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Les étudiants de l’an I

Publié le 19 juin 2010
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Première année des études de pharmacie et première année des études de médecine fusionnent pour donner naissance à une première année des « études de santé ». Une réforme qui a pour but de réduire le taux d’échec en première année de médecine et de créer une culture commune aux futurs professionnels de santé.

C’en est fini de la PCEP1 (première année de premier cycle des études de pharmacie). Dès la rentrée de septembre 2010, les étudiants en première année de pharmacie vont rejoindre le PCEM1 (première année du premier cycle des études médicales), lequel inclut déjà les postulants aux études de médecine, d’odontologie et de maïeutique (sage-femme). Au grand dam de Maxime Beltier, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) : « Cette réforme est pénalisante pour les étudiants en pharmacie. La première année des études de pharmacie était une année de formation avec des chances de réussites égales à 25 %, alors que la première année de médecine est une année de sélection où les chances de réussite ne sont plus que de 15 %. »

Oui, mais, en contrepartie, les étudiants pourront se présenter aux quatre concours de médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie. De ce fait, cette réforme « évite les situations d’échec de certains étudiants qui pouvaient tenter deux fois médecine puis deux fois pharmacie sans succès. Les étudiants n’ont plus quatre cartouches mais deux cartouches et chacune d’elles est quadruple », commente Christophe Ribuot, professeur en sciences du médicament et responsable de la PACES à l’université Joseph-Fourier à Grenoble. La première « première année des études de santé », dites PAES ou PACES, va être mise en place dans toutes les universités de médecine et de pharmacie. L’arrêté du 28 octobre 2009 qui l’institue a été publié au Journal officiel du 17 novembre 2009. Son objectif est de pallier les trop nombreux cas d’échecs essuyés en premier cycle d’études médicales et de donner une culture commune à tous les futurs professionnels de santé. « Mais, vu qu’il s’agit d’un concours, auront-ils le temps de le faire ? », s’interroge Jean-Marie Gazengel, doyen de l’UFR de pharmacie de Caen.

PACES : mise en place très lourde à organiser

Certaines professions paramédicales sont également concernées. C’est déjà le cas pour les deux tiers des étudiants se destinant à la profession de masseur-kinésithérapeute dans le cadre de conventions passées entre les universités et les organismes de formation. Quelques universités ouvrent également un accès à des professions paramédicales telles l’électroradiologie médicale, l’ergothérapie ou la psychomotricité.

Le gros problème de la PACES, ce n’est pas (encore) du côté des étudiants qu’il faut le trouver, mais du côté de sa mise en place par les facultés, très lourde à organiser. Il faut en effet que médecins et pharmaciens s’accordent pour se partager les enseignements, discuter des volumes horaires, des contenus… Dans les faits, cela se passe plutôt bien, à part dans quelques facs où le dialogue est impossible, confient certains interlocuteurs. Il faut aussi organiser des cours pour un très grand nombre d’étudiants, ce qui demande une logistique difficile à mettre en place dans les petites facultés qui ont peu de place et peu de moyens.

Tout n’est pas calé et le ministère a des inquiétudes sur la capacité de certaines facs à être prêtes pour septembre. Il y a d’ailleurs actuellement des réunions toutes les semaines pour en discuter. Le programme d’enseignement a été préparé conjointement par des médecins et des pharmaciens, comme à Bordeaux et Grenoble où une version allégée de la PACES a été mise en place dès la rentrée 2009 (voir encadré p. 32). « Il est important pour les pharmaciens de participer au programme de la première année car celui-ci est presque calqué sur les études de médecine et, si nous n’y participons pas, les médecins la feront sans nous », assure Christian Jarry, professeur de chimie physique et minérale et responsable de la PACES à l’université Victor-Segalen à Bordeaux. Il y voit une réelle opportunité pour que « la confiance et le respect s’instaurent entre les enseignants de médecine et de pharmacie puisque chacun a la responsabilité de la formation de tous les étudiants. L’unité d’enseignement de pharmacie sera organisée par des pharmaciens et ils apporteront leur savoir pharmaceutique ». De même, à Grenoble, « la PACES a été l’occasion de décloisonner l’enseignement. Les médecins ont dû accepter de faire de la place et de confier certains enseignements à des enseignants-chercheurs en pharmacie », relate Christophe Ribuot.

