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SIX CLÉS POUR BIEN USER DE L’AUTORITÉ

Publié le 17 mai 2014
Par Chloé Devis
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Notion aujourd’hui chahutée par l’essor de nouveaux modes d’organisation, l’autorité reste un ingrédient indispensable du management, y compris au sein de l’officine. Encore faut-il en user avec discernement, tout en l’assumant pleinement. Conseils d’experts.

Pour diriger, il ne suffit pas d’être un bon professionnel. Il faut avoir réfléchi aux responsabilités que cela implique », indique Mathieu Maurice, responsable du développement personnel du cabinet de conseil en ressources humaines CEPIG. Or, l’autorité n’est pas – ou rarement – une disposition innée, et ne se confond pas avec la toute-puissance.

1 Savoir distinguer la « bonne » de la « mauvaise » autorité

« Une autorité saine a pour finalité de mener un projet à bien et de “faire grandir” ceux qui y participent en créant des liens de coopération durables », explique Guillaume Antoine, consultant du cabinet Mongolfière Management. Or, nombreux sont les chefs d’entreprise à tomber dans des pièges comme celui du « petit chef », mais aussi dans la complaisance, « qui entraîne le risque de laisser pourrir des situations jusqu’à ce qu’elles deviennent inextricables », met en garde Mathieu Maurice.

2 Être cohérent avec des critères préétablis

« Une autorité positive tire sa force d’un projet qui va lui conférer du sens », assure Mathieu Maurice. Elle est donc indissociable d’une vision, d’une stratégie pour son officine, dûment partagée avec ses collaborateurs. « L’existence d’une structure hiérarchique et de règles explicites, connues de l’ensemble de l’équipe, suscite une autorité de fait qui n’a pas besoin d’être sans cesse réaffirmée par un management trop directif », renchérit Nathalie Barth, consultante au cabinet CA+Pharma. La démarche gagnera à s’articuler autour de délégations bien pensées. « Le titulaire devra également avoir trié en amont les sujets négociables et ceux sur lesquels il ne transigera pas », recommande Mathieu Maurice. Mais c’est aussi au manager d’être exemplaire. « Tenir parole est un principe-clé de l’autorité », précise Guillaume Antoine.

3 Instaurer la culture du feedback

Savoir guider son équipe vers un objectif suppose de favoriser une relation de confiance. « Il ne faut pas rester dans sa tour d’ivoire, mais être au comptoir régulièrement, organiser non seulement des réunions mais aussi des dîners ou des déjeuners informels de temps en temps », préconise Nathalie Barth. S’initier à la communication non verbale peut permettre d’aller plus loin. « La capacité à capter des signaux faibles, au-delà des attitudes que l’on peut maîtriser, permet d’appréhender précisément les intentions réelles de son interlocuteur et d’être encore plus à l’aise avec l’exercice de l’autorité », relève Guillaume Antoine.

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Il faut aussi privilégier les vertus de la parole : « sachez exprimer vos attentes auprès de vos collaborateurs, mais aussi votre satisfaction : la première source de motivation, c’est la reconnaissance au quotidien. Acceptez en outre les retours de vos collaborateurs sur votre style de management », prône Mathieu Maurice.

4 Soigner la forme

En matière d’autorité, les apparences sont décisives. « Le premier contact avec un collaborateur est capital : votre accueil doit être franc et chaleureux, votre bonjour adressé les yeux dans les yeux, votre poignée de main ferme », énumère Mathieu Maurice. Au jour le jour, il faut donc veiller à adopter une posture physique en accord avec votre positionnement en tant que manager : « la voix posée, stable, il faut prendre possession de l’espace pour inspirer confiance et respect », ajoute le consultant. A l’inverse, « tortiller ses doigts en parlant et avoir le regard fuyant peut vider un discours de sa substance ». Mêmes précautions dans les formulations : « mieux vaut bannir les tournures impersonnelles comme “on”, “il faut”, au profit du “je” et préférer le présent au conditionnel. Ne minimisez pas vos propos par des adverbes du type “peut-être”, “éventuellement”, “un petit peu” ». De même, il faut savoir être positif… à 100 %. A proscrire : « quand tu t’y mets, tu peux le faire », « tu as bien travaillé pour une fois », « sur ce coup-là, il n’y a rien à dire »

5 Rester authentique

« L’exercice de l’autorité peut se concilier avec un style propre », insiste Guillaume Antoine. Sans avoir à forcer le trait, on peut surmonter bien des obstacles, qu’ils soient liés à sa personnalité ou d’ordre culturel. Ainsi, « la timidité ne fait pas de moins bons managers : il s’agit juste d’assumer ses responsabilités, ce qui n’est pas l’apanage des plus extravertis, loin s’en faut », assure Mathieu Maurice. De même, rester ferme sur ses principes permet de faire face à d’éventuelles résistances en tant que femme exerçant une autorité sur des hommes, ou comme jeune titulaire face à des salariés plus expérimentés.

6 Manager en duo sans fausses notes

« Confrontés à un management bicéphale, les salariés se plaignent souvent d’avoir à composer avec des priorités et des niveaux d’exigence distincts », constate Nathalie Barth. La consultante met en garde vis-à-vis d’une trop grande spécialisation des rôles : « si les associés prennent leurs congés à tour de rôle, celui qui s’occupe de la partie administrative risque de se retrouver privé d’une connaissance précieuse des antécédents concernant le fonctionnement de l’équipe lorsqu’il devra assumer l’autorité seul. Le risque est élevé qu’ils se retrouvent mis en porte-à-faux l’un par rapport à l’autre ». Une certitude : « en cas de problème grave, il est impératif d’en discuter avec son associé avant de prendre une décision », estime-t-elle. On peut ne pas être sur la même longueur d’onde avec son co-manager, mais alors « il faut mettre en scène ce désaccord, qu’il soit assumé et non subi », conseille Mathieu Maurice.

AVIS D’EXPERT

« Confier des responsabilités, c’est confier de l’autorité »

SERGE BRANDINELLI, TITULAIRE DE LA PHARMACIE BRANDINELLI, À DIGNE-LES-BAINS (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE)

« Je me suis installé il y a 25 ans. A l’époque, nous étions deux associés avec un apprenti. Aujourd’hui, l’équipe compte une vingtaine de personnes, dont quatre adjoints, et je suis seul aux commandes depuis cinq ans. Avec mon associé, nous fonctionnions sur le modèle du gentil et du méchant, avec une certaine efficacité : les salariés n’hésitaient pas à venir voir le premier en cas de souci, et le second pouvait taper du poing sur la table au besoin. Comme j’incarnais le “méchant”, il a fallu, une fois que je me suis retrouvé seul, montrer que j’étais capable d’être à l’écoute et pas seulement de donner des ordres. Avec l’expérience, je me suis notamment rendu compte de la nécessité pour le titulaire de ne pas tout porter sur ses épaules. L’idée, c’est que lorsque je délègue des responsabilités à mes collaborateurs, je les investis avant tout d’une autorité. Mais en dernier ressort, c’est toujours moi qui tranche ».