », précise Olivier Marco, directeur marketing d’Alliance Healthcare France (groupement Alphega).

Publicité

NUMÉRIQUE à fond.

L’essentiel de la communication sur les MDD se concentre donc sur le digital, domaine où Evolupharm a aussi décidé de changer de braquet. « Nous avons acheté des mots-clés sur Google et des espaces publicitaires sur les sites Internet les plus fréquentés comme Doctissimo pour offrir plus de visibilité à nos MDD », confie Jean-Pierre Juguet. Le réseau Lafayette a, lui, décidé de concentrer sa communication sur les sites Internet dédiés à ses marques comme dermorens. fr. « Nous sommes en effet persuadés que les meilleurs vecteurs de communication restent le bouche-à-oreille et le conseil de nos pharmaciens », souligne Pascal Fontaine qui résume, là, l’opinion de la plupart des acteurs. Enfin, les équipes de commerciaux se chargent, elles aussi, de propager la bonne parole comme le confirme Laurence Dubois de PharmaVie. « Nos 18 responsables développement conseil et deux formateurs visitent les pharmacies une fois tous les deux mois. Ils en profitent pour leur présenter les nouveautés MDD, et pour donner des conseils aux équipes sur l’argumentaire a déployer auprès des clients pour mieux les vendre. »

Un conseil essentiel Il conditionne le succès

De fait, le développement des MDD à l’officine se joue en grande partie sur la capacité des pharmaciens à conseiller ces dernières. Dans son officine, Roland Thiaux joue le jeu en orientant systématiquement ses clients vers les produits Evolupharm. « A quelqu’un qui vient pour du Stérimar, nous proposons toujours Seromer Physio, le spray mer du laboratoire Evolupharm, souligne le titulaire. Et dans 80 % des cas, ça marche car après lui avoir expliqué que les formules et les effets sont rigoureusement identiques, l’argument de la différence du prix achève le travail. » Co-titulaire avec Isabelle Huet de la Pharmacie du Clocher à Massy, Lionel Rollot applique, lui, une stratégie différenciée en fonction des situations. « Lorsqu’un patient nous dit qu’il veut une boîte de Nurofen 400 parce qu’il a la migraine, nous lui apportons la boîte et en même temps, la MDD de Népenthès. En lui expliquant que comme un générique, ce produit comprend exactement les mêmes actifs, la seule différence étant qu’il coûte 1,50 € moins cher. Dans 50 % des cas, les clients choisissent la MDD », confie le pharmacien. Autre scénario : « lorsqu’un patient arrive en disant qu’il souhaite faire une cure de magnésium et nous demande quel produit prendre, l’équipe l’oriente systématiquement vers Nep Magnesium, et dans 90 % des cas, il adhère à la proposition car on est dans le conseil pur, et nos clients nous font confiance. »

Ce conseil est en général plutôt bien perçu par les clients. Pour une raison toute simple : 9 clients sur 10 ne savent pas qu’il s’agit d’une MDD. « Nous n’employons jamais ce terme de MDD, précise Lionel Rollot. Nous nous contentons de dire qu’il s’agit d’un produit conçu par le groupement de la pharmacie, de qualité équivalente aux grands laboratoires, mais à un prix inférieur. Et plus le temps passe, plus les clients les achètent spontanément. D’ailleurs, nous ne conseillons quasiment plus les produits du quotidien comme les gels douche ou les shampoings car les clients se servent eux-mêmes dans les rayons. » Titulaire de la pharmacie Giphar qui porte son nom à Carquefou, Géraldine Noury-Pépion observe même une forme d’attente, voire d’impatence, chez ses clients. « Ceux qui étaient très attachés à la marque Dermactiv nous demandent souvent quand sera lancée la nouvelle gamme. »

RENTABILITÉ au rendez-vous.

Lorsqu’elle est appliquée, cette stratégie systématique de conseil des MDD produit des résultats. Dans son officine, Jérôme Cattiaux, titulaire de la Pharmacie du Pont Michelet, à Cambrai voit les courbes s’inverser. « Depuis que l’on privilégie le conseil sur le magnésium du groupement au détriment des leaders comme Mag 2, les ventes de notre MDD ont fortement progressé pour dépasser celles des grands laboratoires. » Dans l’officine de Géraud Mézard, les MDD génèrent 8 % de l’activité et 12 % de la marge. « Et sur certains segments comme la nutrithérapie ou les compléments alimentaires, les produits à la marque PharmaVie sont même passés devant PiLeJe et Nutergia pour atteindre près de 40 % des ventes ».

