Apprentissage : un pari gagnant

© Getty Images/iStockphoto

Recrutement Réservé aux abonnés

Apprentissage : un pari gagnant

Publié le 15 septembre 2022
Par Yves Rivoal
Mettre en favori

Face à la pénurie de candidats au poste de préparateur en pharmacie, vous envisagez de recruter en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation ? Petit rappel des avantages et inconvénients de ce mode de collaboration…

« Si les officines sont aujourd’hui confrontées à une pénurie de candidats sur le marché des préparateurs en pharmacie, c’est en partie parce qu’elles ne se sont pas suffisamment engagées dans leur formation ces dernières années », rappelle en préambule Guillemine Dubois, la directrice de l’Association nationale pour la formation professionnelle de la pharmacie (ANFPP). Thibault Winka, product manager de la plateforme de recrutement Team Officine, partage ce constat. « Il y a deux ou trois ans, la directrice du CFA pharmacie de Rennes m’avait confié qu’elle n’avait pas pu ouvrir de classe pour cette session, en raison du nombre insuffisant de pharmacies qui s’étaient engagées à prendre un apprenti. Résultat, deux ans plus tard, aucune promotion n’avait été mise sur le marché par ce centre. » « La première vertu de la formation en alternance, c’est qu’elle conditionne tout simplement le renouvellement des générations, renchérit Guillemine Dubois. Or, si les officines ne s’investissent pas davantage dans la formation des préparateurs, la pénurie pourrait encore s’aggraver. »

Une majorité de CDI en fin de contrat

Pour la directrice de l’ANFPP, le choix de l’apprentissage constitue le meilleur moyen de contourner la problématique de manque de main-d’œuvre. « Même si pendant ces deux années de formation, l’apprenti ne peut ni dispenser ni servir au comptoir, n’étant pas diplômé, il peut être affecté à la réception et au rangement des commandes, à la mise en rayon, à la préparation des ordonnances sous la supervision d’un préparateur ou d’un pharmacien… Il constitue donc un renfort appréciable dans une équipe déjà sous tension. » Pour Thibault Winka, le contrat d’apprentissage peut même être perçu comme une forme de prérecrutement. « Pendant deux ans, l’officine va investir dans la formation du jeune, en lui faisant découvrir les différentes facettes du métier et les coulisses de la pharmacie. Mais une fois son diplôme en poche, il connaît parfaitement l’équipe, les clients, les process, les services proposés à l’officine… Ce n’est donc pas un hasard si le contrat d’apprentissage se transforme presque toujours en une embauche en CDI. La jeune recrue est alors opérationnelle tout de suite et n’a pas besoin de temps d’adaptation… ».

La politique du sang neuf à moindre coût

Autre argument qui milite en faveur du contrat d’apprentissage : son coût. « L’aide exceptionnelle de l’Etat pour la première année d’apprentissage d’un montant de 5 000 € pour les apprentis mineurs, et de 8 000 € pour les majeurs, ayant été reconduite jusqu’au 31 décembre 2022, le prix à payer au final par l’entreprise ne dépasse pas quelques centaines d’euros par mois, rappelle Frédéric Aula, pharmacien et fondateur de la plateforme de recrutement ClubOfficine. Les pharmaciens auraient donc tort de se priver d’une solution qui va leur permettre de former une future recrue à leur image. » Pour Guillemine Dubois, la présence d’un apprenti au sein d’une officine a une dernière vertu. « L’apport de sang neuf se traduit souvent par un surcroît de motivation, de dynamisme et de fraîcheur au sein de l’équipe, assure la directrice de l’ANFPP. Et le fait de désigner un préparateur ou un pharmacien adjoint comme maître d’apprentissage, responsable du jeune pendant toute sa formation, constitue aussi un bon moyen de responsabiliser et de valoriser ce tuteur. »

Le risque zéro n’existe pas !

Si le contrat d’apprentissage offre de nombreux avantages, il ne faut pas occulter pour autant les quelques inconvénients qu’il pose. « Plusieurs titulaires m’ont confié qu’ils ne formeraient plus d’apprentis à l’avenir, raconte Frédéric Aula. Le manque de motivation des jeunes les a dégoûtés. L’un d’entre eux m’a expliqué que son apprentie se mettait systématiquement en arrêt maladie en fin de semaine, lorsque commençait sa période de travail à l’officine. Or, c’est extrêmement compliqué de mettre un terme à un contrat d’apprentissage avant la fin. » Pour éviter ce genre de mauvaises surprises, Frédéric Aula conseille aux pharmaciens de recruter en CDD, pendant l’été, le futur apprenti en tant que rayonniste, pour évaluer sa motivation et voir comment il s’intègre dans l’équipe. Si l’apprenti préparateur dispose des mêmes droits et devoirs que les autres collaborateurs de la pharmacie, son rôle et ses missions ne peuvent pas être les mêmes puisqu’il est considéré comme un salarié en formation. « Première différence : il n’est pas présent en permanence à l’officine, rappelle Guillemine Dubois. Tout au long de sa formation, il ne pourra pas servir au comptoir et devra travailler le plus souvent sous la supervision de son maître d’apprentissage, d’un préparateur ou d’un pharmacien. Il ne faut pas oublier qu’il est là pour apprendre. » « L’apprentissage demande aussi un réel investissement, ajoute Thibault Winka. Certaines choses ne s’apprennent que par transmission. Il faut donc que le titulaire accepte que le maître d’apprentissage et le reste de l’équipe lui consacrent du temps pour le former. » Un investissement qui n’est malheureusement pas toujours payé en retour. « Si les apprentis préparateurs sont presque toujours recrutés en CDI à la fin de leur alternance, rien ne les oblige à rester. La pilule est alors difficile à avaler, car les titulaires ont le sentiment d’avoir formé le jeune pendant deux ans pour rien. Pour éviter ce genre de scénario, il faut tout simplement jouer le jeu de la formation et donner l’impression à l’apprenti qu’il fait vraiment partie de l’équipe. En espérant que cela lui donne l’envie de continuer l’aventure avec vous… », conclut Frédéric Aula.

Publicité