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Protéger l’équipe contre les risques psychosociaux

Publié le 1 mai 2010
Par Fabienne Rizos-Vignal
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Horaires à rallonge, surcharge de travail, patients impatients ou agressifs… L’équipe officinale, souvent soumise à rude épreuve, est vulnérable aux risques psychosociaux. Détecter et anticiper ces derniers peut non seulement protéger vos collaborateurs mais aussi votre entreprise. Comment ? Réponses de spécialistes.

Le stress, un mal inévitable dans les entreprises ? Selon une étude IFOP (août 2007), 73 % des salariés se disent stressés et 70 % estiment que la pénibilité du travail est davantage psychologique que physique. Les manifestations de souffrance au travail peuvent prendre de nombreuses formes : perte de repères, difficultés à trouver une motivation, épuisement professionnel, conflit, voire des addictions à l’alcool ou aux drogues.« La pression professionnelle, due à des exigences accrues de rentabilité et des marchés de plus en plus concurrentiels, a dégradé les conditions de travail. Le stress et les risques psychosociaux sont ainsi progressivement apparus », rappelle Philippe Davezies, enseignant-chercheur en médecine et santé au travail à l’université de Lyon.

Les pharmacies seraient-elles préservées de ces risques ? « Même s’il existe a priori des facteurs protecteurs dans les petites structures à taille humaine, aucun secteur de la vie économique n’est aujourd’hui épargné », constate à son tour Patrick Madié, directeur de l’ASP (Action sociale pharmaceutique), une association qui aide les entreprises du domaine de la santé à prévenir ces risques. C’est pourquoi les partenaires sociaux de la branche officinale ont signé, en septembre 2009 et à l’unanimité, un accord sur l’amélioration des conditions de travail (voir Le Moniteur n° 2824). « Il faut sensibiliser les titulaires à ces questions et les inciter à agir afin de préserver leur entreprise », souligne Patrick Madié. D’où la nécessité d’identifier les risques psychosociaux qui guettent votre équipe afin de mettre en place des moyens de prévention.

1. Le stress

Une surcharge de travail, des exigences disproportionnées, une reconnaissance insuffisante, des objectifs absents ou mal définis, des horaires à rallonge ou encore une mise sous pression systématique font partie des multiples causes de stress au travail. « Lorsque le seuil de tolérance de l’individu est dépassé et qu’il a l’impression de ne plus avoir les ressources pour y faire face, le stress apparaît », explique Philippe Davezies. D’où des risques d’erreurs.

Les moyens de prévention

L’accord de branche du 30 septembre 2009 recommande une série de mesures pour prévenir le stress. Le titulaire doit avoir sans cesse en vue d’améliorer l’organisation et les conditions de travail, d’assurer un soutien à son équipe et donner à chacun l’opportunité de communiquer sur son travail. Maintenir un dialogue social dans l’entreprise est donc crucial. Le rôle du médecin du travail est, là, essentiel. Soumis au secret professionnel, il pourra néanmoins alerter l’employeur si, à l’occasion des visites périodiques, il repère des salariés stressés par leur travail.

2. L’agressivité au comptoir

Incivilités, insultes, agressions verbales… Au comptoir, l’équipe est directement exposée à des comportements agressifs. « Le contact avec le public fait partie des situations à risque parfaitement identifiées », confirme Patrick Madié. Donc attention si vos collaborateurs ne sont pas armés pour désamorcer ces débordements !

Les moyens de prévention

L’équipe officinale doit apprendre à gérer les comportements agressifs au comptoir. En 2004, l’ASP, l’UNPF et la FSPF ont mis en place une action de formation pilote visant à identifier les situations et les personnalités à risque mais aussi apprendre les comportements et les techniques pour éviter l’escalade de la colère, de l’agressivité ou de la violence. La formation s’est arrêtée faute de volontaires. Mais une manifestation de sensibilisation aux risques psychosociaux, avec un coup de projecteur sur l’officine, sera organisée au second semestre 2010 par la caisse RSI des professions libérales d’Ile-de-France.