Mais la part de marché des produits à la marque dans le circuit officinal reste toutefois faible. « Si l’on considère que les MDD représentent aujourd’hui 44 % des volumes du commerce en France, ajoute Christian Grenier, la pharmacie a encore du chemin à parcourir pour arriver au même niveau de maturité que les autres circuits de distribution. Notre travail dans les années à venir consistera donc à faire comprendre aux pharmaciens que le circuit officinal n’aura pas d’autre alternative que d’emprunter ce chemin pour capter demain 25 % de parts de marché. » Et en matière de distribution numérique, si l’on excepte Giphar et Lafayette, où la totalité des 1 350 et des 150 officines référence les MDD, il y a encore du grain à moudre chez tous les autres.

Témoignages

Jérôme Cattiaux Titulaire à Cambrai (59)

Roland Thiaux Co-titulaire à Poissy (78)

Géraldine Noury-Pépion Titulaire à Carquefou (44)

Géraud Mézard Co-titulaire à Aurillac (15)

Lionel Rollot Co-titulaire à Massy (91)

LES EXPERTS

Lucien Bennatan PRÉSIDENT DE PHR

Laurence Dubois DIRECTEUR DU DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL ET DES PARTENARIATS DE PHARMAVIE

Anas Dupuy EXPERTE HYGIÈNE BEAUTÉ CHEZ KANTAR WORLDPANEL

Pascal Fontaine DIRECTEUR COMMERCIAL DE LAFAYETTE CONSEIL

Jean-Pierre Juguet DIRECTEUR MARKETING D’EVOLUPHARM

Emmanuel Lataste PRÉSIDENT D’ELSIE SANTÉ

Olivier Marco DIRECTEUR MARKETING D’ALLIANCE HEALTHCARE FRANCE

Emily Mayer STRATEGIC BUSINESS DIRECTOR CHEZ IRI

Agnès Tirilly DIRECTRICE MARKETING ET COMMUNICATION DE GIPHAR

IDENTITÉ

Pour mieux différencier ses MDD sur le point de vente, Giphar a conçu des étiquettes spécifiques. Pour L’Instant Bébé, le rose rappelle la couleur des packs. Idem pour le vert des compléments alimentaires…

Opportunité

Des nouveaux entrants ambitieux

Positionné depuis deux ans sur le marché des MDD, le réseau Lafayette mise sur une promesse de naturalité avec un catalogue de 250 références réparies sur quatre marques : Aromaya, Cphyto, Authentine et Dermorens. « D’ici à la fin de l’année, nous lancerons encore cinq nouvelles gammes », annonce Pascal Fontaine, le directeur commercial de Lafayette Conseil. Du côté d’Elsie Santé, l’heure est aussi à l’accélération. « Après avoir lancé en début d’année notre gamme GoPhyto qui comprend 62 références essentiellement bios, une dizaine de nouveaux lancements sont programmés d’ici à la fin de l’année sur l’aromathérapie, les produits de soins, l’hygiène… », confie Emmanuel Lataste, le président de ce groupement qui fédère 26 officines de plus de 6 M€ de CA. Les ambitions affichées sont très élevées. « Notre objectif, c’est que dans nos 150 pharmacies, les MDD prennent entre 20 et 40 % de parts de marché, confie Pascal Fontaine. Un challenge loin d’être irréaliste si l’on considère qu’Aromaya et Authentine concentrent déjà 40 % des ventes. » De son côté, Elsie Santé vise 10 % de parts de marché pour GoPhyto d’ici à la fin de l’année.

11 %

telle serait la part de marché des MDD sur les 9,2 Md€ générés en 2017 sur le segment du non remboursé. Source : Iqvia, mars 2018

RÉFLEXE

Dans l’officine de roland thiaux, l’orientation systématique vers les MDD porte ses fruits. Un tiers de l’activité non remboursés et de l’OTC est généré par les produits Evolupharm.

Habitudes

Des freins à lever

Pour Olivier Marco, directeur marketing d’Alliance Healthcare France, le premier frein au développement des MDD à l’officine est lié au statut du pharmacien en France. « Tant que ces derniers resteront attachés à leur indépendance, le développement des marques propres restera limité, car c’est dans les pays où les chaînes de pharmacies occupent une place prépondérante que l’on observe un alignement des officines sur les autres circuits de distribution. » Pour Lucien Bennatan, le président de PHR, le décollage des MDD à l’officine passera donc par un changement culturel. « La plupart des pharmaciens ont pris la mauvaise habitude de ne vendre que ce que leurs clients connaissent. Or, les modes de consommation changent. Les clients ne sont plus dans l’achat marketing. Ils viennent désormais chercher des solutions, peu importe la marque. » La taille des officines constitue un autre obstacle pour Jean-Pierre Juguet, directeur marketing d’Evolupharm. « La grande majorité des officines fait aujourd’hui moins d’1 M€ de CA, et avec une répartition orientée à 80 % sur le médicament. Tout cela laisse peu de place au développement des MDD. »

3 610

références de MDD sont vendues en pharmacie. 53 % sont des dispositifs médicaux, 25 % de la dermo, 19 % de l’OTC et 3% de la nutrition. Source : Iqvia, mars 2018

AILLEURS

La MDD des GMS en pleine mutation

Après des années de forte croissance, les MDD marquent le pas dans la plupart des circuits de distribution. Ce qui incite la plupart des acteurs à adapter leur positionnement.