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Faute d’amphis, des cours donnés en vidéo, en ligne ou sur DVD

En effet, « la première année commune pourrait provoquer un appel d’air et une augmentation de 10 à 15 % d’inscrits par rapport au nombre d’inscrits pris séparément en médecine et en pharmacie », confirme Dominique Porquet, doyen de l’UFR de pharmacie de l’université de Paris-Sud-XI à Châtenay-Malabry. Les facultés de pharmacie vont ainsi devoir organiser des cours pour 2 000, 3 000 voire 4 000 étudiants là où elles avaient l’habitude d’en former quelques centaines ! « On doit prendre tout le monde et, pour respecter l’égalité des chances au concours, un seul enseignant doit donner le même cours à tous les étudiants », commente Jean-Marie Gazengel.

Faute d’amphis suffisamment grands, les universités n’ont d’autre choix que de s’appuyer sur le numérique : enregistrements des cours en vidéo et en audio, diffusion simultanée ou en différé, en ligne ou sur DVD, système intranet donnant accès à des exercices, forum et médiathèque en ligne… L’université Paris-V/René-Descartes, par exemple, a équipé tous les amphithéâtres de systèmes vidéo. « Les enseignants sont filmés pendant qu’ils donnent leur cours dans un amphi et la vidéo est diffusée simultanément dans les autres amphis,explique François Cadé, directeur de l’informatique et des systèmes d’information. Il est possible aussi de diffuser uniquement un enregistrement audio du cours en accompagnement d’un PowerPoint ou de diffuser une vidéo du professeur simultanément dans les amphis et sur Internet. » Mais ces équipements coûtent cher et il n’est pas sûr que toutes les facultés puissent en être équipées. « On espère donc que les moyens adéquats vont être attribués, car c’est disparate selon les facs », souligne Jean-Marie Gazengel.

Autre casse-tête : les étudiants seront seuls, sans professeur, dans certains amphis. Or les étudiants de première année de médecine ont une réputation qui leur colle à la peau : celle d’être très doués pour instaurer des rapports de force entre redoublants, qui chahutent sciemment, et primants, qui ne peuvent pas suivre correctement les cours. Faudra-t-il des appariteurs pour maintenir la discipline ? La question ne se posera pas la toute première année de la mise en place de l’année commune, car les redoublants découvriront le nouveau programme en même temps que les autres. Mais après ? La solution pourrait passer là aussi par le numérique, qui permet de suivre les cours à domicile.

Les étudiants auront également des enseignements dirigés et des séances de tutorat animées par des étudiants en 3e ou 4e année de médecine ou de pharmacie. Quant aux prépas, « seules celles qui proposent déjà des cours de soutien à la fois aux étudiants de médecine et de pharmacie pourront suivre, prévient Anne Valérie Pizzighella, qui dirige le centre de formation Pasteur-Cepsup de Reims. Elles devront s’adapter au profil des étudiants qui seront primants ou redoublants de PCEP1 ou de PCEM1 et qui pourront choisir de préparer plusieurs filières. »

Possibilité de passer les quatre concours

L’enseignement de la première année commune est structuré en deux semestres. Le premier, constitué d’enseignements communs, s’achève sur une série d’examens à l’issue de laquelle les étudiants les moins bien classés, dans la limite de 15 % du nombre d’inscrits, pourront être réorientés vers d’autres filières. Le second semestre comprend des enseignements communs et une unité d’enseignement (UE) spécifique par filière : médecine, pharmacie, dentaire et sage-femme. Les étudiants devront choisir le ou les concours auxquels ils souhaitent se présenter et suivre les enseignements correspondants. Quant à se présenter aux quatre concours, c’est un choix que déconseille Maxime Beltier : « Plus l’on prend de spécialités et plus l’on a de travail, ce qui augmente les risques d’échec. » Les épreuves de fin d’année sont organisées sous la forme de questions à choix multiple, sauf celle de l’UE « Santé, société, humanité », qui aura une forme rédactionnelle et fera l’objet d’une double correction. Les coefficients des unités d’enseignement, fixés par chaque université, peuvent être différents pour chacune des filières.

