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PROFESSION INTÉRIMAIRE

Publié le 30 juin 2012
Par Claire Bouquigny
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Ils ne font que passer dans l’officine, le temps de remplacer un adjoint en vacances ou un titulaire malade. Ces « dépanneurs » sont inscrits à la section D de l’Ordre dans la catégorie des pharmaciens d’officine intérimaires ou intermittents. Rencontres avec les POI.

Sur la définition d’intérimaire, les avis sont partagés. Pour certains, ce terme ne désigne que ceux qui sont inscrits dans une agence d’intérim. Pour d’autres, ce sont tous ceux qui ne travaillent pas en continu dans la même officine. A l’Ordre, on les appelle « pharmaciens d’officine intermittents » (POI). Sauf Jérôme Paresys-Barbier, président de la section D, qui préfère parler d’« intérimaires ». On dit aussi « remplaçant » ou « multiemployeur ». Si la dénomination de ces pharmaciens varie, en revanche, le consensus existe sur leur fonction : « combler les trous » dans les emplois du temps des équipes. Avec une condition sine qua non, ces pharmaciens doivent être inscrits à l’Ordre dès qu’ils sont en exercice. Faute de quoi, ils sont passibles d’une peine de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende.

Des profils et des motivations très variés

Parmi les intérimaires, on trouve une première catégorie représentée par de jeunes pharmaciens qui souhaitent multiplier les expériences avant d’acquérir une officine ou de prendre un poste d’adjoint stable. « Les futurs installés veulent voir un maximum d’officines, explique Jean-Luc Sicnasi, directeur de l’agence d’intérim 3S Santé. Ils ciblent le type d’officines dans lesquelles ils souhaitent être envoyés en mission afin de voir celles qui leur correspondent le mieux. » Future adjointe, Sophie-Athénaïs, intérimaire à L’Appel médical, voulait voir « différents patrons, différents modes de gestion, différents types de clientèle » avant de se poser. Avoir multiplié les petites missions d’un ou de plusieurs jours lui a permis de découvrir qu’elle préférait travailler en zones rurale ou semi-rurale. En tout cas, pour Céline, intérimaire à 3S Santé, il n’y a aucun doute, « après avoir travaillé dans 200 pharmacies, on sait vite détecter quelle est l’ambiance de travail ».

Deuxième catégorie d’intérimaires, les anciens titulaires ou adjoints, retraités ou sur le point de l’être, qui choisissent de poursuivre leur activité professionnelle. Pour certains c’est une nécessité, à l’instar d’Hippolyte qui doit aider financièrement son troisième enfant qui termine ses études (« mais dès que j’ai fini je m’arrête »). Danielle se trouve quant à elle dans une situation difficile. Licenciée à deux ans de la retraite, elle s’est inscrite à Pôle emploi. « J’y ai trouvé des offres de remplacement rémunérées à 9 € 23 de l’heure…, rapporte-t-elle. Je ne pouvais pas les accepter, mais si vous ne répondez pas à une annonce vous risquez d’être radié. Pôle emploi ne fait pas de différence entre les préparateurs et les pharmaciens, d’autant qu’il y a peu d’offres car les propositions circulent surtout par le bouche-à-oreille. » D’où l’importance d’un bon carnet d’adresses. Mais cela ne suffit pas toujours, comme l’a constaté Danielle : « J’ai fait plusieurs remplacements dans trois officines, jusqu’au jour où de jeunes adjointes ont été embauchées à mi-temps au coefficient 400… » Bien loin donc du coefficient 600 auquel Danielle pourrait prétendre avec ses 35 ans d’expérience mais qu’elle sait ne pas pouvoir obtenir. Des retraités continuent à faire des remplacements car, confie Pierre Gosselin, conseiller ordinal, « ils apprécient de garder le contact avec la clientèle et l’activité du comptoir ».

Parmi les intérimaires, on trouve également d’anciens titulaires en attente d’une réinstallation et des adjoints sans emploi qui s’y dirigent faute de mieux. C’est le cas d’une jeune pharmacienne qui témoigne, sur le réseau social Talent Pharmacie, subir cette situation depuis 18 mois, réalisant 60 à 70 heures de travail par mois qui ne lui permettent pas de vivre correctement. « Les remplacements sont un bon moyen de trouver du travail », assure Céline, à qui l’on a proposé plusieurs offres de CDI à l’issue de ses missions, qu’elle a refusées. Ce qui ne bloque pas ses perspectives d’évolution de carrière, puisqu’il « n’y en a pas plus, ni moins, que pour un adjoint en poste  ».

De la souplesse et une grande liberté d’organisation

Les préparateurs sont très recherchés par les titulaires en quête de remplaçants. Deux à trois demandes d’intérim sur quatre les concernent. « On accuse une pénurie dans ce domaine, souligne Jean-Luc Sicnasi. On observe en outre plus de demandes de préparateurs pour des semaines de 35 heures quand les pharmaciens sont, eux, plutôt embauchés sur des durées de 20 heures. » Les préparateurs cumulent en effet deux avantages, ils font à la fois de la délivrance et du conseil, « deux prérogatives qui sont, entre autres, celles des pharmaciens », explique Caroline Salotti, responsable d’agence à L’Appel médical. La différence ? Le salaire. « Lorsque nous n’avons pas de préparateur à proposer, nous essayons de transformer le poste de préparateur en poste de pharmacien, en jouant sur la durée de la mission. » C’est-à-dire que le pharmacien fera sa mission de 20 heures au comptoir et que le temps de rangement sera confié à un autre personnel, voire à la femme de ménage.

