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L’art de recruter

Publié le 27 avril 2018
Par Peggy Cardin-Changizi
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Depuis quelques années, le traditionnel modèle du recrutement « à la française » vit des mutations qui bousculent ses habitudes et font évoluer ses pratiques. Désormais, un CV et une lettre de motivation ne suffisent plus à cerner un candidat lors de la présélection. Les outils digitaux et la data science deviennent de plus en plus utile pour les recruteurs. Et ce pour tous les types de postes.

Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux et aux réseaux professionnels comme LinkedIn ou Viadeo, les recruteurs en savent beaucoup sur les postulants avant même de les rencontrer. De leur côté, les candidats sont très bien renseignés sur les entreprises. Si en France, on aime cultiver notre différence, on observe finalement que nos pratiques RH commencent, elles aussi, à intégrer les usages de nos voisins anglo-saxons : plus de marketing, plus de technologies, plus de transparence et plus de digital. « Si les nouvelles technologies ont accéléré et facilité l’accès à l’emploi et aux meilleurs candidats, elles ont aussi modifié en profondeur le fonctionnement classique d’un recrutement : culture de l’ultra-réactivité, logique de marque employeur répondant à la “consommation d’emploi”, explosion des données disponibles sur les entreprises et candidats… », constate Grégoire Chevallier, gérant de Square Facts, une entreprise spécialisée dans la collecte, la vérification et l’authentification des informations sur des personnes physiques et morales.

DE NOUVEAUX outils.

Pour s’adapter aux attentes et aux pratiques des nouvelles générations – que l’on peut qualifier d’hyperconnectées, impatientes et volatiles -, il a fallu créer des outils innovants : « serious games », applications mobiles RH, analyse de données candidat en ligne, omniprésence du format vidéo, afterwork, job datings…« Depuis l’émergence des sites emplois au début des années 2000, le recrutement a pris une dimension digitale, explique Sébastien Canard, co-fondateur d’Open Sourcing, société spécialisée dans la recherche et la présélection de candidats sur Internet. L’innovation est telle qu’il est désormais possible d’automatiser une partie de l’étape de la présélection de candidatures à travers la mise en place d’outils de tri. Des algorithmes de scoring se chargent de collecter des données et permettent ainsi de repérer plus facilement le « match » entre les candidats et les entreprises sur des postes précis. » Ce dispositif profite notamment aux entreprises ayant des postes identiques à pourvoir, et aux candidats pour qui les qualifications requises sont plus ou moins modérées.

L’ANALYSE des données.

« Embaucher de bons candidats est essentiel dans toute entreprise. Mais pour une PME ou TPE, un mauvais recrutement peut avoir rapidement des conséquences très négatives sur le reste de l’équipe », insiste David Bernard, CEO de l’éditeur de tests en ligne AssessFirst, qui rappelle, qu’au terme de 18 mois suivant l’intégration en entreprise, 46 % des personnes recrutées ne sont plus en poste (étude Mark Murphy). Un échec directement imputable au décalage entre la personnalité du candidat et le poste à pourvoir, selon lui. « Une fois sur deux, le recrutement a donc échoué et quand on analyse les raisons de l’échec, dans 89 % des cas, on trouve des problèmes de comportement. Les techniques de recrutement ont longtemps été fondées sur l’expérience avant de s’intéresser aux compétences. C’est-àdire le potentiel des candidats, leur ouverture d’esprit et leur faculté à apprendre. » Pour aller dans ce sens, la start-up a lancé une méthode dite de « recrutement prédictif ». « Notre solution permet aux entreprises d’anticiper la capacité ou non d’un candidat à répondre aux attentes d’une fonction donnée, dans une organisation donnée et de le sélectionner en conséquence », poursuit David Bernard. Sur une plateforme, les candidats répondent à des questions ciblées. Les données recueillies sont ensuite analysées par un algorithme qui fournit des indications aux employeurs. Plusieurs aspects sont mesurés comme la personnalité et la motivation.

EN MODE « séduction ».

Plusieurs critères peuvent motiver un candidat pour un poste : le salaire, bien sûr, la mission, mais aussi le bien-être au travail. D’après le baromètre Edenred-Ipsos 2016, la France se classe au 12e rang mondial (sur 15 !) en matière de bienêtre au travail. Pourtant, 67 % des salariés français attribuent un score positif à leur entreprise en matière de bien-être. « Lors de l’entretien, le recruteur doit donc se mettre en mode “séduction” avec le candidat en lui présentant les atouts de la société liés à l’environnement et au bien-être au travail », souligne Sébastien Canard d’Open Sourcing. Les grosses entreprises ont ainsi développé une multitude de services à forte valeur ajoutée : services de conciergerie, pressing, livraison de courses alimentaires, crèches internes, ou encore salles de sport. « Dans les plus petites structures, cela peut passer par des actions simples : organisation des espaces de travail, aménagement des espaces communs avec un canapé, une table, un frigo, mise en place de moyens de transports corporate, ou encore distributeurs de boissons gratuites », complète Sébastien Canard. « Le bien-être au travail est un argument de recrutement des candidats et un outil de fidélisation des collaborateurs », ajoute Michaël Doliner, directeur général de l’opérateur Télécom Axialys. Il propose ainsi à ses salariés des événements d’équipes réguliers, un espace d’accueil avec bar et fauteuils et des salles de sieste. « Dans trois pièces dédiées, dotées d’un éclairage approprié et d’une méridienne, les salariés peuvent venir se ressourcer entre dix et vingt minutes sans désorganiser leur journée et en préservant leurs rythmes biologiques », confie Michaël Doliner. Et si vous doutez encore de l’importance d’améliorer le bien-être au travail des collaborateurs, sachez que 37 % des employés satisfaits de leur bien-être au travail affichent une motivation accrue !

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70 % des recruteurs utilisent les réseaux sociaux comme outil de recrutement. 35 % les considèrent pourtant peu ou pas du tout efficaces.

Source : RegionsJob 2017

POUR ALLER + LOIN

→ Consultez Team Officine, la plateforme de recrutement spécialisée dans le milieu pharmaceutique. Cette start-up nantaise, qui a récemment levé 260 000 €, a déjà accompagné 400 pharmacies et constitué un vivier de 5 000 candidats.

49 % des candidats portent plus d’intérêt à un poste proposé de manière innovante, notamment via les réseaux sociaux.

Source : RegionsJob 2017

Identité

Développer sa marque employeur

Toutes les entreprises, petites ou grandes, doivent se préoccuper de leur « marque employeur ». Derrière cette appellation, se cache « la » marque RH comme l’explique, Thomas Chardin, directeur conseil chez Parlons RH. « La marque employeur regroupe l’ensemble des caractéristiques, des attributs et des expressions de l’entreprise dans ses dimensions “employeur”. » elle se nourrit de plusieurs éléments : l’image, l’identité (aDn, culture, valeurs, métier…) et les pratiques RH et managériales. Elle peut aussi répondre à plusieurs problématiques : déficit d’image ou de notoriété, besoin de croissance rapide, fidéliser ou favoriser l’engagement des collaborateurs. « C’est un vrai levier business et un élément clé de la stratégie de recrutement car elle permet de diffuser une image positive de l’entreprise, de favoriser son attractivité et d’impacter la fidélisation comme l’engagement des collaborateurs », complète Thomas Chardin. Or, toutes les entreprises ont une marque employeur, y compris les TPe. Mais toutes ne la formalisent pas. « Pourtant, pour mieux partager en interne et promouvoir en externe la marque employeur, il convient d’y réfléchir, de la structurer, de faire des choix et de communiquer », conclut Thomas Chardin.