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Quelles passerelles pour les potards ?

Publié le 15 juillet 2006
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Faut-il multiplier les expériences, changer de métier voire de secteur d’activité pour enrichir son parcours professionnel ? Oui, estiment la plupart des recruteurs. Mais attention à garder une cohérence dans le choix de ses orientations !

Avec son diplôme, le pharmacien peut exercer dans un certain nombre de fonctions et de secteurs d’activités (officine, hôpital, industrie, marketing, recherche, production…). Une multiplicité d’options qui permet a priori une certaine polyvalence. Mais est-elle réellement possible ? Et vouloir changer de secteur d’activité ou de métier est-il bien perçu ?

Pour Véronique Mougin, responsable de recrutement chez 3S Santé, société d’intérim, une carrière se prépare dès les premières années d’études : « Pour l’orientation industrie, il faut être sélectif sur ses stages, les laboratoires offrant aujourd’hui des postes de plus en plus spécialisés. » En revanche, Jean-Christophe Deruaz, directeur général du cabinet de recrutement Alerys, estime que les six années de cursus sont l’occasion de connaître différents secteurs et d’affirmer ses préférences.

A côté des stages obligatoires, l’étudiant aura tout intérêt à en réaliser en été. « Beaucoup d’étudiants utilisent ce moyen pour avoir une connaissance de l’industrie dans différents domaines, que ce soit en production, assurance qualité ou encore marketing », constate Xavier Mansard, responsable du cabinet A. Aston.

En revanche le stage de sixième année doit se rapprocher du premier poste visé. « Pour le marketing, le jeune pharmacien va opter pour une formation de troisième cycle en école de commerce, choisir par exemple un stage en études de marché puis un stage de chef de produit pour compléter son expérience », conseille Laure Nègre, consultante chez FSC Consultants.

Une logique dans le changement.

Vouloir bouger au bout de quelques années à un premier poste voire à un second n’est pas en soi négatif. « Quand on démarre, on a envie de progresser, pourquoi ne pas regarder ce qui se passe ailleurs ? A condition de ne pas pratiquer le changement pour le changement, estime Jean-Christophe Deruaz. Il doit se faire avec une certaine logique. Le changement trop rapide fait perdre du sens, manifestera plus une certaine instabilité, une insatisfaction que le parcours de quelqu’un qui veut se développer. La patience est aussi nécessaire. Il y a des postes qui se maîtrisent en deux ou trois ans et d’autres en plus de temps. »

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« Les évolutions ont un sens quand un pharmacien qui veut aller en qualité démarre par exemple par la production, souligne Laure Nègre. Le décalage est plus grand entre affaires réglementaires et marketing. Ce revirement vient peut-être d’un échec. S’il y a lieu en début de carrière, il peut se justifier mais plus difficilement au bout de cinq ans. »

Les plus grosses structures qui recherchent une ressource extérieure seront plus regardants sur les parcours pour un poste qui réclame une expertise. « Les fonctions sont moins cloisonnées dans une petite structure. On peut être chef de produit et se sentir à l’étroit dans une grande entreprise. Cette expérience se vendra bien dans une société plus petite, où il pourra disposer de responsabilités élargies », souligne Mireille Proust, dirigeante de MPC Consultants.

Satisfaire sa curiosité pour des services ou départements plus éloignés de son domaine d’origine sera plus facile à réaliser dans une même structure. « On ne peut pas à la fois changer de métier et changer d’entreprise », rappellent les consultants. Les laboratoires établissent des plans de gestion de carrière. « Une entreprise a le souci de fidéliser ses collaborateurs. Elle acceptera plus facilement un changement de poste pour un collaborateur interne et l’évolution dans un périmètre qui n’est pas le sien », explique Mireille Proust.

Acquérir des compétences transversales.

D’un univers à l’autre, les passerelles ne sont pas si évidentes, en dépit de l’unicité du diplôme. « Aujourd’hui, faire carrière en officine et ensuite entrer dans l’industrie ne permettra pas, sauf exception, de faire carrière dans l’industrie, assure Véronique Mougin. La pression de la concurrence entraîne une hyperspécialisation des postes même pour des postes juniors. » L’inverse se pratique plus souvent, notamment pour les pharmaciens industriels qui s’installent comme titulaires. Des formations se développent pour faciliter cette transition.

Passer d’un secteur à l’autre n’est cependant pas infranchissable. « Mais plus le changement est radical, plus cela signifie que la compétition sera forte, avec des profils plus proches du poste », souligne Laure Nègre. Il faut un fil conducteur, avoir acquis la maîtrise d’un métier ou d’un process transposable. » Certaines compétences sont transversales comme en marketing ou en production. Les résultats obtenus dans un secteur industriel, dans l’éthique, peuvent être valorisés dans l’industrie cosmétique ou l’agroalimentaire comme la connaissance du développement galénique, un vrai savoir-faire sur un métier quel que soit le principe actif. Les fonctions de vente et de marketing exercées dans des industries de l’agroalimentaire, qui commercialisent des produits à forte connotation santé, peuvent permettre un rapprochement vers l’industrie du médicament, dans l’OTC et les génériques dont la démarche se rapproche de celle de la grande distribution, estiment les consultants.

Les voies de passage existent également entre l’industrie et la répartition, qui recrute des pharmaciens pour les bonnes pratiques de distribution. Un pharmacien en production, responsable de la gestion d’un budget, en charge d’une équipe, pourra s’occuper de la gestion d’un centre de profit qui requiert le même type de compétences. Les officinaux sont aussi de bons candidats pour des postes de commerciaux, voire de responsables d’établissement en répartition grâce à leur excellente connaissance des attentes des pharmaciens.

Autres connections possibles : celle entre l’hôpital et l’industrie, dans les « business unit » hospitalières qui nécessitent une bonne connaissance du secteur. « La réalisation d’études cliniques à l’hôpital est aussi une voie de passage vers l’industrie », conclut Xavier Mansard.

CONSEILS

– Les stages obligatoires et ceux réalisés durant l’été sont l’occasion de découvrir des services voire des univers différents. Le stage de 6e année doit en revanche correspondre au premier poste recherché.

– Garder également un pied dans l’univers de l’officine durant ses études même si l’on s’oriente vers la filière industrie. Cette expérience démontrera des qualités d’adaptabilité, d’implication et d’énergie.

– Si l’on souhaite du changement (évolution vers d’autres postes dans d’autres sociétés ou d’autres secteurs connexes, attention à ne pas rester trop longtemps (une quinzaine d’années) dans un même type de structure (grand ou petit groupe) ou dans un même secteur !

– Le changement trop rapide et fréquent, tous les 3 ans par exemple, n’est pas non plus souhaitable. Il doit s’inscrire dans une logique de parcours. Au risque, sinon, d’être considéré comme instable ou d’être trop généraliste.