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La bonne posture face au « loud quitting »

Publié le 1 octobre 2023
Par Audrey Fréel
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Le loud quitting semble gagner du terrain dans les pharmacies, alors que le marché de l’emploi est aujourd’hui favorable aux salariés. Pour s’en prémunir, les titulaires doivent veiller au bien-être de leur équipe et à instaurer le dialogue dès que possible.

Le loud quitting fait de plus en plus de bruit dans le monde du travail. Signifiant « démission bruyante », ce terme désigne le comportement d’un salarié qui quitte son employeur en exprimant haut et fort ses griefs et qui n’hésite pas à ternir la réputation de l’entreprise à l’extérieur, notamment sur les réseaux sociaux comme LinkedIn. Certains vont même jusqu’à adopter cette conduite pour négocier des avantages. « Ce phénomène n’est pas nouveau mais il est aujourd’hui utilisé de façon plus stratégique. Cela peut être considéré par certains salariés comme une technique de négociation pour obtenir des avantages et non pas comme une démarche qu’on adopterait avant de démissionner », confirme Marine Parnet-Geille, coach professionnelle au sein du cabinet de conseil et de coaching Prosodie. Et les pharmacies ne dérogent pas à la règle. « Le loud quitting y prend de plus en plus d’ampleur, car le marché de l’emploi est clairement favorable aux salariés qui savent qu’ils retrouveront un travail facilement. Ils n’hésitent donc pas à exprimer leurs revendications », constate Thibault Winka, directeur général de Team Officine, une plateforme de recrutement en pharmacie. La crise sanitaire a également changé le rapport au travail, et de nombreux salariés aspirent aujourd’hui à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. « L’état du marché du travail et la communication faite autour de la vague de démissions et des reconversions post-Covid peut expliquer cette posture que certains salariés choisissent d’adopter », analyse Marine Parnet-Geille. Et Thibault Winka d’ajouter : « Pour la nouvelle génération, le CDI n’est plus forcément un graal. Par ailleurs, les réseaux sociaux ont tendance à amplifier ces sujets, il y a un effet d’entraînement. »

Un risque majeur pour la pharmacie.

Le loud quitting n’est pas à prendre à la légère car il peut mettre à mal la pérennité de l’officine. « Le risque principal est un effet de contagion au niveau de l’équipe. La capacité d’influence peut être dangereuse et cela peut venir chambouler l’organisation interne », met en garde Thibault Winka. Les conséquences peuvent aussi se faire sentir à l’extérieur. « Cela peut être très néfaste pour la marque employeur et la réputation de la pharmacie qui pourrait avoir du mal à recruter. Cela génère un stress important pour le titulaire et son équipe », pointe Pascale Hauet, pharmacienne et coach spécialisée en pharmacie chez Pragmatic RH. Cette dernière cite l’exemple d’une petite officine avec laquelle elle a été amenée à travailler : elle avait un effectif de quatre personnes (y compris le titulaire) et a perdu en un mois ses trois salariés. « Cela a mis en péril la pharmacie qui a dû réaliser des recrutements à la va-vite », indique la coach. Les experts RH interrogés ont décelé plusieurs motifs potentiellement à l’origine du mécontentement des salariés : la rémunération, la charge de travail, la qualité de vie au travail ou encore le manque de responsabilités. « Il peut y avoir différentes raisons : une histoire de planning, de congés, de salaire… Mais en général la cause profonde est souvent liée à un problème de reconnaissance », résume Pascale Hauet. Par ailleurs, certains titulaires n’ont pas été assez bien formés aux techniques de management et se retrouvent démunis face à ce genre d’événement. « Le loud quitting est la manifestation d’une émotion et la conséquence d’un besoin non assouvi. Or, le rôle du responsable est d’anticiper pour éviter que cette situation n’apparaisse », indique Marine Parnet-Geille.

Prévenir et agir.

Pour parer ce genre de désagréments, il est essentiel d’accorder du temps à la gestion du personnel et de mesurer régulièrement le climat social de l’équipe. « Il est primordial de faire du management préventif et non curatif, en réalisant des rendez-vous de suivi pour mieux connaître chacun des salariés. Il faut prendre soin de son équipe et veiller au bien-être de tous », explique Pascale Hauet. Certains process formels, tels que les entretiens individuels annuels ou encore les réunions d’équipe, peuvent permettre de détecter des signaux d’alerte et d’agir rapidement pour éviter que la situation ne dégénère. « Il est aussi important de discuter régulièrement, de façon informelle, avec ses salariés et de leur demander leur avis sur certains points. Les inclure dans la vie et les décisions stratégiques de la pharmacie est très valorisant pour eux », estime Thibault Winka. Si malgré toutes ces précautions, un titulaire fait face à un phénomène de loud quitting, il doit prendre les devants et adopter l’attitude adéquate. « Lorsque la situation est installée, il ne faut pas faire l’autruche et ne pas réagir à chaud pour ne pas être dans une posture trop défensive, écouter les revendications, se poser et y réfléchir pour prendre les bonnes décisions », conseille Thibault Winka. S’il peut être tentant de répondre de manière agressive, mieux vaut s’en abstenir afin de ne pas envenimer les rapports. « La première chose à faire est de créer un espace de discussion sain. Il ne faut pas être dans l’accusation ni les reproches. Il peut être opportun de faire appel à un tiers qui jouera le rôle de médiateur et pourra rationaliser les demandes », ajoute Marine Parnet-Geille. Même si le salarié compte démissionner, le fait de se quitter en bons termes aura moins d’impact sur la marque employeur. Lorsqu’un salarié pratique le loud quitting dans le but d’obtenir un avantage, il convient d’analyser les doléances au cas par cas. Le titulaire peut choisir d’y répondre favorablement, s’il considère que la demande est justifiée. Avec toutefois un point de vigilance : « Si l’on accepte les revendications du salarié qui pratique le loud quitting, cela peut être un mauvais signal pour les autres, qui pourraient être tentés de procéder de la même façon », avertit Pascale Hauet. Dans un environnement de travail en pleine mutation, les titulaires doivent aujourd’hui adapter leur méthode de management.

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ZOOM SUR LE « QUIET QUITTING »

S’il semble faire moins de vagues que le loud quitting, le quiet quitting peut sérieusement impacter le fonctionnement d’une organisation. Ce phénomène consiste à faire le minimum au travail et à le revendiquer sur les réseaux sociaux. « Les situations de quiet quitting peuvent être visibles dans les pharmacies, ce qui peut peser sur l’ambiance générale car les charges de travail se déportent sur les autres salariés », indique Thibault Winka. Dans ce cas, il convient de mettre en place des solutions pour motiver le salarié qui pratique le quiet quitting. « Lorsqu’un employé est désengagé à ce point, il peut parfois être intéressant de changer de posture et de lui donner plus d’autonomie dans son travail », explique Pascale Hauet. Pour la coach, le responsabiliser peut permettre de l’impliquer davantage. « Les situations de désengagement au travail sont souvent générées par des managers qui ne sont pas en capacité de déléguer », observe-t-elle.