Les métiers de la pharmacie en quête de visibilité

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Les métiers de la pharmacie en quête de visibilité

Publié le 11 octobre 2024
Par Audrey Fréel
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Manque de visibilité, formations peu attractives, changement de mentalité des jeunes générations… Les métiers de la pharmacie d’officine ont vu leur cote de popularité dégringoler ces dernières années. Pour changer la donne, professionnels, universitaires et syndicats redoublent d’effort.

Désaffection des études de pharmacie, difficulté de recrutement, démissions… Les métiers de l’officine ont moins le vent en poupe ! Pourtant, le vieillissement de la population et l’augmentation des besoins en matière de soins attestent du rôle essentiel qu’ils jouent. Mais les contraintes liées à ces professions peuvent en rebuter plus d’un, en particulier les jeunes. « La crise du Covid a mis en exergue le rôle essentiel des métiers de la santé mais a aussi révélé les difficultés de ces professions et les contraintes horaires. Le métier de pharmacien est assez exigeant avec des études longues, ce qui peut être décourageant pour les jeunes qui souhaitent davantage concilier vie professionnelle et personnelle », détaille Bruno Maleine, le président de la section A (titulaires) de l’Ordre des pharmaciens.

Par ailleurs, l’exposition récurrente des difficultés du secteur peut refroidir les ardeurs des étudiants et des professionnels. « Les fermetures d’officines, notamment dans les zones rurales, génèrent beaucoup d’inquiétude et peuvent démotiver certains », confirme Ilan Rakotondrainy, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). Pourtant, la branche de la pharmacie est en pleine évolution. « Elle offre de belles opportunités que nous devrions davantage valoriser », estime Philippe Denry, pharmacien et vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et de la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle (CPNE-FP) de la pharmacie d’officine.

Les effets délétères de la réforme universitaire

Les experts interrogés ont également mis en cause la réforme de la première année des études de santé (PASS/LAS). Mise en place en 2020, celle-ci serait en grande partie responsable, selon eux, de la pénurie d’étudiants en pharmacie. « La filière pharmacie est désormais englobée dans une formation qui regroupe d’autres professions de santé, ce qui contribue à l’invisibiliser », résume Bruno Maleine. Résultat : en 2022, 1 100 places sont restées vacantes en deuxième année d’études de pharmacie, et en 2023, 500. Et cela ne s’annonce guère plus réjouissant pour cette rentrée. « Nous n’avons pas encore les chiffres définitifs pour 2024, mais certaines facultés ont sous-recruté en deuxième année, ce qui ne ferait qu’aggraver les problèmes démographiques dans tous les métiers de la pharmacie », s’inquiète Vincent Lisowski, président de la conférence des doyens de pharmacies. Ce dernier regrette que le système actuel ne permette pas de recruter directement en première année les jeunes souhaitant devenir pharmaciens. En outre, certains étudiants arrivent en pharmacie en deuxième année car ils ont échoué dans d’autres filières, ce qui pose des problèmes d’engagement et aboutit parfois à des désistements. De fait, la conférence des doyens de pharmacies a déposé, en juillet dernier, une contribution auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche afin de prévoir une voie d’entrée spécifique sur Parcoursup pour les jeunes lycéens dont le projet est déjà défini. « Nous souhaiterions, en parallèle, que le système LAS perdure pour permettre aux jeunes qui n’auraient pas encore choisi leur filière de mûrir leur projet », explique Vincent Lisowski.

500

C’est le nombre de places restées vacantes en deuxième année d’études de pharmacie en 2023. Il y en avait 1 100 en 2022.

Vers un niveau licence pour les préparateurs ?

Cette baisse d’attrait pour le métier de pharmacien d’officine touche aussi celui de préparateur, comme l’explique Damien Chamballon, préparateur en officine et président de l’Association nationale des préparateurs-techniciens en pharmacie d’officine (Anprep). « Le métier de préparateur en officine ne fait plus rêver car la rémunération est assez faible au regard des horaires et des responsabilités, ce qui est de plus en plus rédhibitoire pour les jeunes. Il est aussi méconnu de la population et occulté par le métier de pharmacien », analyse-t-il. Avant d’ajouter : « Depuis la crise Covid, le préparateur officinal a été sollicité de part et d’autre. Entre la pression exercée au comptoir par des patients de plus en plus exigeants et les nouvelles missions qui se multiplient, beaucoup décident de fuir la profession. »  La grade licence permettrait d’amener des compétences supplémentaires aux préparateurs, ce qui aiderait les officines à remplir leurs nouvelles missions. Cela rendrait le métier plus attractif et ouvrirait à davantage de perspectives d’évolution de carrière », indique Philippe Denry.

