Recrutement Réservé aux abonnés

LA FIDÉLITÉ, ÇA S’ENTRETIENT !

Publié le 1 juin 2020
Par Yves Rivoal
Mettre en favori

Parce qu’ils sont plus performants que les autres, il y a au sein de votre équipe un ou deux collaborateurs que vous aimeriez fidéliser, mais sans froisser leurs collègues. Des experts en management vous indiquent la marche à suivre.

Avant d’envisager de fidéliser vos éléments les plus performants, il est essentiel de savoir ce qui les motive. « Comme tout chef d’entreprise qui se respecte, un pharmacien titulaire se doit de bien connaître ses salariés. Et cet adage vaut pour les meilleurs collaborateurs, mais aussi pour tous les autres, rappelle Charlotte Lacoley, présidente de Proactiv Pharma, une société spécialisée dans l’accompagnement des pharmacies d’officine en management, organisation des équipes et merchandising. Cette connaissance doit se construire au fil des entretiens individuels annuels, mais aussi au gré des discussions du quotidien qui montrent que l’on s’intéresse à eux, à leur ressenti au travail… »

Comprendre les facteurs de motivation.

Pour identifier les sources de motivation des collaborateurs, Sandra Chauvin, présidente d’Opale Conseil, un cabinet spécialisé dans l’accompagnement des officines, utilise la méthode “Soncas”, acronyme de “sécurité, orgueil, nouveauté, confort, argent et sympathie”. « Je soumets à chacun d’entre eux un questionnaire, qui va me permettre d’identifier leurs deux ou trois principales sources de motivation parmi ces six items. » Directrice de Paraphie, une société spécialisée dans le conseil en stratégie officinale, Laurence Ledreney-Grosjean administre, elle, aux équipes, un questionnaire “Soncas” sur une dizaine de thèmes. Et les résultats sont surprenants. « “Se sentir suivi, aidé et reconnu quand je suis performant” arrive toujours en première position des sources de motivation, devant “avoir une définition précise de mon rôle” et “travailler dans un climat détendu et convivial”, confie la consultante. Viennent ensuite “bénéficier de formations à l’accueil, au conseil ou aux techniques de vente”, “être responsabilisé sur une mission particulière”, ou “être responsable d’une action globale, de l’achat jusqu’à la vente”. La rémunération n’arrive qu’en avant-dernière position. »

Fixer des objectifs.

Une fois les sources de motivation identifiées chez le collaborateur que l’on souhaite fidéliser, il faut alors activer les bons leviers. « Si c’est le côté confort qui ressort, vous pouvez, par exemple, lui proposer des horaires aménagés pour lui permettre d’amener ou de récupérer ses enfants à l’école, suggère Sandra Chauvin. Si c’est la nouveauté qui constitue son moteur, il faut alors veiller à lui confier régulièrement de nouvelles missions, afin d’éviter l’ennui et la démotivation. S’il est sensible à l’orgueil, pour le valoriser, confiez-lui des missions qui nourriront cette appétence. » « Mais, il ne s’agit pas de lui attribuer une responsabilité et de le laisser se démener seul, ajoute Laurence Ledreney-Grosjean. Comme tout bon manager, vous devez lui fixer des objectifs, et lui donner le temps et les moyens de les réaliser. »

Opter pour une rémunération attractive.

Si la principale attente de ce collaborateur clé concerne la rémunération, Laurence Ledreney-Grosjean conseille de privilégier les challenges et les primes. « Vous pouvez, par exemple, lui confier le secteur des compléments alimentaires, parce qu’il affiche une vraie appétence pour cette catégorie, en lui indiquant qu’il percevra une prime s’il parvient à faire progresser les ventes de 3 %. » En revanche, la consultante se montre plus réservée sur les augmentations de salaire. « Il faut bien entendu les envisager, car un chef d’entreprise se doit de rémunérer correctement ses salariés. Mais, cela ne doit pas constituer la panacée. Bien souvent, la rémunération n’est qu’une motivation immédiate, qui cache une attente plus profonde. »

Nommer des managers intermédiaires.