Les agences d’intérim font souvent preuve de souplesse, un atout commercial de taille. « Je fais appel à elles quand je suis en phase de recrutement d’un adjoint ou d’un préparateur et sur les périodes de vacances », explique Jean-Marc Selve, titulaire à Paris. Client de 3S Santé, il juge plus intéressant de prendre du personnel en intérim qu’en CDD : « C’est une solution parfaite. On peut moduler le temps de présence en fonction de nos besoins. Cela m’évite de perdre du temps à passer des petites annonces et à recevoir les candidats. Il n’y a pas de risques que les personnes envoyées ne se présentent pas. » Même avis pour Daniel Broc, titulaire à Istres, dans les Bouches-du-Rhône, qui n’emploie que des préparatrices : « Je passe par L’Appel médical. C’est moins contraignant et les préparateurs envoyés acceptent toutes les missions », souligne-t-il. Enfin, en cas de problème, l’agence se charge de fournir immédiatement un nouvel intérimaire.

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L’intérim, c’est aussi la liberté. Martine, intérimaire à L’Appel médical, y est venue après avoir passé 13 ans dans la même officine. « J’avais envie de voir autre chose, explique-t-elle. L’intérim permet de se remotiver en permanence. » Elle apprécie particulièrement les remplacements de titulaire parce qu’elle gère la pharmacie au quotidien sans avoir à s’occuper de la gestion globale du personnel. Elle reconnaît en outre pouvoir travailler régulièrement dans certaines officines, sans pour autant s’y voir salariée. « Quand une officine ne convient pas on n’y retourne pas, tout simplement », témoigne un pharmacien sur le réseau Talent Pharmacie. Etre libre de l’organisation de son temps, c’est le point fort de l’intérim pour Julien, inscrit à 3S Santé, qui habite en Espagne et revient en France un mois sur deux pour travailler. « Il n’a pas le souci de chercher du travail. Il prend tout ce qu’on lui donne et il peut aligner quinze ou vingt contrats en un mois », explique Jean-Luc Sicnasi.

Ceux qui ne s’adressent pas aux agences font marcher leur réseau, mettent des annonces dans les bacs des grossistes, prospectent les pharmaciens, voire créent leur site Internet à l’instar d’André Simonnet. Effectuant des remplacements depuis 2007, il estime qu’il faut « avoir l’esprit d’entrepreneuriat et entretenir son réseau de pharmaciens ». André travaille régulièrement avec les mêmes officines et s’arrange pour être disponible quand un contact positif a été créé. Il lui arrive même de proposer des missions à des amis quand il ne peut s’y rendre lui-même.

Accepter des revenus fluctuants et savoir s’adapter

Cette liberté a tout de même un prix. Il n’est surtout pas recommandé de prendre des vacances pendant les périodes de congés scolaires car c’est à ces moments-là que la demande est maximale. « Les remplaçants doivent aussi accepter de travailler sur des horaires pas faciles comme le samedi après-midi ou tard le soir, et ils peuvent être avertis un vendredi à 18h30 qu’ils ont une mission de 3 heures à effectuer le lendemain matin », prévient Martine. Les coefficients proposés varient en général entre 500-550 mais peuvent descendre à 400 ou monter à 600 selon les besoins du titulaire, le profil du poste et la force de conviction du négociateur. Par ailleurs, les heures supplémentaires sont fréquentes et les salaires majorés de 10 % de prime de précarité qui s’ajoutent aux 10 % des congés payés. « Mais il faut savoir s’organiser car les revenus sont fluctuants », met en garde Céline. En effet, les salaires « peuvent être très rémunérateurs certains mois (juillet-août), mais on vit parfois sur nos économies », témoigne un pharmacien sur Talent Pharmacie. « Cela pose surtout des problèmes pour obtenir un crédit bancaire », regrette André Simonnet. Les remplaçants qui trouvent eux-mêmes leurs missions ont le statut de salariés de l’officine en contrats CDD. En revanche, ceux inscrits en agence d’intérim sont salariés de l’agence. Cette dernière discute les salaires, les conditions de travail et la prise en charge des transports et du logement pour les missions en province. Un confort pour les intérimaires qui préfèrent ne pas avoir à le faire ou qui craignent de subir défauts ou délais de paiement.

A leur arrivée, les remplaçants sont en général bien accueillis par l’équipe. « Ils sont contents de vous revoir », souligne André Simonnet. Et ce d’autant plus que ces « dépanneurs » ont de très grandes facultés d’adaptation à l’équipe, aux patients, au système informatique… ou aux systèmes d’alarme ! « L’ouverture et la fermeture sont toujours délicates quand on n’a pas l’habitude », témoigne un pharmacien sur Talent Pharmacie. Ils sont immédiatement opérationnels : « Il n’est pas question d’attendre deux heures pour être efficace quand la mission ne dure qu’une demi-journée », prévient Marine. Une solution qui satisfait tout le monde, en somme. « On a la chance de bénéficier de leur expérience car ils arrivent avec des idées », rapporte Jean-Marc Selve. « Ce sont des pharmaciens rapides et efficaces, et même impressionnants ! », conclut Véronique Vidal, titulaire à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.

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Sondage réalisé par téléphone du 14 au 15 juin 2012 sur un échantillon représentatif de 100 titulaires en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

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Les deux principales agences d’intérim pour la pharmacie d’officine sont 3S Santé (www.3ssante.com ou au 01 40 50 06 00) et l’Appel médical (www.appelmedical.com ou au 0 810 210 220). Plusieurs sites Internet proposent également des offres d’emplois et de candidatures :

• www.wk-pharma.fr

• www.adeccomedical.fr

• www.annonces-medicales.com

• www.aile-medicale.fr

• www.pharmaxie.com

• www.pole-emploi.fr

• www.fspf.fr

• www.pharmechange.com

• www.pharmacienremplacant.net

• www.pharmacienremplacant.fr

• www.talentpharmacie.fr