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PHARMACIEN CHERCHE MÉDECIN DÉSESPÉRÉMENT
Touchés par le phénomène de désertification médicale, certains pharmaciens confient à des agences de recrutement médical, le soin de faire venir un prescripteur dans leur zone de chalandise. Une solution qui peut s’avérer boiteuse.
Un pharmacien du Massif central, seul au pays, voit le prescripteur local partir à la retraite. Il a lui-même 63 ans, souhaiterait vendre son officine d’ici deux ans, frappe à toutes les portes pour qu’un nouveau médecin s’installe : ARS, URPS, facultés… Sans succès. Jusqu’à ce qu’il reçoive un fax de Guy Pocobello. Après avoir dirigé pendant 20 ans un cabinet de transaction, celui-ci a monté son agence de recrutement médical, Medirama. Le fax interpelle le pharmacien : « La première victime de la désertification médicale, c’est vous. Une solution existe… ». Sa proposition ? Faire venir un médecin à diplôme européen, roumain en l’occurrence. Medirama le recrute pour la commune et se charge de l’inscription à l’Ordre des médecins et du suivi de son installation. Contre 9 500 € HT d’honoraires. Le pharmacien contacte alors le maire, les deux signent une convention avec Medirama et pharmacien et mairie paient chacun la moitié des honoraires. Guy Pocobello leur présente des CV : « La majorité des candidatures sont féminines. On a eu le choix entre une femme de 52 ans, divorcée, et une célibataire de 31 ans », raconte le titulaire. Le choix s’est porté sur la seconde, en espérant qu’elle se plaise au pays. La candidate devrait venir prochainement au village rencontrer ses « recruteurs », le pharmacien lui fera visiter le secteur qu’elle couvrira. En cas d’accord, le prescripteur s’installera quelques semaines plus tard, la mairie prenant en charge le local et le logement, le temps que son activité s’amorce. Le seuil minimum de rentabilité à atteindre pour le médecin est de 15 patients par jour, soit 300 actes par mois. Le médecin devra ensuite rembourser les loyers avancés. Opération peu rassurante pour le pharmacien : « Je suis sur le qui-vive. J’espère avoir investi dans une solution viable. Je n’avais pas le choix, je ne pouvais pas compter sur l’aide des pouvoirs publics. »
Recruter en toute éthique, c’est possible
Le chasseur de tête, Guy Pocobello, renchérit : « Ou le pharmacien adhère ou c’est la mort et l’impossibilité de revendre. Les candidats à la présidentielle s’en fichent, les solutions actuelles sont boiteuses, nombre de maisons de santé ouvrent sans médecin. » Sillonnant principalement les régions Rhône-Alpes, Auvergne et Bourgogne, il dit être « débordé par les demandes », affichant trois affaires conclues et une vingtaine en attente, pour des contrats payés 10 à 15 000 €. « Dans l’une des communes, la mairie a refusé de s’engager. La pharmacie fait partie d’un groupement qui a débloqué 10 000 € pour soutenir l’officine. » Le pharmacien n’est cependant pas toujours impliqué « contractuellement » dans le projet, comme l’explique Sophie Leroy, responsable de projets à l’Association pour la recherche et l’installation de médecins européens (Arime), cabinet facturant 20 000 € d’honoraires en moyenne pour le recrutement d’un généraliste(*) : « Un centre commercial dans le sud a créé un cabinet médical dans ses locaux. Le pharmacien a convaincu du projet la direction du centre, cette dernière a payé nos honoraires. J’ai vu aussi, dans les communes, le pharmacien à l’origine de la demande de recrutement, être membre du conseil municipal, mais c’est bien la mairie qui prend en charge le coût de l’opération. »
Les témoignages sur les pratiques parfois peu scrupuleuses d’agences aux tarifs opaques ou les expériences malheureuses des communes voyant repartir le médecin quelques semaines après son installation ne sont pas rares. Quelles sont les conditions d’une implantation réussie ? Rigueur et éthique selon Sophie Leroy : « Nous rencontrons le praticien une première fois sur place. Et effectuons un accompagnement – autrement dit une aide logistique concrète – de 3 à 6 mois. Au-delà, la personne doit se prendre en charge. Nous encourageons la commune à monter un dossier de subvention pour financer ce recrutement. Et refusons les projets infaisables : en dessous de 1 000 habitants, il n’est pas raisonnable de faire venir un médecin. »
