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Un trio allegretto
Carole Verdin joue la partition de sa vie sur trois notes de cœur : sa sœur Elza, son cheval Néo et sa flûte traversière. Sous son sage carré blond, cette jeune apprentie en seconde année au CFA de Douai affiche une vitalité démesurée.
La musique adoucit les mœurs, dit-on. Pour Carole Verdin, elle rythme un parcours qui n’a rien d’un long fleuve tranquille. La flûte est entrée dans sa vie sans crier gare, lors d’une présentation scolaire. « Je ne viens pas d’une famille de musiciens, j’ai découvert les instruments en classe, j’avais 8 ou 9 ans. La flûte m’a charmée par la grâce et la légèreté des sons. L’élégance de la position de la flûtiste m’a aussi attirée. » Après un an de solfège, commencent les premières gammes, les premiers couacs… et les premières satisfactions. D’abord, tirer des sons d’un tuyau métallique, puis reproduire des mélodies et exprimer des émotions. « Dépasser la simple exécution technique et faire ressentir, par la nuance du jeu, une expression, un sentiment, est un défi que je me plais à relever », confie-t-elle. Elle réalise un parcours sans faute, rejoint la classe d’orchestre des jeunes et ajoute à son diplôme de fin d’études, il y a quatre ans, un deuxième prix d’excellence à Paris.
La valeur n’attend pas le nombre des années. Le hasard d’une annonce a vite remis Carole sur le chemin d’une école de musique en tant que professeur : « J’ai été surprise de passer aussi vite de l’autre côté de la barrière, honorée de la confiance que me faisait le directeur de l’école de Loos-en-Gohelle (62). » Elle appréhende sa première rentrée de prof : « J’étais un peu angoissée à l’idée de trouver le juste ton, entre compréhension et autorité. » Ses craintes sont balayées par l’attention de ses élèves, leur désir d’apprendre et les bonnes relations avec leurs mères, « qui sont devenues de véritables fans ! » À raison d’une demi-heure par élève, chaque vendredi, entre 17 et 20 heures, Carole enseigne la technique, corrige les doigtés et transmet à cinq jeunes ses joies de flûtiste. Elle aborde cette troisième année avec sérénité et enthousiasme : « La flûte me procure un double plaisir. Celui de jouer, notamment en soliste, comme cette année à l’orchestre dans Pierre et le loup, et celui de transmettre. Me sentir importante pour quelqu’un me donne de la valeur. »
Un rebondissement en douceur. Carole a endossé avec talent l’habit du pédagogue, jetant aux oubliettes les déconvenues de ses années d’études : l’échec au concours de vétérinaire, le passage en fac de biologie qui ne répond pas à ses goûts, « on travaillait sur des cellules d’asticot, on ne s’intéressait pas aux animaux en eux-mêmes ». Transformer en temps plein son boulot d’étudiante dans la restauration était alors possible, mais elle a préféré retourner à sa passion pour le vivant, « contribuer au soin sans intervenir moi-même sur le corps ». La pharmacie et l’alternance s’imposent. À l’aise dans les contacts avec la clientèle, elle trouve « quatre ou cinq pharmacies l’acceptant comme apprentie ». Elle n’a aucun mal à s’intégrer au sein de l’équipe d’une officine d’Arras (62), six femmes, avec qui le courant passe bien. Ses connaissances vétérinaires sont mises à profit, on sollicite d’autant plus ses conseils qu’elle a une expérience pratique. « Je renoue en douceur avec mon projet d’origine », remarque-t-elle, sereine. Son attirance pour les animaux remonte aux séjours dans la ferme de son oncle, qui lui a appris à monter des chevaux. À l’époque, pour des raisons financières, pas question de pratiquer régulièrement, jusqu’aux années de classe préparatoire au concours de vétérinaire : « Avec mes colocataires, nous montions une fois par semaine. » Elle perfectionne sa technique, saute en concours, jamais rebutée malgré les chutes. Et rêve de posséder son propre cheval… Elle écume alors les écuries et manèges de la région, dans l’espoir de trouver un propriétaire bienveillant avec qui elle partagerait l’entretien d’une monture.
Galopin de la Tour, Néo pour les intimes. Le propriétaire d’un haras « sans chichis » accepte de lui confier, « contre bons soins », un certain Galopin de la Tour. Son nom traduit une belle ascendance, mais il a toujours été surnommé Néo. Quand elle le découvre, il lui semble « triste et abandonné. Il n’avait pas été monté depuis deux ans ». Suit un mois d’essai, pour s’apprivoiser mutuellement et prendre sa décision, juste au moment de la rentrée au CFA ! « Il était infernal, n’arrêtait pas de se cabrer. J’ai tenu bon et au bout de quinze jours, j’ai senti que la relation entre nous était sauvée. » Voilà comment ce cheval de selle français à la robe bai brun est devenu le sien, à l’automne 2010. Carole retrouve Néo – en pâture l’été, l’hiver à l’écurie –, le monte, le sort, le soigne. Des plaisirs qu’elle partage avec sa sœur Elza, de trois ans sa cadette. Sur un mode particulier.
De l’énergie pour deux. Tout ce que fait Carole, c’est pour Elza, frappée par la neurofibromatose à l’âge de 6 ans. Ce cancer la prive d’abord de la vue et les traitements successifs, chimio en tête, ont de lourdes conséquences invalidantes. « Ma sœur a une telle force qu’elle me pousse à aller de l’avant. Malgré sa souffrance, jamais je ne l’ai entendue se plaindre », confie la jeune femme. Cette épreuve a soudé les deux sœurs à jamais, dans une relation que Carole qualifie de « fusionnelle ». Elle a parfois le sentiment que c’est « le monde à l’envers », comme récemment quand une blessure au doigt a nécessité un passage aux urgences. « C’est Elza qui m’a soutenue, s’inquiétant de ma douleur, note-t-elle avec reconnaissance. Chaque matin, c’est elle qui me motive. » La déception après l’échec au concours de vétérinaire, la période d’incertitude professionnelle… Carole les a surmontées pour et avec Elza. Les joies de la cavalière, les satisfactions de l’enseignante de flûte, Carole les savoure avec elle et les lui dédie. Une façon d’alléger à deux la partition de la vie. Et d’envisager un avenir allegretto entre flûte et cheval.
Portrait chinois
• Si vous étiez un végétal ? Je n’aime pas les fleurs. Alors, un yucca. C’est un bel arbre harmonieux, imposant. Vite à l’aise, j’ai tendance à être bavarde, à m’imposer sans pour autant rester longtemps au même endroit. J’aime bouger.
• Une forme galénique ? Un gel frais, facile à appliquer. Parce qu’il s’adapte bien à la situation.
• Un médicament ? Qui redonnerait la vue. Ma sœur est aveugle depuis l’âge de 6 ans à cause d’une maladie du nerf optique. Elle en a 18 aujourd’hui.
• Un dispositif médical ? Un stérilet pour mieux maîtriser la sexualité car je suis tête en l’air et fais trop de choses.
• Un vaccin ? Contre la neurofibromatose, maladie de ma sœur. Je ressens de l’injustice face aux cancers chez les enfants.
• Une partie du corps ? Les jambes parce que c’est synonyme de capacité, de courir, de se défendre. J’ai envie de faire des tas de choses.
Carole Verdin
Âge : 22 ans.
Formation : 2e année de BP de préparatrice en pharmacie à Douai (59).
Lieu d’exercice : Arras (62).
Ce qui la motive : aller de défi en défi.
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