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3. Le harcèlement psychologique

Le harcèlement psychologique a sa propre définition juridique. D’après l’article L. 1152-1 du Code du travail, ce sont des « agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou morale ou de compromettre son avenir professionnel ». A ne pas négliger par le titulaire. L’accord de branche du 9 septembre 2009, qui sera applicable à toutes les pharmacies après la parution d’un arrêté d’extension, rappelle en effet que « la protection de la santé physique et mentale des salariés constitue pour l’employeur une obligation de résultat ».

Les moyens de prévention

Pour éviter d’être taxé de harcèlement moral, quelques règles de base du management s’imposent. Michel Lora, dirigeant de l’organisme de formation Gii, conseille simplement d’être à l’écoute, d’expliquer à ses collaborateurs les objectifs attendus, sans insister sur ce qui ne va pas, et d’encourager quand des efforts ont été accomplis. Attention à ne pas véhiculer votre propre stress, qui peut vous amener à critiquer injustement vos collaborateurs. Une procédure de médiation peut également être engagée par toute personne s’estimant victime de harcèlement moral, évitant une escalade judiciaire devant les prud’hommes.

4. L’épuisement professionnel

Egalement baptisé « burn-out », l’épuisement professionnel représente le stade ultime d’un stress prolongé. Il se manifeste par un épuisement physique, mental, émotionnel, un désintérêt profond pour son travail et une perte d’estime de soi. « Ce sont les personnes les plus investies dans leur travail qui sont les plus vulnérables », met en garde Philippe Davezies.

Les moyens de prévention

Pour éviter de tomber dans ces situations extrêmes où un salarié « craque », l’employeur ne doit pas oublier que « le travail doit s’adapter à l’homme, et non l’inverse », comme le rappelle Patrick Madié. Il est donc essentiel de définir le poste et la fonction de chacun le plus précisément possible, d’accompagner les objectifs à atteindre d’en donner les moyens, mais également de respecter un équilibre entre la charge de travail et le temps imparti pour l’accomplir.

Le document unique pour bouclier

Toutes les entreprises de plus de un salarié ont l’obligation d’établir un Document unique d’évaluation des risques. Il recense tous les aspects du travail susceptibles de dégrader la santé et la sécurité des salariés. Les risques psychosociaux en font partie. D’ailleurs, l’UNPF, la FSPF et l’ASP ont mis en place un guide d’aide à la rédaction du Document unique pour les équipes officinales. « Mais, en pratique, ce document reste marginal dans les pharmacies », déplore Patrick Le Métayer, de FO-Pharmacie. « Les employeurs ont ressenti cette nouvelle obligation comme une contrainte et non comme une chance », constate Françoise Coblence, conseillère en droit social à l’UNPF.

Pourtant ce document, rédigé en concertation avec l’ensemble des salariés, peut servir de point d’appui à une démarche de prévention des risques psychosociaux au sein de l’officine. « Il y a risque psychosocial majeur lorsque les salariés ont le sentiment de ne pas pouvoir agir sur ce qui leur arrive. Le Document unique constitue ainsi une amorce pour discuter avec les salariés à partir de leur expérience du travail », argumente Philippe Davezies, enseignant-chercheur en médecine et santé au travail à l’université de Lyon.

Dix signaux d’alerte

Le stress et les risques psychosociaux se traduisent dans l’entreprise par des dysfonctionnements de toutes sortes. Certains indicateurs doivent vous alarmer :

→ l’absentéisme ;

→ le taux de rotation du personnel ou turnover ;

→ des plaintes répétées des salariés ;

→ un taux élevé d’accidents du travail ;

→ des demandes de visites spontanées des salariés auprès du médecin du travail ;

→ un climat interne dégradé ;

→ le non-respect récurrent des horaires de travail ;

→ des problèmes de discipline ;

→ des incidents avec la clientèle ;

→ des passages à l’acte violents, des énervements ou des pleurs injustifiés.

Pour se faire aider

Certaines structures extérieures peuvent concourir à améliorer la sécurité et la santé au travail au sein de votre officine en vous apportant une aide technique :

→ les services interentreprises de santé au travail (médecins du travail, psychologues, etc.) ;

→ les agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail ;

→ les caisses régionales d’assurance maladie ;

→ des consultants spécialisés.