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Mastères Les pharmaciens à la grande école

Publié le 15 juin 2002
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our accéder aux différents postes de gestion ou de management dans l’industrie pharmaceutique, les formations de 3e cycle sont légion. Parmi elles, les mastères spécialisés des grandes écoles séduisent nombre d’étudiants qui veulent en finir avec les enseignements trop théoriques.

Impossible de référencer la totalité des mastères proposés aux étudiants en pharmacie. Les plus fréquentés par les pharmaciens sont ceux dispensés par les écoles de commerce (ESC, HEC, ESSEC…) et préparant aux différents métiers du marketing : les mastères de gestion et management et les mastères spécialisés dans le domaine de la santé. Les intitulés des formations en disent long : « Intelligence marketing » pour HEC, « Etudes et décisions marketing » à l’ESC Rouen, « Management médical » à l’ESC Paris. Mais les débouchés ne s’arrêtent pas aux carrières commerciales, ils peuvent aussi concerner les secteurs de la recherche ou du développement. A ce titre, il ne faut pas négliger les mastères des écoles d’ingénieur.

Chaque formation étant entièrement privée et sous le contrôle d’un directeur, les programmes diffèrent selon les écoles. Mais tout mastère spécialisé digne de cette appellation doit être accrédité par la conférence des grandes écoles. Ainsi, ils répondent à des critères précis : un minimum de 350 heures d’enseignement incluant la théorie, les travaux pratiques et les travaux de groupe, un stage professionnel d’au moins quatre mois et la rédaction d’une thèse professionnelle.

Jusqu’à 12 000 euros pour une année

La formation se déroule sur une année universitaire et peuvent y prétendre les étudiants de niveau bac + 5. A savoir : le mastère spécialisé peut aussi valider la 6e année industrie dans le cadre de conventions particulières passées avec certaines facultés de pharmacie. Selon les écoles, la sélection utilise des tests (EM Lyon, HEC), se fait sur concours (ESC Paris) ou sur dossier. « A travers le dossier, nous recherchons l’amorce d’un projet personnalisé. Nous demandons aux candidats de faire preuve d’une certaine adaptabilité, d’esprit de synthèse et de capacité à organiser », explique Jean Lugagne-Delpon, directeur du mastère spécialisé en management des entreprises de santé à l’ESC Marseille. Passé la première étape, reste encore à convaincre le temps d’un entretien de motivation. « Nous nous assurons de la démarche cohérente de l’étudiant, mais nous évaluons aussi l’apport personnel de l’étudiant au sein du groupe. Nous attachons en effet beaucoup d’importance à la composition d’une promotion, les profils devant se compléter et évoluer au contact des autres », confie Jean Lugagne-Delpon.

Maryvonne Mesqui, responsable de l’office des carrières et de l’orientation à Paris-XI, conseille vivement de bien prendre connaissance du programme avant de déposer une candidature : « La formation du mastère doit s’intégrer dans le projet professionnel de l’étudiant. Si elle apporte des connaissances pouvant vraiment profiter à la carrière envisagée, les droits de scolarité élevés se justifient. » La formation des mastères est donc financée par les étudiants eux-mêmes, écoles privées obligent. De 5 336 euros pour le mastère spécialisé « Management de l’industrie pharmaceutique » à Dijon, le tarif atteint 12 000 euros à HEC. Force est de constater que l’étiquette de l’école se paye, d’autant plus que cette dernière se situe dans la capitale.

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Une ouverture d’esprit et la découverte d’un autre monde

Comme de nombreux étudiants, Catherine Couillaud a dû emprunter pour financer son mastère, en l’occurrence celui de l’Ecole centrale en génie industriel. Actuellement chef de projet planning et ordonnancement chez Servier (département recherche et développement), elle ne regrette pas sa formation au sein de la célèbre école d’ingénieur. « Après une première expérience dans la formulation, il me manquait une vision globale de l’industrie concernant la coordination des acteurs, la gestion de projets. L’avantage des mastères tient dans l’intervention de professionnels de terrain, des spécialistes pour chaque matière. Et puis, je me suis retrouvée dans un univers professionnel, loin de celui de la fac. J’étais le seul pharmacien. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui n’ont pas la même façon de raisonner. » Elle reconnaît que sa formation lui a ouvert l’esprit et son diplôme de Centrale… certaines portes.

De son côté, Bruno Barnel a également « découvert un autre monde » via le mastère spécialisé de l’ESC Marseille et a beaucoup apprécié la façon de travailler : « Beaucoup moins scolaire que l’université, avec plus de recherche personnelle et des ateliers de groupe. J’ai vraiment l’impression de ne plus être étudiant mais de faire partie du monde professionnel », estime-t-il, alors qu’il vient tout juste d’intégrer l’industrie via son stage en tant qu’assistant chef de produit. Mêmes fonctions pour Adeline qui, après un début de carrière à l’officine, a décidé d’élargir ses compétences et de se lancer dans l’industrie. « Le mastère de l’ESC Paris m’a permis d’acquérir une double formation, à la fois scientifique et commerciale. Au départ, c’est l’inconnu. Désormais je m’intéresse à tout l’environnement économique et commercial d’une entreprise. »

Cependant, le mastère n’est pas toujours la voie royale pour se perfectionner et intégrer l’industrie. Débouchés séduisants, coût moindre, intervenants de qualité, attrait pour le système universitaire… autant de raisons qui ont orienté Marie-Christelle Farèse, aujourd’hui chef de produit au sein des laboratoires BMS, vers un DESS de management à l’IAE (Institut d’administration des entreprises, voir « Le Moniteur » 2376) de Lyon plutôt que de postuler pour un mastère. A chacun ses choix, l’important étant de les assumer…

Le point de vue des recruteurs

« Sans aucun doute, les mastères permettent aux jeunes pharmaciens de s’intégrer facilement dans l’industrie pharmaceutique, avec à la clé un parcours classique en ce qui concerne le marketing », analyse Sébastien Goaters, directeur stratégie pour l’Europe (laboratoires Baxter). Pour sa part, David Demurger, consultant chez Ventiv Health, reconnaît aux mastères leur enseignement très professionnel, une formation de haut niveau. Mais il ne privilégie pas pour autant ce cursus plus qu’un autre au moment du recrutement. « Je m’appuie avant tout sur l’expérience professionnelle acquise durant le stage. » Sébastien Goaters confirme : « La maturité ne peut se forger qu’au sein de l’entreprise. Et même si la formation des mastères est de haute qualité, les étudiants n’ont pas forcément le recul pour en absorber le contenu. Personnellement, je recherche avant tout des personnalités atypiques et déterminées. Le mastère ne me paraît intéressant que s’il permet de se différencier des autres. » Une chose est sûre et les professionnels le reconnaissent : le prestige de l’école a une influence positive sur le CV. Mais à en croire les employeurs, le « retour sur investissement » ne semble vraiment rentable que dans le cadre d’un projet original.