Attractivité de la pharmacie : les chiffres dévoilent une profession sous tension

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Attractivité de la pharmacie : les chiffres dévoilent une profession sous tension

Publié le 11 juillet 2023
Par Anne-Hélène Collin
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La situation démographique des pharmaciens n’est pas alarmante, mais pourrait le devenir. Pour garantir une démographie pharmaceutique suffisante et relancer l’attractivité de la profession, l’Ordre des pharmaciens a quelques idées sous le coude.

Au 1er janvier 2022, l’Ordre comptait 73 795 pharmaciens inscrits au tableau, toutes sections confondues, soit une baisse de 0,3 % en un an, mais sur 10 ans, c’est une hausse de 1,4 %. « Cette évolution du nombre de pharmaciens, globalement stable dans le temps, n’est que faussement rassurante et il convient de regarder ces chiffres à la loupe pour expliquer les difficultés et les tensions de recrutement croissantes rencontrées aujourd’hui par toutes les filières de la pharmacie », avertit pourtant la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (Cnop), Carine Wolf-Thal, ce 11 juillet lors de la présentation du panorama 2022 de la démographie des pharmaciens.

Trompe l’œil 

« Il s’agit en effet d’une photographie en trompe l’œil », a poursuivi Carine Wolf-Thal. Pour preuve, les 15 000 postes non pourvus en pharmacie d’officine (sources syndicales) et, pour le secteur pharmaceutique, la place non enviable de deuxième secteur ayant le plus de difficultés à recruter en 2023 (pour la pharmacie selon Pôle Emploi – derrière les couvreurs et couvreurs zingueurs qualifiés -, chiffres auxquels il faut ajouter la baisse des nouveaux inscrits à l’Ordre (- 8 % depuis 2021), la hausse des radiations (+ 24 % en 10 ans), et les 1 200 places en 2e année d’étude de pharmacie non pourvues en 2022/2023. Le tout dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation des besoins en matière de soins.

« Cette évolution couplée à l’apparition croissante de difficultés d’accès aux soins demande une nouvelle organisation associée à des délégations de tâches supplémentaires pour répondre aux besoins de la population », résume Carine Wolf-Thal. Encore faut-il avoir « des ressources humaines suffisantes et un renouvellement générationnel continu et garanti », ajoute la présidente car « si cette tendance se poursuit, la part des 25-30 ans ne parviendra pas à compenser les nombreux départs à la retraite, et ceux à venir qui sont masqués par l’allongement des carrières. »

Attirer et faire rester

Pour autant, il n’y a pas de « désamour » pour la pharmacie, explique Carine Wolf-Thal. « Sur les 2 039 pharmaciens diplômés à l’étranger, 1 104 sont de nationalité française et reviennent exercer sur notre territoire. Cela confirme que cette chute des inscriptions n’est pas seulement la conséquence d’un désintérêt de nos jeunes pour les métiers de la pharmacie mais bel et bien celle d’un problème d’attractivité général ou d’accès aux études de santé en France. »

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Et pour « redynamiser » l’attractivité des métiers de la pharmacie, l’Ordre propose, pour les futurs étudiants, d’améliorer la lisibilité du parcours d’accès aux études et de la visibilité de la pharmacie dans les choix de Parcoursup, déjà effectives. Plus largement, pour promouvoir les filières de la pharmacie auprès des jeunes, l’Ordre a complété et mis à jour les fiches métiers, en collaboration avec l’Onisep diffuse sur les réseaux sociaux des capsules vidéos « mettant en valeur le quotidien de chacun de nos métiers à travers les yeux d’un jeune pharmacien » et prévoit une nouvelle campagne de communication pour l’automne prochain.

L’Ordre travaille aussi à « simplifier et mieux adapter » les procédures de reconnaissance de diplômes étrangers : il envisage de lever la condition de nationalité pour tous les titulaires d’un diplôme européen à reconnaissance automatique, et d’adapter les conditions de reconnaissance des diplômes étrangers aux métiers de l’officine, de l’industrie et de la distribution en gros.

Autre grand chantier : la création de passerelles entre les métiers de la pharmacie. Le but n’est pas « de shunter les compétences », explique Carine Wolf-Thal, mais de permettre à un pharmacien souhaitant changer de filière d’acquérir les compétences ad hoc. « C’est une nécessité absolue de mettre une passerelle. C’est une question d’offre et de demande. Plus on ouvre les opportunités, plus on attire. Plus on ferme, plus les personnes vont vers d’autres métiers », explique la présidente de l’Ordre. Les travaux sont en cours, et la réunion du 12 juillet à l’Elysée avec l’Ordre, les syndicats, les étudiants en pharmacie et la conférence des doyens sur la réforme du troisième cycle pourrait être l’occasion d’en discuter.