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Partager un salarié
Vous n’avez pas les moyens de rémunérer un adjoint à plein temps ? Vous chercher du personnel spécialisé pour quelques heures par semaine ? Passez par les groupements d’employeurs ! Ils permettent le partage d’un salarié entre plusieurs entreprises. Y compris entre officines.
Quand une de ses préparatrices, spécialiste des PDA, a quitté l’entreprise il y a deux ans, Patricia Gatouillat a opté pour un recrutement inhabituel. La titulaire de la Pharmacie de la Gare à Troyes (Aude) a partagé un salarié de Luc Seigneur, titulaire dans la même ville et associé au capital de son officine. Tous deux sont membres du groupement de pharmacies HPI. « J’ai pu bénéficier de quelqu’un de qualifié, dont je savais que c’était un bon élément », explique Patricia Gatouillat qui s’appuie sur le groupement d’employeurs de HPI. Depuis, la préparatrice est salariée du groupement d’employeurs et partage son temps entre les deux officines.
Le principe
Quel est le principe du groupement d’employeurs ? Il salarie une personne et la met à disposition de deux entreprises ou plus. Il facture la prestation à ses sociétés adhérentes. Selon les cas, il peut aussi fournir des services annexes comme du conseil en ressources humaines, l’organisation des emplois du temps, etc. Chez HPI, on forme notamment des préparateurs au PDA. Objectif : mettre à disposition des adhérents du personnel pointu pour des tâches qui nécessitent rarement un temps plein. « Nous pourrions aussi utiliser ce système pour des nutritionnistes, des secrétaires… », détaille Philippe Carré, cofondateur et responsable du développement de HPI.
Juridiquement, le groupement d’employeurs peut prendre la forme d’une association de loi 1901 ou d’une société coopérative. Il peut être créé à l’initiative des entreprises qu’il regroupe. Ainsi, deux officines peuvent fonder un groupement d’employeurs ! Le partage de salarié permet à l’entreprise adhérente du groupement d’employeurs d’intégrer dans son équipe une compétence spécifique. Comme HPI, le groupement de pharmacies PHR propose ce service, depuis 2010, sous le nom de Team Pharma. Cette association loi 1901 comprend un pool de 22 diététiciennes et de deux infirmières.
Le principe du groupement d’employeurs est assez souple pour convenir à quantité de métiers. Aujourd’hui, on en compte plus de 5 000 en France, qui encadrent plus de 35 000 salariés (source : Centre européen des ressources des groupements d’employeurs).
Les avantages
Jean-Bernard Brotelande, titulaire à Loudéac (Côtes-d’Armor), a fait appel à un groupement d’employeurs de sa commune, Tisserent, pour renforcer son équipe d’un adjoint à un tiers de temps (à lire sans notre numéro de décembre 2013). Comme la vie d’une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille, au bout d’un an le pharmacien mutualisé est parti voir ailleurs. Malgré ce départ, le titulaire, en cours de recrutement, veut poursuivre l’expérience du partage. « Je pourrais aussi recourir au groupement d’employeurs pour un spécialiste de la gestion du tiers payant par exemple. Nous payons fort cher des prestations externalisées de comptabilité, je serais prêt à recruter une secrétaire un jour par semaine pour intégrer ce métier. Ce serait idéal de ne fonctionner qu’avec des spécialistes », analyse-t-il. Le contrat en temps partagé répond notamment aux désirs des salariés qui aspirent à la mobilité. « C’est une solution pour palier un certain manque de perspective professionnelle. Aujourd’hui, qui a envie d’être salarié d’un même employeur pendant 30 ans ? », demande Muriel Darniche, gérante de la société de recrutement Majordome Santé à Nantes. Pour le titulaire, partager peut sembler moins inquiétant que d’embaucher seul. « Un recrutement en CDI demande un engagement très important et nous n’avons pas toujours besoin d’une compétence 35 heures par semaine dans nos petites entreprises. Pour autant, on souhaite quelqu’un de stable », constate Jean-Bernard Brotelande, à la tête d’une équipe de 6 salariés en équivalent temps plein. Le salarié réparti sur plusieurs entreprises apprend à fonctionner dans plusieurs structures. « A partir du moment où elle est capable de s’adapter, c’est intéressant de travailler avec une personne qui n’est pas toujours là. Son poste est moins routinier que les autres. Par ailleurs, dans mon cas le partage améliore la communication entre les deux officines », observe Patricia Gatouillat.
La mutualisation a d’autres avantages. Elle peut simplifier la vie de l’officine. « J’ai pu prévoir un emploi du temps sur un an, sans avoir à procéder au recrutement d’un remplaçant à chaque vacance scolaire », se réjouit Jean-Bernard Brotelande, qui a partagé un pharmacien avec deux autres officines. C’est aux titulaires de trouver un terrain d’entente pour les horaires et les congés. Le groupement d’employeurs s’occupe, lui, de l’administration et notamment du bulletin de salaire. « C’est aussi un recrutement qui s’inscrit dans la durée. La personne connaît le personnel, la clientèle et la pharmacie », ajoute le titulaire.
La réalité du terrain
Financièrement, le prix de revient dépend du groupement d’employeurs. Chez HPI, le droit d’entrée est de 500 € et la cotisation de 100 € par an. Chez Team Pharma, la facture de la journée de travail se monte à environ 300 € par jour en plus d’une cotisation annuelle différente selon qu’on est adhérent PHR ou pas. PHR adapte son portefeuille de compétences en fonction de la demande et de façon à assurer l’équilibre financier de Team Pharm. « Nous avons établi qu’il faut 17 pharmacies pour supporter les charges d’une diététicienne, 19 pour une infirmière, 24 pour un pharmacien… », détaille Lucien Bennatan, président de PHR.
Malgré la flexibilité que permet la mutualisation du travail, l’outil n’est pas entré dans les mœurs des pharmaciens. Chez HPI, qui compte 78 adhérents, environ 20 salariés sont partagés. Chez PHR, seuls 384 des 1 787 adhérents font appel à Team Pharma, souvent à raison d’une seule journée par mois. « Les titulaires acceptent mal l’idée qu’un de leurs salariés travaille aussi pour un concurrent. Dans les groupements, on appréhende d’avoir les mêmes besoins au même moment. Le coût de la prestation est également craint. Ce sont de faux problèmes. L’outil n’est pas mature car le modèle économique est méconnu. Le partage nécessite au départ un travail de groupe pour l’organisation. Or, pour le moment, la priorité du temps est ailleurs, concentrée sur l’économie immédiate », remarque Muriel Darniche. Lucien Bennatan va dans le même sens : « Le système prendra tout son sens quand la notion d’enseigne aura pris son envol. Le groupement d’employeurs est une mine d’or. Il n’en est qu’à la préhistoire de son histoire. »
Les labos intéressés
Un salarié partagé diffuse son discours dans différentes officines. D’où l’intérêt qu’y portent les marques, intéressées par les messages colportés par ces employés tentaculaires. « Nous remarquons que le service est de plus en plus prisé par les laboratoires », explique Lucien Bennatan, à la tête de PHR, qui propose un service de diététiciens et d’infirmiers partagés. « Ces personnes abordent la dénutrition des personnes âgées, la micronutrition, le maintien à domicile… Et les labos s’intéressent beaucoup au contenu de ces consultations qui concernent l’état général, la prescription, son acceptation… On peut y booster certaines gammes. » Verra-t-on les marques former ces salariés d’un nouveau type ? Ou sponsoriser ces emplois ?
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