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Un leader qui fait grandir son équipe

Publié le 1 juin 2024
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Les pharmaciens titulaires ont tout intérêt à identifier et cultiver le potentiel de chacun de leurs collaborateurs, d’être à leur écoute pour capitaliser sur leurs envies et les valoriser. Pour leur bien-être personnel et celui de l’officine.

Dans la lutte contre le turn-over, le titulaire d’une officine dispose d’une arme efficace : le management. Il s’agit de gérer un ensemble d’individualités qu’il va falloir aider à grandir. Le pharmacien avisé va permettre à chaque collaborateur de développer ses aptitudes pour s’épanouir dans son travail. « Il doit faire monter en compétences ses collaborateurs et les aider à apprendre », complète Thibault Winka, pharmacien et directeur général associé de la plateforme de recrutement en pharmacie Team Officine. Voici l’ère du manager coach, qui choisit de mettre de côté son expertise pour accompagner ses collaborateurs dans le développement de leurs compétences, dans la découverte de leurs propres solutions et façons de faire.

Partager sa vision et donner du sens.

Pour mieux embarquer ses équipes, le manager coach va « partager sa vision du métier et celle qu’il a de son officine avec son équipe », affirme Sophie Gillardeau, pharmacienne coach. C’est ce qu’a fait Arnaud Durand, titulaire d’une officine qui emploie 22 personnes à Quétigny (Côte-d’Or) et membre du groupement Pharmavie. « Lorsqu’en 2011, après avoir travaillé seul en officine, j’ai repris cette pharmacie qui comptait une quinzaine de collaborateurs, je me suis beaucoup interrogé sur le management, se souvient-il. Je me suis documenté, j’ai suivi des formations. J’ai réfléchi à la raison d’être de ma pharmacie et j’ai posé les premiers jalons de mon management. Une fois mon plan stratégique défini, j’ai fait une réunion d’équipe pour l’exposer, dire ce que je voulais que représente mon officine. J’ai senti qu’ils adhéraient à mes propos. Ensemble, nous avons ensuite défini nos actions. »

Une fois le projet clair pour tous, le manager coach va devoir accompagner ses collaborateurs sur deux pans : développer leur savoir-être et leur savoir-faire, en fonction de leurs appétences. « Il s’agit de bâtir des plans de formation personnalisés », explique Sophie Gillardeau. Sans perdre de vue la finalité. « L’officine n’est pas un lieu de formation, c’est une entreprise et ce qu’on apprend à son équipe doit servir à la faire grandir », souligne Jean-Michel Pourtier, formateur dans le secteur de la santé et expert en sciences du comportement.

Personnaliser les tâches.

Sophie Gillardeau suggère, en premier lieu, de « former les équipes à l’évolution du métier car il y a plus de 80 tâches à réaliser en officine et, en général, seules une vingtaine de tâches sont véritablement effectuées. Les autres le sont plus ou moins ». Selon elle, très peu de pharmaciens réalisent des entretiens pharmaceutiques ou des bilans de médication. « Beaucoup considèrent qu’ils manquent de temps. » Le titulaire, précise-t-elle, doit « déléguer en fonction des aptitudes, des compétences, et pas des diplômes. L’un sera un vrai “Vidal sur pattes”, très bon au comptoir ou au contrôle des délivrances, tandis qu’un autre sera parfait en conseil et animation de la parapharmacie ». Arnaud Durand a ainsi défini des pôles de responsabilité au sein de l’équipe « en fonction des attributions de base, bien sûr, mais aussi et surtout des envies. Il y a une partie achats, une équipe merchandising, une équipe « comptoir » spécifique, une équipe stock, une équipe parapharmacie et une équipe “gestion des tâches annexes” ». Ces équipes « ont été construites ensemble. Je n’ai jamais imposé une tâche à quiconque. Si je n’emporte pas leur adhésion, cela ne fonctionnera pas ».

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Les titulaires ne sont pas toujours seuls face à la formation. Certains groupements les accompagnent « en proposant des coachs », glisse Jean-Michel Pourtier, lui-même homologué en tant que formateur par plusieurs groupements. Une aide, là aussi, personnalisée : « Chaque pharmacien titulaire fixe les objectifs à ses équipes et nous mettons les moyens nécessaires à sa disposition », explique Amel Khalifi, directrice de la stratégie développement réseau de Pharmavance.

Renforcer la relation client.

Le manager coach va notamment veiller à ce que ses équipes soient formées à la relation client. « Les patients, commente Jean-Michel Pourtier, sont avant tout des consommateurs de santé. Même sur ordonnance, ils ont changé de posture ; ils ont déjà beaucoup d’informations, de croyances et le pharmacien est obligé de gagner leur confiance. Le personnel de l’officine doit alors s’adapter. »

Au chapitre des évolutions nécessaires, on trouve aussi la formation à la vente. « Pour faire évoluer son chiffre d’affaires, il est nécessaire pour le pharmacien de s’assurer que son équipe a une bonne proposition de produits », souligne le formateur. Il convient aussi de donner des objectifs précis et chiffrés, complète Sophie Gillardeau, bien que beaucoup y répugnent « car c’est connoté grande distribution ». Pourtant, dit-elle, « ce n’est pas contraire à l’éthique et n’enlève rien à l’aspect humain ».

Animer son équipe.

Animer son équipe au quotidien, c’est aussi la guider sur le chemin de l’autonomie pour qu’elle sache faire face aux difficultés rencontrées. « Le manager coach ne doit pas apporter la réponse mais permettre à chacun de ses collaborateurs de la faire émerger, avance Thibault Winka. C’est une boucle vertueuse car non seulement il apprend à résoudre seul ses problèmes, prend confiance en lui, mais il est aussi fort probable qu’il va transmettre son nouveau savoir à ses collègues. L’équipe entière en bénéficie. » Une évolution d’autant plus nécessaire que le titulaire « a besoin de déléguer pour sortir la tête du guidon et prendre de la hauteur », comme le rappelle Jean-Michel Pourtier. Il doit apprendre à le faire et accepter de faire confiance à son équipe. Déléguer, tout en restant dans l’échange afin que les collaborateurs ne se sentent pas délaissés, conseille Sophie Gillardeau. « Un adjoint qu’on laisserait travailler en autonomie, par exemple, peut se sentir ignoré et donc, dévalorisé. Il faut s’intéresser à ce qu’il fait, à ses idées, discuter, faire des commentaires constructifs et valorisants ; bref, créer de la complicité. »

« COMPRENDRE L’AUTRE POUR ALLER SUR SON TERRAIN »

Pour mieux accompagner ses collaborateurs, le formateur Jean-Michel Pourtier recommande de « travailler sur le management émotionnel ». Ce qui sous-tend de « s’intéresser au profil de chacun pour savoir quel levier activer », ajoute Thibault Winka (Team Officine). « Il existe nombre d’outils d’analyses de personnalité, poursuit Thibault Winka. Pour ma part, j’aime le modèle Process Communication, qui identifie 6 types de personnalités que nous possédons tous mais qui ne sont pas développées à égales mesures. Il est bon de savoir quelles actions sont efficaces sur quels types de personnalité pour agir en fonction. Lorsqu’on a un collaborateur avec une base empathique, il faut l’écouter car c’est un besoin profond. À l’inverse, l’empathie n’est pas le meilleur levier avec quelqu’un qui a une base factuelle, qui est très carré. On sera ici davantage attentif à la qualité de son travail. Il attend d’être reconnu pour cela. Il est important de comprendre l’autre pour aller sur son terrain. »