Que disent les autorités de tutelle et les organisations professionnelles ? Gilles Bonnefond, président de l’USPO, trouve la solution de faire payer les pharmaciens, « caricaturale et sans garantie ». Et tire la sonnette d’alarme : « Les pharmaciens peuvent s’associer à un projet local pour inciter à la venue d’un praticien mais certainement pas se substituer à une collectivité publique. Attention au compérage. » Même réserve chez Philippe Gaertner, président de la FSPF, qui tout en comprenant le désarroi des pharmaciens acculés, pointe la faute déontologique : « un pharmacien ne peut inciter financièrement un prescripteur à s’installer. Je regrette que certains profitent de la récession de l’officine pour faire du gain. » L’Ordre reconnaît avoir eu vent des pratiques mais n’a pas collecté de preuves matérielles : « Il me faudrait lire les éventuelles conventions signées avant de conclure au compérage, modère Jean-Charles Tellier, président de la section A. Je dirais aussi que ce n’est pas parce qu’un médecin s’installe qu’il est ensuite pieds et poings liés au pharmacien qui l’aurait recruté. » Il invite cependant « vivement » ses confrères à contacter l’Ordre et les syndicats « avant de se lancer dans une opération hasardeuse ». Du côté de l’Ordre des médecins, on suit de près le dossier depuis une dizaine d’années : « les agences agissent en toute légalité », assure Xavier Deau, vice-président, en charge des relations avec l’Université qui dénonce cependant des déviances : « On a vu certains recruteurs remplir les dossiers d’inscription à l’Ordre à la place du médecin qui se contentait de signer. On a vu se développer également un marché du faux diplôme médical. Nous n’avons pas d’hostilité contre les médecins roumains mais sommes de plus en plus rigoureux sur leurs compétences linguistiques. » Et de pointer du doigt une fausse solution, « l’Etat doit organiser un réel service médical à la population. » En instaurant une régulation régionale qui empêcherait que « 40 % des médecins migrent dans le Sud, grâce à l’internat national »
(*) Il faut aussi noter que Arime a créé Arime exchange, plate-forme web permettant aux recruteurs – moyennant une annonce payée 950 € – et aux candidats (gratuit pour eux) de se rencontrer directement. Une solution low-cost de recrutement…
Que dit la loi ?
• Article R. 4127-23 du Code de la santé publique – Article 23 du Code de déontologie médicale : Tout compérage entre médecins, entre médecins et pharmaciens, auxiliaires médicaux ou toutes autres personnes physiques ou morales est interdit.
• Art R. 4235-18 du Code de la santé publique – Code de déontologie des pharmaciens : Le pharmacien ne doit se soumettre à aucune contrainte financière, commerciale, technique ou morale, de quelque nature que ce soit, qui serait susceptible de porter atteinte à son indépendance dans l’exercice de sa profession, notamment à l’occasion de la conclusion de contrats, conventions ou avenants à objet professionnel.
Médecins roumains francophiles
Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne, le 1er janvier 2007, les 42 000 médecins roumains peuvent poser leur plaque dans les 27 Etats membres, leur diplôme y étant reconnu. Plus de 1 000 l’ont déjà fait en France, les revenus assurés y étant bien plus conséquents que dans leur pays. Pourquoi la Roumanie ? Des études médicales de 7 ans minimum (10 avec une spécialité) et un niveau de français d’« utilisateur indépendant », soit une maîtrise de l’écrit et de l’oral permettant d’exercer dans de bonnes conditions, quitte à suivre des cours de perfectionnement.
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