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Philippe Becker Directeur du département Pharmacie de Fiducial-Expertise

Publié le 1 mai 2009
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« Il faut un patron, et un vrai patron sinon les pharmaciens vont recréer le kolkhoze ! »

Pharmacien Manager :Comment réorganiser le réseau tout en facilitant l’installation des jeunes ?

Philippe Becker :Il y a deux problèmes différents qui ont des interactions : le surnombre d’officines insuffisamment rentables et donc viables, la problématique des jeunes diplômés qui n’ont pas assez d’apport pour acheter des pharmacies moyennes ou grosses. Ce phénomène va s’accentuer si l’objectif de la profession et des pouvoirs publics est d’aller vers un schéma où les pharmacies sont de plus en plus importantes en termes de chiffre d’affaires. Actuellement, deux officines qui réalisent chacune 800 000 € TTC se négocient en Ile-de-France à un coefficient 0,45 ; si on les regroupe avec un objectif de 1,6 M€ et que l’on revend, le coefficient passe à 0,90. Cherchez l’erreur… La réorganisation du réseau doit donc intégrer le remplacement des générations de pharmaciens qui vont partir en retraite en ménageant une vraie place aux nouveaux diplômés afin qu’ils accèdent au métier de titulaire dans des conditions économiques décentes.

P.M. :Parmi les modèles proposés, lesquels, selon vous, sont le plus à même de faciliter l’entrée dans le capital des jeunes diplômés ?

P.B. :Il n’y a pas d’emblée de bon ou mauvais modèle ni même de modèle idéal. Chacun des modèles pour fonctionner doit, à mon avis, respecter quelques principes de base que l’on oublie souvent dans certains discours « juridico-philosophiques » qui semblent issus de l’époque des Lumières ! Les structures juridiques, quelle que soit leur forme, doivent d’abord être bâties pour supporter un projet économique viable. C’est par exemple une pure utopie de penser que ces structures pourront subventionner les petites officines non rentables qui feraient partie de leur périmètre. Les structures ne fonctionneront correctement qu’à la condition d’être dirigées par un pharmacien ou encore un noyau de pharmaciens « leader » qui contrôle une majorité stable du capital. Il faut un patron, et un vrai patron sinon les pharmaciens vont recréer le kolkhoze ! Les textes devront s’appliquer à organiser une gouvernance crédible et durable. Dans le cas contraire, les pharmaciens associés vont passer 90 % de leur temps et de leur énergie à des manoeuvres politiques. Enfin, ces structures devront permettre la sortie harmonieuse des associés et leur remplacement par de nouveaux pharmaciens avec un ticket d’entrée acceptable. Si ces conditions sont réunies, on peut imaginer que l’entrée des jeunes sera facilitée, d’autant qu’ils souhaitent majoritairement travailler dans de grandes officines afin d’avoir un métier plus varié et une meilleure qualité de vie.

P.M. :La première et la meilleure des solutions n’est-elle pas que les prix des officines baissent ?

P.B. :Aujourd’hui, une majorité d’officinaux fait mine de ne pas voir la réalité : les conditions économiques se sont réellement dégradées depuis quelques mois et les perspectives ne sont pas bonnes. Et, malgré cela, chacun voudrait vendre sa pharmacie comme il y a trois ans… Ce n’est pas sérieux ! La résultante de tout cela est le prix de vente. Le propos n’est pas de dire que les pharmacies ne valent plus rien mais de dire que le prix doit impérativement intégrer les nouvelles conditions économiques. Actuellement, si les prix baissaient de 10 à 15 %, il n’y aurait pas de problèmes pour l’installation de jeunes diplômés. On constate malheureusement que certains montages juridiques proposés n’ont pour seul objectif que de maintenir artificiellement des prix de vente élevés.

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