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- Un préparatoire, pour quoi faire ?
Paradoxe Le Code de la santé publique impose un préparatoire dans toutes les pharmacies alors qu’il est rarement, voire pas du tout utilisé dans la majorité des officines. « Neuf pharmacies sur 10 s’en servent peu ou pas, il y a une hypocrisie à ce sujet », relève Olivier Delétoille expert-comptable du cabinet AdequA. Un sentiment partagé par Antoine Marchant, expert de la distribution et cofondateur de la chaine de pharmacies naturelles Anton & Willem. « En général les Agences régionales de santé (ARS) imposent 4 à 6 m2 pour le préparatoire, c’est trop ou pas assez. Mieux vaut ne pas réaliser de préparations si on n’en a pas les moyens, sans un local vaste, un logiciel de traçabilité, une hotte aspirante… », insiste l’ingénieur agronome. Il se souvient par ailleurs de la pharmacie de sa femme dont telle formule n’avait jamais la même apparence d’une fois sur l’autre…
Au contraire, certaines officines font des préparations une spécialité. Telle la Pharmacie Maginot à Tours (voir notre numéro de novembre 2015), qui déploie ses préparatoires à l’étage. Au total, 100 m2 sont répartis en trois pièces pour l’allopathie, l’herboristerie l’homéopathie. Aujourd’hui, le titulaire est même devenu sous-traitant en préparations homéopathiques.
Rôle imparti
Chacune des quelque 2 2000 pharmacies de France ne peut devenir sous-traitante. Pour autant, les préparations peuvent devenir une spécialisation de l’officine « Il est intéressant d’aller chercher de nouveaux marchés. Un pharmacie peut tout à fait développer le préparatoire comme d’autres travaillent particulièrement le bébé, les seniors ou la femme ménopausée », estime Olivier Delétoille. Ce spécialiste des bilans voit dans cette pièce la possibilité de constituer la base d’une stratégie de différenciation. Aussi, une préparatoire peut aider à proposer une offre « home made » (tisanes à la marque de l’officine par exemple).
Rentabilité à la clé
En bon spécialiste des chiffres, Norbert Seize, expert comptable, directeur de KPMG Entreprises Côte d’Azur, rappelle l’intérêt économique des préparations. « Mais pour développer son préparatoire, il faut avoir gardé le savoir faire, y consacrer au moins une heure par jour, et s’assurer d’avoir la clientèle adéquate. Dans ce cas, l’activité est rentable immédiatement, avec des marges qui se situent entre 60 et 75 % », précise-t-il, conscient que les pharmacies centrées autour des préparations seront minoritaires demain. Le préparatoire peut donc être une bonne affaire. La marge est seulement affectée par le salaire d’une personne qualifiée et formée en continu, et par la surface allouée. Mais il existe des endroits où le prix du m2 est peu contraignant…
Outil de valorisation
Une fois décidé le rôle du préparatoire dans la stratégie (pour les préparations, l’image médicale, ou comme service au client…), reste à le communiquer à la clientèle. Cela passe par la présentation des préparations sur le site web de l’officine, en vitrine, et dans le point de vente. Et ce, avec des mots compréhensibles par tous. Par exemple : « Ici nous réalisons des pommades pour les sportifs », « Votre pharmacien est compétent et équipé pour fabriquer des granules d’homéopathie ». Et ce discours devra être relayé au comptoir par l’ensemble de l’équipe, bien sûr…
Elément différenciant
Le préparatoire peut même être installé au cœur même de la surface de vente. Les textes ne l’empêchent pas, précisant que son emplacement doit être adapté et réservé à l’exécution des préparations. « Montrer le préparatoire peut être une très bonne idée car cela valorise l’ancrage médical du pharmacien », souligne Antoine Marchant avant d’avertir : « Mais dès lors, l’endroit devra être toujours nickel. Sinon gare aux effets négatifs sur l’image. Il faut idéalement en permanence quelqu’un dedans en train de travailler. » Quitte à ne pas rentrer exactement dans les clous de la réglementation, certains titulaires choisissent de modifier le rôle du préparatoire (lire les initiatives). Ces pièces deviennent des outils de communication pour valoriser la spécialisation en produits naturels de l’officine. On sort alors de la notion stricte de préparatoire, souvent hypocrite… « L’espace peut ainsi devenir une pièce pour le petit chimiste ou le petit herboriste. Ce peut être un bon élément conceptuel », selon Antoine Marchant. De fait, le rôle du préparatoire est d’autant plus pertinent qu’il est le résultat d’une réflexion incluse dans la stratégie générale de l’officine.