La mise en place d’un management intermédiaire peut également constituer un levier de fidélisation efficace. « Le simple fait de désigner un responsable pour le front et le back-office va apporter de la valeur aux deux collaborateurs mis en avant. Mais, il faut faire attention à la manière dont les choses sont présentées, pour ne pas froisser le reste de l’équipe », souligne Charlotte Lacoley. Un avis partagé par Laurence Ledreney-Grosjean. « Il faut être transparent sur les raisons qui ont conduit à la mise en place de ce management intermédiaire. Lors d’une réunion d’équipe, il faut expliquer qu’elle est liée à l’évolution de la pharmacie, à la stratégie du titulaire, et qu’elle s’inscrit dans un projet de réorganisation de l’entreprise. En aucun cas, il ne faut justifier ces nominations par rapport aux personnes concernées. » Une fois les managers installés, le titulaire ne doit surtout pas empiéter sur leur périmètre. « Dans une grosse pharmacie où j’étais directrice de la parapharmacie, une préparatrice de mon équipe était allée voir la titulaire parce que je lui avais refusé un jour de congé, se souvient Laurence Ledreney-Grosjean. Et elle le lui avait accordé. J’étais allée la voir pour lui signifier qu’en faisant cela, elle m’avait fait perdre toute crédibilité auprès de mon équipe. »

Publicité

Créer une culture managériale commune.

Pour préserver la cohésion des troupes, la mise en place de ce management intermédiaire ne doit pas donner l’impression aux autres collaborateurs qu’ils sont laissés sur le bord de la route. « Chaque salarié doit se voir confier une tâche bien précise, afin que tout le monde puisse se dire qu’il a un rôle à jouer dans le développement de l’entreprise, et qu’il est, lui aussi, un maillon important dans la réussite du projet », conseille Charlotte Lacoley. Sandra Chauvin rappelle, elle, que pour garantir l’équité, il faut mettre en place un processus managérial commun. « Le système d’accompagnement des collaborateurs doit être le même pour tout le monde. Avec comme colonne vertébrale, le recueil des appétences et des souhaits de chaque collaborateur et la fixation d’objectifs lors des entretiens annuels. Et c’est en fonction de l’atteinte ou non des objectifs que l’on va activer les leviers de fidélisation pour les plus performants. Ces signes de reconnaissance pourront, alors, se justifier par des indicateurs objectifs… », conclut la consultante.

Trois axes : communiquer, déléguer et former

Des questionnaires Soncas “sécurité, orgueil, nouveauté, confort, argent et sympathie” qu’elle utilise pour accompagner une pharmacie, Charlotte Lacoley, présidente de Proactiv Pharma, a retiré des grandes tendances. « Pour fidéliser ses meilleurs éléments, il faut en général activer trois leviers principaux. Le premier, c’est la communication. Le titulaire doit être à l’écoute, prendre dix minutes par-ci par-là, pour échanger sur leur état d’esprit, leur ressenti, leurs souhaits d’évolution… Mieux vaut également instaurer des feed-back réguliers et ne pas hésiter à les féliciter lorsqu’ils ont pris une bonne décision. » Le deuxième axe prioritaire, pour Charlotte Lacoley, c’est la délégation. « Un collaborateur performant est souvent extrêmement motivé et comprend le projet de l’entreprise. Il ne faut donc pas hésiter à lui confier des missions dont il aura l’entière responsabilité. Il y verra un signe de confiance », souligne la consultante qui invite aussi à ne pas négliger le volet formation. « Pour rester impliqué et motivé, un bon élément a besoin d’utiliser les talents qu’il a déjà acquis, mais aussi d’en développer de nouveaux », rappelle Charlotte Lacoley.