Trop-plein d’émotions : apprendre à y faire face

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Trop-plein d’émotions : apprendre à y faire face

Publié le 12 mai 2022
Par Yves Rivoal
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Clients agressifs, pics d’activités… Depuis plus de deux ans, les équipes officinales sont sous pression et confrontées à un surplus d’émotions. Comment identifier un collaborateur en surcharge émotionnelle ? Comment l’aider à retrouver son équilibre et préserver ses collègues ? Conseils d’experts…

« ll n’y a pas d’émotions négatives ou positives… La joie, la tristesse, la peur, la colère… Toutes les émotions, même celles qu’on aimerait bien ne pas ressentir, sont utiles car elles nous aident à avancer dans la vie. Elles constituent même le moteur de toutes nos actions et nous avertissent lorsque quelque chose va se produire », rappelle Hélène Salaün, coach certifiée en process communication et harmoniste d’entreprise. « Les émotions sont aussi un bon indicateur de notre état intérieur. Parfois, se mettre en colère est un mal nécessaire si l’on ne veut pas accumuler les frustrations ou les besoins insatisfaits ou non respectés », ajoute Karine Guiraud, experte en gestion des émotions et risque humain en entreprise. Mais, les émotions ne sont pas conçues pour durer dans le temps. « Quand une difficulté émotionnelle se transforme en stress ponctuel pendant trois jours, cela ne pose en général pas de problème car le corps puise dans ses réserves. En revanche, si la situation devient intense et chronique, l’organisme se vide de ses ressources et ne peut plus s’adapter. Des signes de mal-être physique et psychique peuvent alors apparaître », souligne Nadine Sciacca, auteure, conférencière et coach experte en intelligence émotionnelle et relationnelle.

Quand la coupe déborde

Les émotions s’invitent aussi dans la sphère professionnelle. « Face à un client désagréable ou agressif, le personnel officinal ne peut ni partir en courant, ni l’affronter en lui criant dessus. Et si vous êtes confronté depuis plusieurs mois à ces situations, vous êtes obligé de mettre le couvercle sur vos émotions. Jusqu’au jour où la cocotte-minute explose. Vous pouvez alors basculer dans un état de fatigue chronique, une dépression, un burn-out ou une maladie psychosomatique… », explique Nadine Sciacca.Certains changements de comportement doivent alerter le manager. « Lorsqu’un salarié habituellement d’humeur égale passe brusquement et fréquemment du rire aux larmes, il faut s’inquiéter ! Idem s’il devient irritable ou s’il se replie sur lui même », note Karine Guiraud. « Le collaborateur devient aussi moins efficace, il commet des erreurs inhabituelles, les relations avec les collègues ou les clients se dégradent…, ajoute la coach. Petit à petit, la démotivation s’installe et la situation peut devenir ingérable. Les retards le matin pour cause d’insomnie s’accumulent, les arrêts de travail se multiplient… »

Etre à l’écoute

Pour éviter d’en arriver là, il faut être à l’écoute des signaux faibles et réagir au plus vite« Vous pouvez par exemple vous isoler avec le salarié en question pour le faire parler en lui expliquant que vous avez observé chez lui certains changements, et que vous aimeriez savoir si tout va bien, conseille Karine Guiraud. L’objectif est d’essayer de comprendre d’où viennent les émotions qui le parasitent : un contexte anxiogène au travail, un problème familial… « Si vous sentez que ce collaborateur est à bout, il faut l’inviter fermement à prendre une semaine pour se reposer en lui indiquant qu’à son retour, vous essaierez ensemble de trouver des solutions pour l’aider à faire baisser sa charge émotionnelle », conseille l’experte en gestion des émotions. Pour détecter une éventuelle difficulté chez un collaborateur, Hélène Salaün suggère de se livrer à l’exercice de la météo. « Ce rituel managérial consiste à réunir une fois par jour ou par semaine pendant cinq minutes l’ensemble de l’équipe juste avant l’ouverture ou pendant la pause de midi pour un moment d’écoute et d’empathie réciproque. Sans aucun jugement, chacun doit pouvoir partager ce qu’il a sur le coeur, les difficultés rencontrées avec les clients… ».

Aménager le poste de travail

Au retour du collaborateur après sa semaine de repos, le titulaire doit, comme il s’y est engagé, essayer d’aménager son poste de travail. « Si celui-ci ne supporte plus d’avoir à tester ou vacciner les patients, affectez-le à une autre mission, conseille Karine Guiraud. S’il n’arrive plus à gérer l’agressivité des clients, envoyez-le au back-office aux heures de forte affluence… A condition bien sûr que quelqu’un puisse le remplacer car, lorsque vous gérez une petite équipe, il faut toujours préserver les équilibres et maintenir un bon fonctionnement interne ». Si besoin, vous pouvez lui proposer une formation à la gestion du stress qui l’aidera à se fixer des objectifs atteignables, et à dire non… « Les techniques de communication non-violente se révèlent aussi un outil très efficace ; en quelques heures, les participants apprennent à dérouler un protocole pour analyser de façon très mesurée et factuelle la situation, identifier les moyens à activer pour se faire entendre de son interlocuteur et adopter la bonne posture pour faire baisser la tension », ajoute Hélène Salaün. Le manager doit enfin jouer pleinement son rôle. « Après un échange avec un patient difficile, le titulaire peut inviter son collaborateur à faire une petite pause pour récupérer, et en profiter pour discuter avec lui, histoire de l’aider à tourner la page. Les réunions quotidiennes ou hebdomadaires peuvent aussi être l’occasion de débriefer avec l’ensemble de l’équipe certaines situations tendues, et de partager des bonnes pratiques… », note Hélène Salaün. Pour Nadine Sciacca, lorsqu’un salarié ou une équipe est en difficulté, il n’y a pas 36 solutions. « Soit vous baissez les objectifs, soit vous augmentez les ressources en recrutant un intérimaire ou un stagiaire afin de mieux répartir la charge de travail, résume la coach conférencière. Enfin, il faut essayer de supprimer tous les irritants. Dès qu’un client se montre incorrect, il faut tout de suite le rappeler fermement à l’ordre avant que la situation ne dégénère », conclut Nadine Sciacca.

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