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L’hôpital dans les veines

Publié le 1 mai 2007
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Grâce à l’hôpital, Pascale Bicail a donné un sens à son métier de préparatrice. Acharnée au travail, elle exerce aujourd’hui comme cadre de santé.

Lever le pied de temps en temps ? Pascale Bicail n’y songe pas. Ou si peu. Depuis ses premiers pas comme apprentie dans une pharmacie de Montbéliard jusqu’à sa nomination au sein du personnel encadrant de l’hôpital de Grasse, son parcours – plutôt atypique – est celui d’une battante. Car elle est capable de repartir de zéro si son travail l’ennuie. « J’ai besoin d’apprendre, de développer mon expérience, d’évoluer », annonce Pascale. En 1978, à peine deux ans après l’obtention de son BP de préparateur en pharmacie, elle rompait son contrat. « Il y avait un côté tiroir-caisse que je ne supportais pas. Ça m’a démotivée. Avec les clients, on n’allait pas assez au fond des choses. J’avais besoin d’aider, d’être beaucoup plus proche », raconte-t-elle. Déçue au point de songer à carrément changer de métier. Son directeur de cours, à l’école de Besançon, l’en a dissuadée. Pas question qu’un élément aussi excellent quitte la profession. Un poste vacant à l’hôpital de Montbéliard a décidé pour elle. « Essaie, et tu aviseras dans un an ! », lui avait-il conseillé.

L’hôpital comme échappatoire. C’est le plongeon dans un monde fermé. « Je me suis retrouvée pendant trois-quatre ans, jeune diplômée, avec des anciens dont un seul avait son BP par équivalence, se souvient-elle. Je ne connaissais rien à l’hôpital, pas même où se posait une sonde urinaire. » Ses nouvelles tâches n’ont rien à voir avec celles de l’officine : ici elle s’occupe du matériel médicostérile et des pansements utilisés dans les opérations et les soins des patients. Pour se former, Pascale ramène des bouquins chez elle et potasse le soir. Elle assiste aussi aux interventions en bloc opératoire. « Cela me permettait de voir comment on utilisait le matériel. Il fallait se documenter. C’est sur le terrain que l’on apprend le mieux. » Au fil des années, sur l’impulsion d’un nouveau pharmacien, chef de service, ses missions s’élargissent : elle reçoit les délégués médicaux, se charge de l’approvisionnement, des marchés avec la Bourgogne/Franche-Comté ou de l’évaluation, et même des appels d’offres. « Théoriquement, seuls les pharmaciens assument ces tâches, mais celui-là avait accordé un secteur de responsabilité à chaque préparateur, et me donnait quasiment les pleins pouvoirs dans mon domaine. » Qu’elle n’a pas refusés.

Ascenseur pour l’encadrement. Au moment où l’hôpital de Montbéliard lui propose un poste à responsabilité, son mari conducteur de train, originaire des Alpes-Maritimes, est muté à Nice. « J’ai tout laissé et cela a été très dur parce que moi, par contre, je n’étais pas faite pour le midi. » Elle ira travailler à Cannes, deux ans, puis intégrera l’hôpital de Grasse en 1988 comme préparatrice, pour devenir personnel encadrant cinq ans plus tard. « J’ai eu très vite beaucoup de responsabilités. J’aimais ça. J’ai eu, là encore, la chance d’avoir une chef de service ouverte à tout ce que je mettais en oeuvre. » Développer la sécurité et la qualité des prestations à l’hôpital, former les équipes de préparateurs, les accompagner, …

Le patient avant tout. Comme il n’existait pas de filière « cadre de santé », c’est une classe fonctionnelle qui permettra à Pascale, arrivée au 4e échelon de préparatrice, de se présenter aux fonctions d’encadrement. « Quand je suis arrivée ici, la direction des soins ne travaillait pas avec les préparateurs hospitaliers, par ailleurs totalement méconnus au niveau de l’encadrement. J’ai voulu montrer qu’on pouvait apporter quelque chose aux équipes soignantes. » Objectif final : la qualité des soins au patient. Elle y a mis son énergie, obtenant l’ouverture sur le médical, les unités de soin et la direction des soins au sein de laquelle elle travaille désormais en étroite collaboration. « J’ai amené ça, mais je n’étais pas seule. C’est un travail d’équipe. » En 2000, la préparatrice devient cadre de santé par équivalence. Elle travaille avec trois pharmaciens et a sous sa responsabilité une équipe de huit préparateurs avec laquelle elle met en oeuvre différents protocoles : circuit du médicament, chaîne du froid, bons d’urgence, analyse des ordonnances pharmacologiques, etc. Elle rédige les protocoles liés à la pharmacie et aux unités de soins, planifie, anime des réunions, évalue ses préparateurs…

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Boucler la boucle. À peine nommée cadre, elle songe à devenir infirmière. « Ce cursus, je l’envisageais pour boucler la boucle. Je me disais qu’un jour je pourrais donner un coup de main dans ce domaine », confie-t-elle. Sa hiérarchie ne l’a pas suivie. Pascale n’est pas devenue IDE mais continue de se former : trois stages par an, « sans compter les congrès et ce que l’on fait en interne à l’hôpital ». S’arrêtera-t-elle ? « Je pourrais de temps en temps lever le pied », reconnaît-elle. Elle ne l’a pas fait après son infarctus, il y a six ans, a même refusé le mi-temps thérapeutique qu’on lui proposait. « C’est impossible. » Dans sa famille, il n’y a que des battants. « À 70 %, corrige-t-elle. C’est presque génétique. » L’histoire de son père, immigré italien, chef d’une entreprise d’exploitation et export de bois, en butte aux jalousies, est pour beaucoup dans ce caractère familial. « Ses souffrances nous ont rendu forts. Depuis trente ans, j’ai envie de montrer qui je suis, et je ne baisse pas les bras. » Pascale a 40 oliviers dans sa propriété : des arbres qui restent toujours verts. •

Portrait chinois

• Si vous étiez un végétal, lequel seriez-vous ? Un olivier, parce qu’il m’insuffle sa force et sa vigueur.

• Si vous étiez une forme galénique ? Les patchs, qui sont la forme galénique moderne. Ils ressemblent à des matrices qui diffusent leur principe actif directement dans l’organisme.

• Si vous étiez un médicament ? Une forme injectable, parce que l’on guérit et l’on se relève plus vite.

• Si vous étiez un matériel ou un dispositif médical ? Ce serait un respirateur qui prendrait le relais de mon coeur s’il devait s’arrêter de battre.

• Si vous étiez un vaccin ? Un vaccin contre le sida, lequel provoque des désastres terribles.

• Si vous étiez une partie du corps ? Les yeux et le visage, qui disent beaucoup sur la personne, puis la féminité.

Pascale Bicail

Âge : 52 ans et demi.

Formation : préparatrice en pharmacie.

Lieu d’exercice : hôpital de Grasse.

Ce qui la motive : se cultiver. Aider les autres en étant le maillon d’une chaîne.