Déprescription, dispensation à l’unité : ce que veulent les étudiants, futurs pharmaciens
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Déprescription, dispensation à l’unité : ce que veulent les étudiants, futurs pharmaciens

Publié le 22 mars 2024
Par Christelle Pangrazzi
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Lysa Da Silva est présidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). Elle porte avec les membres de l’association l’envie d’une pharmacie plus « verte ». Un projet ambitieux passant, selon elle, nécessairement par la déprescription. Entretien.

L’enjeu environnemental est-il suffisamment traité dans les négociations conventionnelles ?

Nous avons eu un groupe de travail consacré à la transition écologique. Nous pensons nécessaire de pousser davantage l’engagement du pharmacien et des équipes officinales sur ces problématiques précises lors des négociations conventionnelles. Il est important d’inclure une dimension écologique à chacun des travaux et aspects de la négociation*.

Quelles mesures concrètes souhaiteriez-vous voir apparaître ?

Aujourd’hui, la dispensation adaptée et la déprescription sont des leviers puissants pour agir sur l’environnement. Durant toute leur « phase de vie » – fabrication, emballage, déchets -, les médicaments polluent énormément. Ils engendrent aussi des phénomènes d’antibiorésistance. Il faut penser One Health et santé globale, et en ce sens donner les moyens aux pharmaciens de prendre le temps de sensibiliser pour anticiper les problématiques de santé environnementale et publique (pollution de l’air intérieur, perturbateurs endocriniens, diverses résistances…). Faire de la prévention évite d’engendrer du soin plus lourd et plus coûteux au bilan carbone non négligeable. Autre volet à développer : la déprescription. Autoriser le pharmacien à accomplir cet acte limiterait le volume de médicaments en circulation et donc la surproduction. Il s’agit d’un process extrêmement vertueux pour l’environnement, le bien-être du patient, la santé publique tout en suscitant de substantielles économies pour l’Assurance maladie. Le Québec fait figure de modèle en la matière : le pharmacien est pleinement considéré comme « l’expert du médicament », il est donc libre de déprescrire ou prescrire s’il le juge utile. Enfin, il nous paraît essentiel d’accompagner l’officine vers davantage de RSE, notamment via des formations pour de réduire l’impact carbone de notre profession.

Quelle est votre position sur la dispensation à l’unité ?

Elle reste intéressante sur les antibiotiques face aux ruptures. Pour autant, ce dispositif est difficilement généralisable à tous les médicaments. Comme l’ensemble de nos pairs nous faisons le constat d’un boîtage inadapté au regard des recommandations sanitaires. Par exemple, la prednisolone se présente sous forme de boîtes de 20 comprimés. Or, la plupart des prescriptions se limitent à trois comprimés par jour pendant trois jours. Nous délivrons donc une boîte de 20 comprimés pour 9 médicaments nécessaires. Nous avons commencé à évoquer ce problème avec des industriels. Leur frein tient à la multiplicité des recommandations sanitaires européennes : les posologies et durée de traitement varient d’un pays à l’autre. Pour autant, lors de nos échanges, les fabricants du médicament ne se sont pas montrés fermés à l’idée de revoir leur boîtage. Pour eux, cette option présente aussi l’avantage d’être moins onéreuse qu’une présentation pour une dispensation unitaire.

La transition écologique est-elle en train de modifier l’essence du métier de pharmacien ?

Oui. Jusqu’à présent le métier de pharmacien était totalement associé à la délivrance de médicaments aujourd’hui c’est de moins en moins le cas. Depuis la période post-covid, les nouvelles missions se multiplient. Mais pour inciter les pharmaciens à les développer, elles doivent être valorisées afin de susciter l’envie de se les approprier. Notre rôle change mais cette « métamorphose » doit être accompagnée et appuyée par les pouvoirs publics.

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