LE CAS DU MOIS
Comme dans la plupart des pharmacies, votre préparatoire ne sert qu’une fois par mois… et encore ! Avec les normes de sécurité demandées, vous avez fait le choix de sous-traiter. Résultat, votre préparatoire est devenu un laboratoire fantôme. Il prend de la place en back-office pour peu d’utilité. Du coup, à l’opposé de sa vocation scientifique, il sert de salle pour la pause café, de zone de rangement… Quelque chose ne tourne pas rond. Si ça continue, ça va devenir un fourre-tout ! Vous aimeriez tirer parti de cet espace. Oui, mais comment ? A l’heure où la rentabilité prime, faut-il le repenser pour l’utiliser dans sa fonction première, ou en faire une zone pour d’autres activités ? Voici quelques pistes et bonnes idées…
LES EXPERTS
Norbert SeizeEXPERT COMPTABLE CHEZ KPMG CÔTE D’AZUR
Antoine MarchantFONDATEUR DE L’ENSEIGNE ANTON & WILLEM
Olivier DelétoilleEXPERT COMPTABLE DU CABINET ADEQUA
AH OUI !
Valoriser le préparatoire. A l’heure où chaque point de marge compte, où les mètres carrés sont optimisés, le préparatoire doit avoir sa raison d’être. Quitte à le détourner de sa fonction originelle.
OH NON !
Evincer le préparatoire du plan d’une officine. Si les obligations concernant cette pièce varient selon les ARS, sa présence est rendue obligatoire par le Code de la santé publique.
INITIATIVEUn atelier visible dans la Pharma Bio
Aujourd’hui on voit le boulanger travailler son pain, le cuisinier préparer les menus, c’est dans l’air du temps. Dans mon officine, j’aime bien l’idée que le métier de base soit visible. Ce n’est pas secret et cela interpelle les gens », confie Hélène Ferembach, titulaire de la Pharma Bio à Limeil-Brévannes. Son préparatoire est installé au fond de l’officine, surmonté de la signalétique « Herboristerie ». Il se donne à voir derrière une baie vitrée. On y aperçoit régulièrement la titulaire préparer des mélanges d’huiles essentielles, ou encore un client enrhumé invité là le temps d’une séance d’inhalation. La pharmacienne utilise aussi cette pièce pour les animations sur l’aromathérapie, mais pas que. Une journée par mois un maquilleur, une socio-esthéticienne ou encore une sophrologue investit les lieux. Le makeup artist enchaine les rendez-vous individuels. Les autres accueillent des groupes pour qui la titulaire prépare des goodies, comme un roll on relaxant aux huiles essentielles par exemple. Le détournement du préparatoire a très vite été repéré par les clientes qui se renseignent sur les prochains ateliers.
INITIATIVEUne image de marque pour la Pharmacie Normand
Les préparations, je n’en fais aucune, je les sous traite toutes. Car pour suivre les vraies bonnes pratiques, il faudrait un vrai laboratoire. Toutefois dans mon officine, j’ai voulu montrer un de nos métiers. Ici nous vendons des huiles essentielles au millilitre, c’est cela que l’on met en scène », explique Florence Normand, titulaire de la Pharmacie Normand à Céret. Ici, la pièce du préparatoire se situe dans l’espace de vente près des comptoirs, et prend la forme d’une alcôve vitrée. Depuis les allées de la pharmacie, on y voit une sorte de commode d’apothicaire surmontée de pots de porcelaine. En réalité, la pharmacienne a fait poser un bloc de résine blanc sur des meubles Ikea auxquels ont été ajoutées des poignées pour simuler des tiroirs. Elle y entrepose ses 60 huiles essentielles. Son but : montrer qu’elle est spécialiste de l’aromathérapie et rappeler le métier originel du droguiste, qui connait les matières premières. « J’ai beaucoup réfléchi à cet endroit, il faut qu’il représente l’image de marque de l’officine », résume Florence Normand.
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