Tous les indicateurs sont à la baisse. Au sein de Kantar Worldpanel, qui analyse le comportement de 35 000 individus dès qu’ils achètent un produit dans n’importe quel circuit de distribution, la tendance n’est pas pas au beau fixe pour les MDD généralistes de Carrefour ou Leclerc dans l’univers de l’hygiène et de la beauté. « Que ce soit sur le nombre d’unités achetées (10,8), le budget d’achat (15,9 €) ou la fréquence des achats (6,2 par an), les MDD sont en recul depuis au moins trois ans », constate Anas Dupuy, experte hygiène beauté chez Kantar Worldpanel. IRI, le cabinet d’études spécialisé dans les produits de grande consommation, dresse le même constat pour les marques de distributeurs en grandes surfaces alimentaires. « Dans tous les circuits que nous couvrons, elles sont à leur plus bas niveau en termes de parts de marché depuis quatre ans. Sur le dernier exercice, elles représentaient 32,6 % de parts de marché contre 33,2 % en 2016. » Pour Emily Mayer, Strategic Business Director chez IRI, ce retournement de tendance est dû à la guerre des prix qui sévit depuis quatre ans. « Les grandes marques nationales ont vu leurs prix chuter sous la pression des distributeurs, ce qui a considérablement réduit l’attractivité des MDD. » Ce sont d’ailleurs les MDD économiques, positionnées en entrée de gamme pour concurrencer les produits low-cost, qui ont le plus souffert. « Elles ont perdu 8,2 % de CA en 2017 et ne représentent plus aujourd’hui que 2 % de parts de marché, note Emily Mayer. Elles sont d’ailleurs désormais complètement délaissées par les enseignes. »

Dans un environnement en pleine mutation, certains arrivent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Lidl avec Cien, une gamme de cosmétique qui couvre les segments de l’hygiène, de la beauté et des soins. Ces dernières années, la marque a été récompensée dix fois lors des Victoires de la Beauté, devant tous les grands laboratoires. Ce succès illustre le changement de positionnement opéré par l’enseigne en 2012. Pour se défaire d’une image associée au hard-discount, Lidl, qui propose 90 % de MDD dans ses magasins, a pris le virage du soft-discount avec un credo : proposer des produits de qualité au prix le plus juste afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. « 90 % de nos cosmétiques sont fabriquées en Allemagne avec une attention toute particulière portée à la qualité qui est contrôlée en permanence », confie Michel Biero, le gérant Achats de Lidl France. Pour promouvoir sa marque, l’enseigne a repris les codes des grands laboratoires de dermocosmétique. « En 2016, lorsque nous avons fortement investi dans la marque, c’est l’ex Miss France Malika Ménard qui incarnait la gamme dans nos spots de télévision, sur les réseaux sociaux et les sites Internet. »

La chaîne s’appuie aussi beaucoup sur des blogueuses pour tester ses produits. « Cette stratégie a permis à Cien de gagner en notoriété et en crédibilité dans l’univers beauté. Le bouche-à-oreille a fait le reste… », conclut Michel Biero.

DOUBLE IMPLANTATION

La titulaire Géraldine Noury-Pépion place le présentoir de l’Instant Bébé en permanence sur l’allée qui mène aux comptoirs. La gamme de Giphar est aussi présente dans le rayon bébé.

L’ESSENTIEL

→ Comme dans les autres circuits de distribution, les MDD marquent le pas à l’officine. Ce qui n’empêche pas les acteurs de continuer à investir.

→ Les MDD permettent à un pharmacien de se différencier avec des produits exclusifs, moins chers que les laboratoires nationaux, mais fortement contributeurs en marge.

→ La plupart des nouveaux lancements privilégient la naturalité afin de répondre aux attentes des consommateurs.

→ Le succès des MDD repose en grande partie sur la capacité des équipes à les conseiller en priorité.

→ La part de marché des MDD à l’officine reste faible, loin des standards des autres circuits de distribution. Leur potentiel de développement reste donc très important.