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Les PPH obtiennent le grade licence

Alors que la licence se fait désirer pour les préparateurs en pharmacie d’officine, les préparateurs en pharmacie hospitalière (PPH) ont obtenu gain de cause cet été. Un décret paru au Journal officiel le 2 août dernier autorise le diplôme d’État de grade licence aux PPH pour la rentrée 2024. Le nouveau référentiel de formation concilie l’exigence d’un diplôme professionnel et d’un grade universitaire. La formation, d’une durée totale de 1 400 heures, dont 20 semaines de formation en milieu professionnel, inclut le temps de travail personnel de l’apprenant. Validée par l’obtention de 60 crédits européens, elle est organisée eu deux semestres d’au moins vingt semaines chacun. Cette revalorisation du diplôme des PPH pourrait impacter un peu plus l’attractivité du métier de préparateur d’officine. « Les jeunes qui entrent en formation de préparateurs vont plus facilement s’orienter en hospitalier car les conditions sont meilleures : la rémunération est plus élevée et les horaires plus intéressants », ajoute Damien Chamballon (Anprep).

Vers une refonte totale de la grille salariale ?

Mais le projet ne semble, pour le moment, pas convaincre le gouvernement.  « Le ministère de la Santé ne témoigne pas d’un enthousiasme absolu pour envisager un niveau bac + 3 pour les préparateurs en officine », confirme Vincent Lisowski. De fait, lors de la conférence des doyens de pharmacies, la FSPF, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et la Commission paritaire nationale emploi et formation professionnelle (CPNEFP) ont cosigné et envoyé un document au ministère afin de lister les nouvelles missions que pourraient prendre en charge les préparateurs en officine de niveau bac + 3, comme la vaccination, la prévention, la gestion du matériel médical ou encore l’accompagnement du client au comptoir.

Par ailleurs, le ministère de la Santé aurait récemment initié des discussions avec des partenaires professionnels sur le sujet et en particulier en ce qui concerne le nouveau référentiel métier afférent à cette demande de grade licence. « Nous sommes très favorables à la création de ce diplôme de grade licence à la rentrée 2025 pour les préparateurs officinaux. Nous sommes prêts mais cela ne dépend plus de nous », souligne Vincent Lisowski. Ce projet semble également très attendu par la profession, en témoigne un sondage récemment réalisé par l’Anprep auprès de 1 039 officinaux. « La majorité des répondants sont dans l’attente d’une formation de grade licence et pour beaucoup, d’un diplôme unique refondu en trois ans pour tous les préparateurs officinaux », relate Damien Chamballon. Pour lui, cela permettrait d’harmoniser et de mettre un cadre légal au métier. Si rien n’est encore acté en matière de revalorisation salariale, « les futurs diplômés de grade licence sont en droit de l’attendre », estime le préparateur en officine. L’Anprep est d’ailleurs favorable à une refonte totale de la grille salariale afin que les BP et DEUST ne se sentent pas lésés. Un avis partagé par Philippe Denry. « Les pharmacies rémunèrent souvent leurs préparateurs au-dessus de la grille de salaire. Mais les jeunes qui consultent cette grille peuvent être rebutés, d’où l’idée de revoir la classification afin que le niveau de rémunération soit plus en phase avec la réalité. »

Multiplier les canaux de communication

Pour redonner ses lettres de noblesse aux métiers de l’officine, universitaires, professionnels et syndicats mettent les bouchées doubles pour sensibiliser les jeunes autour de ces métiers. Ils utilisent pour cela différents canaux de communication : salons étudiants, rencontres dans les collèges et lycées, réseaux sociaux, etc. À titre d’exemple, l’Ordre national des pharmaciens et la FSPF diffusent régulièrement des capsules vidéo sur les réseaux sociaux pour mieux faire connaître les métiers de la pharmacie auprès des jeunes.

L’Ordre participe aussi à des actions de communication aux côtés de l’Anepf pour promouvoir le métier auprès des collégiens, des lycéens mais également des parents, qui jouent un grand rôle dans l’orientation. Il mène également diverses actions au niveau des régions et départements pour les encourager à mieux épauler les étudiants en pharmacie durant leur stage, notamment en milieu rural. « Certains départementaux mettent à disposition des logements de fonction dans les collèges et lycées pour les étudiants en médecine et pharmacie. D’autres peuvent aussi financer les déplacements ou proposer des aides à l’installation », détaille Bruno Maleine. Si ces actions de promotion des métiers sont nécessaires, elles ne peuvent se suffire à elles seules. Selon les experts interrogés, elles doivent s’inscrire dans une refonte globale du système, plus adaptée aux nouvelles attentes des professionnels.

Études de santé : les modalités d’accès évoluent

Un décret publié le 5 juillet dernier modifie les modalités d’accès en 2e année d’études de santé pour la rentrée 2024. Le texte a pour objectif de mieux encadrer et uniformiser les conditions et modalités de l’épreuve orale, qui compte maintenant pour 30 % de la note finale. Depuis la mise en place de la réforme PASS/LAS, chaque université gérait de façon autonome les épreuves d’accès en deuxième année de ses étudiants en études de santé de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique. Un fonctionnement largement décrié, notamment par le collectif PASS/LAS, regroupant des parents et étudiants. Fin 2023, le Conseil d’État avait d’ailleurs sommé l’exécutif de revoir sa copie.