CDD comme « contrat au pic d’activité déterminé »

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CDD comme « contrat au pic d’activité déterminé »

Publié le 19 janvier 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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Un contrat à durée déterminée (CDD) peut être utilisé pour faire face à un surcroît d’activité saisonnière à condition de pouvoir le justifier par des arguments objectifs. Au risque de le voir transformer en un contrat à durée indéterminé (CDI).

Les faits

M. Y. est engagé en tant qu’opérateur de production « vrac » par la société SP, spécialisée dans l’élaboration de vaccins contre la grippe. Il signe un contrat à durée déterminée (CDD) du 5 février au 27 avril 2018, renouvelé plusieurs fois jusqu’au 26 avril 2019. Entre le 16 septembre 2019 et le 26 avril 2020, il effectue un contrat de mission auprès de la société A, qui le met à la disposition de la société SP. Le poste de M. Y. est inchangé. Le 16 janvier 2020, M. Y. saisit le conseil de prud’hommes pour faire requalifier son CDD en contrat à durée indéterminé (CDI).

Le débat

Selon le Code du travail, le contrat de travail est nécessairement à durée indéterminé, sauf si la relation entre les parties s’inscrit dans un cas limitativement énuméré par les articles L. 1242-2, L. 1242-3 et L. 1242-4 dudit code. Si l’employeur ou la future relation de travail s’inscrit dans l’une de ces hypothèses, alors le contrat peut être à durée déterminée. L’une des possibilités pour conclure un CDD est le caractère saisonnier de l’emploi. C’est le cas quand « les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ». La Direction générale du travail a précisé dans une note que « les variations d’activité doivent être régulières, prévisibles, cycliques et indépendantes de la volonté des employeurs ou des salariés ». Dans ce cas précis, M. Y. a démontré que la fabrication du vaccin s’étale sur près de huit mois avec une cessation complète de l’activité pendant seulement quatre mois. Il estime que ces preuves sont suffisantes pour réfuter la position de la société SP, qui qualifie son activité de production de vaccins contre la grippe saisonnière. Elle appuie son argumentation sur le fait que, chaque année, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit les souches devant constituer le vaccin avec une modification bi-annuelle de celles-ci. Mais, le 13 avril 2023, la cour d’appel de Rouen requalifie les CDD de M. Y. en CDI. Les magistrats retiennent que l’emploi occupé par le salarié est en réalité lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. La société SP forme alors un pourvoi en cassation.

La décision

Le 6 novembre 2024, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel. Les hauts magistrats reprennent les constats réalisés par les magistrats de la cour d’appel à partir des preuves apportées et soulignent que la production du vaccin contre la grippe représente près de 35 % de l’activité de la société SP. Ils ajoutent que « l’étape de fabrication des souches du vaccin, à laquelle les salariés étaient affectés en qualité d’opérateur de production “vrac”, avait une durée quasiment ininterrompue chaque année, de septembre à juin, à l’exception d’une courte période de suspension entre fin décembre et mi-janvier. Le site de production étant fermé entre la fin du mois de juin et le début du mois de septembre ». Ces éléments permettent de fait de considérer que l’activité de production de vaccin contre la grippe n’est pas une activité saisonnière pour l’entreprise SP. Les salariés doivent donc être embauchés en CDI. Une décision intéressante qui rappelle qu’en cas de recours au CDD pour faire face à une activité saisonnière un employeur confronté à un litige se doit de démontrer en quoi cette activité est saisonnière au regard de sa comptabilité et de ces périodes d’ouverture notamment.

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Source : Cass. soc., le 6 novembre 2024, n° 23-16.163.

À retenir 

  • Un employeur peut conclure un contrat à durée déterminée (CDD) pour faire face à une activité saisonnière, c’est-à-dire pour assumer « des tâches qui sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ».
  • En cas de litige, il revient à l’employeur de justifier en quoi les missions réalisées par le salarié étaient saisonnières à partir d’éléments objectifs.
  • Faute de preuves suffisantes, le contrat sera requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI).