Pouvoir d’achat : comment préserver ses salariés

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Pouvoir d’achat : comment préserver ses salariés

Publié le 9 novembre 2022
Par Francois Pouzaud
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Deux lois* publiées cet été, renforcent l’arsenal des armes pour protéger le pouvoir d’achat des salariés. Certaines de ces mesures, déjà aux mains des employeurs, peuvent facilement s’appliquer en officine.

Face à la hausse de l’inflation, le gouvernement a mis en place de nouvelles mesures pour permettre aux employeurs de booster le pouvroir d’achat de leurs salariés. Les officines ne peuvent néanmoins pas toutes les reprendre à leur compte, question de moyens et de taille. 

Heures supplémentaires et RTT

Initialement limité à l’année 2022, le relèvement à 7 500 € du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires est pérennisé. Coup de pouce pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés, une déduction forfaitaire des cotisations patronales s’applique sur les heures supplémentaires effectuées à compter d’octobre 2022. Au niveau des RTT, la possibilité donnée aux salariés, avec l’accord de l’employeur, de convertir en majoration de salaire tout ou partie des RTT non prises, a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2025. Les journées ou demi-journées de RTT ainsi travaillées donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise, soit au minimum 10 % si un accord collectif le prévoit ou 25 % en l’absence d’un tel accord. Ces rémunérations ouvrent droit à la réduction des cotisations salariales, à la déduction forfaitaire des cotisations patronales et à une exonération d’impôt sur le revenu (IR) sur ces heures supplémentaires. Pour Emmanuel Leroy, expert-comptable chez KPMG : « La portée de la mesure sur les RTT devrait être marginale dans le milieu officinal. Peu de collaborateurs en disposent dans leur contrat de travail. En revanche, les employeurs ont largement recours aux heures supplémentaires qui sont une solution au problème de pénurie de personnel et aux difficultés de recrutement. »

L’épargne salariale plus accessible

La loi pouvoir d’achat a ouvert une possibilité de déblocage anticipé exceptionnel des droits issus de l’intéressement et de la participation sur demande du bénéficiaire avant le 31 décembre 2022. Le salarié qui le souhaite peut donc sortir (en une seule fois) jusqu’à 10 000 € nets de prélèvements sociaux de ces fonds « pour financer l’achat d’un ou de plusieurs biens ou la fourniture d’une ou de plusieurs prestations de services »*. La somme débloquée, qui bénéficie des exonérations sociales et fiscales prévues jusqu’alors pour l’intéressement et la participation, n’a pas vocation à être réinvestie dans d’autres dispositifs d’épargne. Une mesure jugée peu efficace pour les salariés d’officine par les experts-comptables. Emmanuel Leroy explique que l’épargne salariale est peu répandue dans le milieu officinal. « Un salarié avec une faible pression fiscale préfère retirer immédiatement sa participation (fiscalisée) plutôt que d’attendre le déblocage à cinq ans pour la toucher. » Quant à l’intéressement, « la loi étend la possibilité de mise en place unilatérale, par l’employeur, de l’intéressement aux entreprises de moins de 50 salariés, et non plus seulement de moins de 11. », précise-t-il. « La mise en place d’un accord d’intéressement est compliquée en officine ! Depuis le début de la crise sanitaire, l’activité est tellement chahutée et en manque de repères qu’il est difficile de définir une base pour calculer l’intéressement. Les pharmaciens ont davantage recours à la prime PEPA [prime exceptionnelle de pouvoir d’achat] et autres primes individuelles dont les montants sont librement fixés », complète Laurent Cassel, expert-comptable du cabinet AdequA.

Incitation aux primes

Depuis le 1er juillet 2022, les employeurs peuvent verser à leurs salariés une prime de partage de la valeur (PPV, anciennement prime PEPA), exonérée de charges sociales et fiscales sous conditions : la rémunération mensuelle du salarié doit être inférieure, au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, à 3 fois le montant du salaire minimum de croissance (Smic) ; la PPV ne doit se substituer à aucun élément de rémunération et elle doit être versée dans le délai prévu par la loi à partir du 1er juillet 2022 et en 2023. Cette prime facultative peut être versée en plusieurs fois au cours de l’année civile, dans la limite d’une fois par trimestre. Son montant ne doit pas dépasser 3 000 € par bénéficiaire et par année civile, voire 6 000 € dans certains cas comme lorsqu’un accord d’intéressement a été signé dans l’entreprise, etc. La PPV est exonérée des cotisations salariales et patronales et est défiscalisée. En 2024 en revanche, elle pourra toujours être versée (montants maximum inchangés), mais ne sera plus exonérée d’impôt pour les salariés. 

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Des frais de transport allégés

Trois dispositifs légaux permettent à l’employeur de prendre en charge une partie des frais de transport de ses salariés dans le cadre de leurs déplacements domicile-travail : la prise en charge obligatoire de 50 % des titres d’abonnement à des transports publics ou à des services publics de location de vélos ; la « prime transport » qui permet à l’employeur de prendre en charge, de manière facultative, tout ou partie des frais de carburant et des frais d’alimentation des véhicules non thermiques de leurs salariés contraints d’utiliser leur véhicule pour se rendre de leur résidence habituelle à leur lieu de travail ; le « forfait mobilités durables » autorisant l’employeur à prendre en charge, de manière facultative, tout ou partie des frais de transport au moyen, notamment, de vélos, trottinettes ou covoiturage. La loi de finances rectificative pour 2022 agit sur ces trois dispositifs et incite les entreprises à aller au-delà de leur obligation légale. En pratique, tous les salariés peuvent désormais bénéficier de la prime transport, y compris ceux qui peuvent utiliser des transports publics mais qui pour des raisons de commodités préfèrent utiliser leurs propres moyens de locomotion. « La prime transport se dématérialise en chèques carburant, mais les titulaires les pratiquent peu », constate Laurent Cassel. Pendant deux ans (2022 et 2023), il est également possible de cumuler une prime transport et la prise en charge obligatoire par l’employeur de 50 % du coût des abonnements à des transports publics sachant que si l’employeur décide de rembourser au salarié plus que les 50 % obligatoires, sa part facultative (dans la limite de 25 % du prix des titres d’abonnements, soit au total : 75 %) sera aussi exonérée sur les plans social et fiscal. La prime transport et le forfait mobilités durables sont exonérés de cotisations et d’impôt, en métropole jusqu’à 700 € (au lieu de 500 €), dont au plus 400 € (au lieu de 200 €) au titre des frais de carburant. En cas de cumul entre le forfait mobilités durables et un abonnement aux transports publics, la loi relève le plafond global d’exonération fiscale et sociale à 800 € par an.

Frais de repas

La limite d’exonération de cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu (IR) de la part patronale au financement des titres restaurant est portée à 5,92 € (au lieu de 5,69 €) pour ceux émis entre le 1er septembre 2022 et le 31 décembre 2022. Pour ce faire, la contribution patronale au financement des titres restaurant doit être comprise entre 50 et 60 % de la valeur du titre. Ainsi, depuis le 1er septembre, la valeur du titre restaurant ouvrant droit à l’exonération maximale est comprise entre 11,84 € et 13,02 €. Jusqu’à fin 2023, le titre restaurant peut aussi servir à acheter des produits alimentaires en supermarché. « Une mesure qui ne représente pas un coût très important pour une entreprise », estime Emmanuel Leroy. « D’autant que seuls les salariés présents au moment de la pause déjeuner peuvent en bénéficier », ajoute-t-il. Par exemple, une femme de ménage qui officie le matin ou le soir en sera exclue.

*Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.