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Les pupilles de la passion

Publié le 17 janvier 2009
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Ses futurs collaborateurs, Jean-Marc Vernet a choisi de les former dès le bac professionnel commerce et de les accompagner jusqu’au brevet de préparateur en pharmacie. Titulaire à Paris dans le XVIIe arrondissement, il est maître d’apprentissage depuis cinq ans.

Regardez nos vitrines de Noël comme elles sont superbes ! », s’enthousiasme Jean-Marc Vernet. Il en a confié la mise en scène à son apprentie Christine, qui suit actuellement une formation au bac professionnel commerce. Depuis qu’il lui a laissé les mains libres, le titulaire, même s’il valide les thèmes et les produits retenus, a constaté une nette différence. « Les vitrines personnalisées attirent les passants et les incitent à entrer. C’est un avantage pour des petits commerces comme les nôtres. » Christine finit de préparer, dans le back-office, un des sachets à bonbons contenant des crèmes et des savons aperçus en vitrine par une cliente. Jérôme, qui termine quant à lui un brevet de préparateur, est au comptoir. Il répond à une question portant sur un médicament OTC sous l’oeil attentif du titulaire, comme l’exige la réglementation.

Transmettre son savoir et l’amour du métier

Jean-Marc Vernet est tuteur depuis cinq ans. « J’y ai songé car une apprentie était présente quand j’ai repris la pharmacie il y a huit ans. J’ai donc fait appel au centre de formation des apprentis de Planchat, dans le XXe arrondissement », raconte-il. Sa première expérience le marquera. « L’apprentie, en bac professionnel commerce, souffrait de déficience auditive. Elle voulait poursuivre en brevet professionnel de préparateur dans mon officine mais ce n’était pas possible, se souvient Jean-Marc Vernet, encore plein de regrets. Nous avions déjà bénéficié d’une dérogation et, selon le médecin du travail, elle pouvait poursuivre une formation en alternance à l’hôpital mais ne pouvait pas être en contact avec des patients. » Le titulaire fera à nouveau appel au CFA. « J’aime le métier que j’exerce. J’avais envie de transmettre mon savoir. » Jean-Marc Vernet persévère donc en recrutant à nouveau une apprentie en bac professionnel commerce, laquelle partira à l’issue de sa formation pour travailler dans sa région d’origine.

Avec Christine, la boucle sera peut-être enfin bouclée. Elle passe son examen en juin et compte bien, une fois son diplôme obtenu, rester dans la même officine pour son brevet de préparateur. « Jérôme, que j’ai recruté dans le même temps il y a un an et demi, avait aussi suivi un bac pro commerce, souligne le titulaire. A l’inverse des étudiants qui intègrent directement la formation de préparateur en pharmacie, il était déjà habitué à l’univers de la pharmacie. »

Les deux apprentis ont des tâches précises à remplir. « Pendant la formation, nous apprenons la gestion des stocks, comment établir des prix, comment vendre, détaille Christine. Les cours s’accompagnent d’exercices pratiques à réaliser au sein de l’entreprise. Je me suis occupée du référencement d’une nouvelle gamme d’anti-âge, de sa mise en avant dans les rayons ainsi que de la distribution d’échantillons aux clients. » Elle doit également rédiger trois cas pratiques : la réception d’un colis, la vente d’un produit et la relance d’un produit dont les ventes sont faibles.

Des jeux de rôles pour améliorer le conseil au comptoir

Depuis qu’il suit la formation de préparateur, Jérôme apprend pour sa part à faire des préparations. Quatre à cinq sont réalisées chaque mois à l’officine : des mélanges de pommades, des gélules à formulation simple en dermatologie ou en phytothérapie. Les préparations les plus compliquées sont sous-traitées à une autre officine. L’apprenti dispense également des conseils en médication familiale au comptoir et seconde le pharmacien. Il prépare les ordonnances que celui-ci lui tend, prend les produits dans le back-office et les remet au pharmacien qui vérifie. Avec le temps, le titulaire a fini par lui confier des fonctions de plus en plus responsabilisantes. Jérôme se charge ainsi aujourd’hui de la télétransmission des ordonnances et des commandes de médicaments OTC auprès des laboratoires. « Je fais un projet de commande en fonction des stocks, détaille-t-il. Je le soumets ensuite au titulaire pour qu’il le valide. »

