Les feed-back meetings : le retour gagnant

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Les feed-back meetings : le retour gagnant

Publié le 25 janvier 2025
Par Audrey Fréel
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Savoir exprimer un retour constructif dans une situation professionnelle est une pratique bénéfique pour les managers et les collaborateurs. Le but ? Identifier ce qui fonctionne et les axes d’amélioration à travers des échanges réguliers, afin de favoriser le bien-être au travail et rendre l’organisation plus performante.

Prendre du recul et recueillir de précieuses informations sur le ressenti de son équipe. Tel est l’objectif du feed-back, un procédé de ressources humaines (RH) utilisé dans de nombreuses organisations. L’idée est de s’intéresser aux sentiments et aux émotions des collaborateurs face à une situation professionnelle, en se focalisant moins sur les résultats et la performance. « Une émotion est l’expression d’un besoin. Si le manager ne la traite pas, c’est une erreur car cela signifie qu’il y a un dysfonctionnement au sein de l’organisation », estime Emeric Lebreton, docteur en psychologie, expert en bien-être et santé au travail et dirigeant du cabinet Orient’Action. Organisés régulièrement, les feed-back meetings permettent de renforcer la cohésion entre les collaborateurs et la confiance entre le manager et son équipe. Un enjeu de taille, alors que les organisations font face à un désengagement croissant de leurs salariés.

Science émotion

Si les feed-back meetings sont légion dans certaines entreprises, cette pratique reste assez marginale en officine. « Ce genre de réunions se fait très peu en pharmacie car les titulaires ont en général de l’appréhension. En outre, le monde de l’officine est scientifique et laisse moins de place à l’expression des émotions et des sentiments », remarque Pascale Hauet, pharmacienne et fondatrice de Pragmatic RH, cabinet de conseil et coaching RH à destination des pharmacies. Un avis partagé par Thibault Winka, directeur général de Team Officine, une plateforme de recrutement en pharmacie. « De nombreuses pharmacies pâtissent d’un manque de communication. Organiser ce genre de réunion est donc important, surtout avec la jeune génération qui a besoin d’être écoutée et de trouver un sens à son travail », indique-t-il. 

Miser sur la régularité

« Il y a encore trois ou quatre ans, une réunion mensuelle était envisageable. C’est aujourd’hui plus compliqué car beaucoup de pharmacies sont en sous-effectif et n’ont pas forcément le temps et les ressources pour en organiser une tous les mois », constate Pascale Hauet. Dans ce cas, l’experte préconise de les réaliser tous les deux mois, voire à chaque trimestre. « Mais il est nécessaire d’être régulier et de ne pas abandonner au bout de quelques mois, sinon cela n’a aucun intérêt », met-elle en garde. Selon la taille des pharmacies, ces réunions peuvent être organisées en plusieurs fois. « Lorsque l’officine dispose d’une grande équipe et qu’il est compliqué de réunir toutes les personnes en même temps, le titulaire peut organiser des réunions par demi-équipes », précise Thibault Winka. Certains titulaires peuvent décider de les organiser le midi (dans le cas où la pharmacie ferme ses portes entre midi et deux) ou le soir. La durée idéale est d’environ une heure. « Ces heures de réunions sont des heures de travail donc elles doivent être rémunérées. Il ne s’agit pas d’un moment de convivialité informel entre collègues mais bien d’un temps de travail qui doit donc être payé », rappelle Pascale Hauet.

Feel good meetings

Une fois la réunion planifiée, le titulaire peut se demander comment la mettre en œuvre. « Une des premières choses à faire est d’expliquer le but de ce point d’équipe et ce qu’il va apporter à chacun », souligne Thibault Winka. Il est aussi important de mettre en place un cadre et des règles. « Il faut assurer que les choses qui seront dites resteront confidentielles mais aussi veiller à ce que les échanges se déroulent dans la bienveillance, sans jugement de la part des autres », détaille Pascale Hauet. Afin d’obtenir un maximum de retour de la part des salariés, les experts préconisent de poser des questions ouvertes telles que : comment allez-vous ? Quels sont tes succès ? Comment penses-tu faire par la suite ? Quels sont tes besoins ? Cela implique d’interroger son équipe sur ce qui fonctionne bien au sein de l’officine mais aussi de s’intéresser à ses manques. « Le titulaire ne doit surtout pas adopter une posture visant à évaluer les résultats ou la performance de ses collaborateurs. L’idée est de faire réfléchir sur les moyens (savoir-faire, démarche, organisation, etc.) ayant abouti à un succès ou sur ce qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour améliorer une situation », pointe Pascale Hauet. Avant d’ajouter : « Ce genre de réunions offre la possibilité de détecter des signaux faibles et des signaux d’alerte, ce qui peut permettre de désamorcer des conflits. »

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S’appuyer sur des outils

Pour libérer la parole, il est également possible de s’appuyer sur des outils. Pascale Hauet conseille, par exemple, de mettre en place une boîte à idées ou des questionnaires anonymes que le titulaire pourra ensuite aborder lors de cette réunion. Emeric Lebreton préconise, lui, l’utilisation d’un outil d’animation mesurant « la météo intérieure » de l’équipe. « Il s’agit d’un support ludique qui offre la possibilité de mieux capter l’état émotionnel des collaborateurs », informe-t-il. Celui-ci se décline sous la forme d’une fiche avec différents symboles de météo comme un grand soleil, un soleil avec nuage, un nuage avec pluie et de l’orage. De son côté, Team Officine propose, à travers son outil Dispatch, un audit organisationnel de l’officine qui remonte notamment des informations provenant des collaborateurs. « Les sujets RH détectés grâce à l’outil peuvent ensuite être abordés lors des feed-back meetings », note Thibault Winka. Alors que le marché de l’emploi en pharmacie reste très tendu, déployer un management de proximité semble incontournable pour les titulaires d’officine. À défaut, ils s’exposent à de nombreux risques, allant du désengagement des équipes jusqu’à de possibles démissions.

Le moral des salariés français est en berne 

Stress, burn-out, épuisement… La santé mentale des travailleurs se dégrade depuis plusieurs années dans l’Hexagone. En attestent les résultats d’une récente étude réalisée par les cabinets Empreinte Humaine et OpinionWay auprès d’un échantillon de 2 000 salariés français. 42 % déclarent être en détresse psychologique, dont 15 % à un stade élevé. Les conditions de travail, associées à un contexte politique et économique anxiogène, peuvent expliquer cette dégradation de la santé mentale. Selon l’étude, les salariés déplorent un manque de temps, qui les empêche de bien faire leur travail. Près de la moitié d’entre eux est aussi impactée par des outils qui ne fonctionnent pas ou qui sont inadéquats. Enfin, le manque de retour sur le travail fourni induit un sentiment de manque de reconnaissance mais aussi de perte de sens.