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Un employeur ne doit pas tout dire
Si les décisions de justice concernant la liberté d’expression des salariés sont courantes, elles le sont moins quand il s’agit de l’employeur. La Cour européenne des droits de l’homme a fixé les règles de ce qui peut être dit. Ou pas.
LES FAITS
En Grèce, à sa nomination en tant que P-dg, M. N. demande à chaque salarié de lui communiquer toute information pertinente sur son poste. Parmi ces employés, Mme B., juriste de l’entreprise, l’informe oralement de toutes les procédures judiciaires en cours. Des différends conduisent M. N. à licencier Mme B. Il exige par ailleurs qu’elle lui remette les dossiers des procédures judiciaires en cours. Face au silence de son ex-salariée, M. N. lui fait parvenir un courrier dans lequel il déclare : « Nous condamnons le comportement non professionnel et contraire à l’éthique dont vous avez fait preuve à l’égard de notre société […] qui témoigne d’une intention malveillante de votre part et d’une volonté de nuire aux intérêts de la société, pour se venger du fait que nous vous ayons démis de vos fonctions […]. Les informations que vous nous avez fournies jusqu’à présent sont incomplètes et erronées. » Estimant que ce courrier est calomnieux, Mme B. saisit la justice. L’ensemble des juridictions grecques condamne M. N. pour diffamation calomnieuse. Ce dernier décide de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
LE DÉBAT
Le P-dg saisit la CEDH en introduisant une requête contre l’Etat grec. Il se fonde pour cela sur la violation de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce texte énonce que « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière […] ». Il argue que sa condamnation à cinq ans de prison avec sursis, conformément au Code pénal grec, a pour effet de limiter sa liberté d’expression au-delà de ce qui est nécessaire dans une société démocratique.
LA DÉCISION
La CEDH rappelle que lorsque le droit à la liberté d’expression entre en conflit avec le droit au respect de la vie privée consacré à l’article 8 de la Convention, elle peut être tenue de vérifier si les autorités nationales ont trouvé un juste équilibre en cherchant à protéger ces deux droits. Pour cela, elle utilise quatre critères :
– la nature du document et la manière selon laquelle il a été communiqué ;
– le contexte dans lequel ce document a été élaboré ;
– la façon dont il a pu affecter la personne mise en cause ;
– la sévérité des sanctions imposées à l’auteur du document litigieux.
En l’espèce, les juges retiennent que le langage utilisé n’était pas fort, vexatoire ou immodéré et que le document a été envoyé en privé directement au salarié. Ces deux éléments font que les juges estiment que la sanction prononcée à l’encontre de M. M. n’était ni justifiée ni nécessaire. Au-delà de la décision d’espèce, cet arrêt permet de rappeler les limites à la liberté d’expression de l’employeur. Ainsi, si employeur et salarié jouissent d’une liberté d’expression importante, ils ne peuvent pas abuser de celle-ci en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs. Le caractère abusif sera retenu quand les propos sont tenus en public ou sur un réseau social public. Cette décision permet de confirmer que, dans le contexte d’une prise de référence, l’ex-employeur sollicité doit être prudent et mesuré dans ses propos pour éviter d’abuser de sa liberté d’expression. A défaut, l’ex-salarié pourrait se retourner contre lui.
Source : CEDH, 25 mars 2021, n° 1864/18, Matalas c. Grèce.
À RETENIR
L’employeur et le salarié peuvent tenir des propos sur l’entreprise et son fonctionnement en vertu de la liberté d’expression.
Les propos tenus ne doivent pas être injurieux, diffamatoires ou excessifs afin de ne pas être considérés comme un abus.
L’employeur qui abuse de sa liberté d’expression peut être condamné à verser au salarié ou à l’ex-salarié des dommages-intérêts.
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