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Jean-Marc Vernet encadre de près la formation de ses apprentis. Il organise régulièrement des jeux de rôles pour améliorer le conseil au comptoir. Un membre de l’équipe joue le rôle du patient. En fonction de la saison et des demandes des clients, un point est fait sur une pathologie précise : savoir identifier ses symptômes, connaître les réponses à apporter en matière de médication officinale, le diriger vers son médecin traitant… Avec Christine, il met l’accent sur la parapharmacie (par exemple quel type de crème proposer en fonction du type de peau).

Le pharmacien emmène également ses apprentis avec lui à des soirées de formation organisées par des laboratoires sur des produits d’OTC ou de parapharmacie. Ils en suivent environ une dizaine par an. « Après des années d’exercice, quand la gestion au quotidien est prenante, on peut avoir tendance à délaisser les formations, reconnaît Jean-Marc Vernet. La présence de mes apprentis s’avère stimulante. Bien les former implique de se tenir soi-même au courant de l’actualité, de l’évolution de la profession, de revoir les fondamentaux pour les transmettre… Il est dommage que peu de pharmaciens sachent qu’ils peuvent recruter des apprentis avant même le brevet. C’est un bel atout de pouvoir former ses futurs collaborateurs ! » Et de léguer une passion et un savoir-faire.

Prix du maître d’apprentissage

Le 1er décembre 2008, Jean-Marc Vernet a reçu le prix CCIP des maîtres d’apprentissage pour la catégorie « Très petite entreprise ». Organisé pour la première fois en 2008, ce prix de la chambre de commerce et d’industrie de Paris vise à valoriser la fonction du tuteur en entreprise, de la petite à la grande entreprise, à accroître sa reconnaissance et à susciter de nouvelles vocations. Le titulaire s’est retrouvé lauréat aux côtés de la gérante d’une pâtisserie-chocolaterie (catégorie « Petite et moyenne entreprise »), d’un chef de projet chez Orange (catégorie « Grande entreprise ») et, pour le prix spécial « Mobilité et accompagnement des apprentis à l’international », du président d’une société de maintenance de véhicules industriels. Pour en savoir plus sur ce prix : http://www.ccip.fr/apprentissage/.

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Les avantages

« N’oublions pas qu’en employant des apprentis nous formons nos futurs collaborateurs, rappelle Jean-Marc Vernet. En leur faisant faire leurs premiers pas en officine dès le bac professionnel commerce, ils seront d’autant plus qualifiés. »

– Devenir tuteur permet de rester « dans le coup ». Cela oblige à se tenir au courant de l’actualité, à réviser ses fondamentaux pour répondre aux questions des apprentis et redonne même un certain dynamisme (pour se rendre par exemple plus souvent à des soirées de formation).

– Avoir un apprenti à l’officine offre également une aide importante au titulaire quand il n’a pas le temps d’effectuer seul certaines tâches.

Les inconvénients

– La présence des apprentis (15 heures de présence en bac professionnel commerce et 23 heures pour les apprentis qui suivent la formation au BP) requiert un fort investissement en temps, notamment dans les premiers temps, et une certaine disponibilité. Il ne faut pas oublier que les apprentis doivent obligatoirement être sous la responsabilité d’un pharmacien quand ils sont au comptoir.

– Intégrer un apprenti dans son officine suppose une prise de risque : il ne restera pas obligatoirement dans l’officine qui l’a formé.

Les conseils

– Profitez des huit semaines durant lesquelles les apprentis sont à l’essai. Vous aurez le temps de déterminer si vous avez fait le bon choix, s’ils vont bien s’intégrer dans l’équipe, s’ils sont motivés et dynamiques. Comme c’est le cas de tout recrutement.

– Faites des points très réguliers pour expliquer l’organisation et le fonctionnement de l’officine, la réception des colis et le rangement des produits.

– Responsabilisez vos apprentis progressivement. Cela les stimulera.