Les quatre concours donnent lieu à l’établissement de quatre classements qui vont déterminer les affectations des étudiants. Toutefois, le numerus clausus reste le même et « la probabilité de réussite, qui est de 15 à 20 %, ne change pas » rappelle Dominique Porquet. Et une fois le concours réussi, que se passera-t-il les années suivantes ? « Les commissions pédagogiques de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique travaillent toujours sur la réforme des études de santé et leur mise en conformité avec le schéma européen de l’enseignement supérieur (LMD). Pour la pharmacie, la Commission pédagogique nationale des études pharmaceutiques a déjà validé le socle commun de connaissances qui correspond aux deux semestres des 2e et 3e années et au premier semestre de 4e année. Il pourrait être mis en place dans nos facultés dès la rentrée 2011, explique Jean-Paul Belon, professeur de pharmacologie à l’UFR de pharmacie de Dijon et ancien vice-président de la Commission pédagogique nationale des études pharmaceutiques (CPNEP). L’étudiant choisira son orientation de métier (officine, hôpital, biologie, industrie) à l’issue de la 3e année, qui correspond à un niveau licence. Le nouveau système de parcours permettra à tout étudiant d’effectuer une 5e année hospitalo-universitaire complète. Cette 5e année est une spécificité française de première importance dans la formation du futur praticien de santé. La formation s’appuie sur les référentiels des compétences validés par la CPNEP. Elle prend en compte l’évolution du métier, sans oublier les nouvelles missions écrites dans la loi HPST. La réforme des études met l’accent sur un niveau élevé de professionnalisme et ce quelle que soit l’orientation choisie par l’étudiant. »

Filières de réorientation obligatoires

Les étudiants admis à poursuivre des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme doivent figurer en rang utile sur la liste de classement correspondant à la filière choisie. Seuls sont autorisés à redoubler les étudiants classés en deçà d’un rang compris entre deux fois et demie et trois fois le numerus clausus. Les candidats non classés se verront proposer une réorientation, mais celle-ci « est très difficile à organiser car elle demande des moyens humains et des compétences qui ne sont pas présents dans les universités et les UFR de médecine et de pharmacie », remarque Dominique Porquet.

Selon les notes obtenues dans les différentes disciplines, les étudiants pourront être orientés vers des filières telles que biologie, chimie, physique, sciences du vivant, sciences et technologie de la santé avec l’équivalent d’une première année de licence pour les collés. Il est prévu également des boucles de rattrapage pour les étudiants recalés qui pourront se réinscrire en PACES après avoir suivi un autre cursus.

D’autres orientations sont à l’étude vers des formations plus courtes en universités ou en écoles, dans les domaines de la santé, des sciences ou des professions paramédicales. Les universités y travaillent avec l’objectif d’être prêtes pour l’année 2012-2013 car la mise en place de filières de réorientation sera alors obligatoire.

Statu quo pour le numerus clausus

La réforme ne prévoit aucune évolution du numerus clausus. Chaque filière conservera un nombre de places distinct. En ce qui concerne la pharmacie, l’arrêté du 21 janvier 2010, paru au Journal officiel du 27 janvier 2010, a fixé le nombre d’étudiants de première année autorisés à poursuivre leurs études à 3 090, avec la répartition suivante :

Paris 532

(266 pour Paris-V et 266 pour Paris-XI)

Aix-Marseille-II 191

Amiens88

Angers 75

Besançon 70

Bordeaux-II 137

Caen 95

Clermont-Ferrand-I92

Dijon 82

Grenoble-I 97

Lille-II 205

Limoges 67

Lyon-I 223

Montpellier-I 188

Nancy-I 126

Nantes 102

Poitiers 71

Reims 90

Rennes-I 110

Rouen 85

Strasbourg 121

Toulouse-III 137

Tours 106

Comment accéder à la PACES

Les étudiants ayant bénéficié d’une inscription en PCEM1 ou PCEP1 sont admis à prendre une inscription en PACES. Ils seront éventuellement autorisés à se réinscrire dans cette année d’études, de même que les étudiants ayant déjà bénéficié d’au moins deux inscriptions en PCEM1 ou PCEP1. Toutefois, ces dérogations ne pourront excéder, pour chacun des cas, 10 % du nombre de places attribuées en vue de l’admission en deuxième année.

Des passerelles en 3e année

Depuis 1993, un concours permet d’intégrer directement la troisième année de pharmacie. Les candidats doivent être titulaires d’un diplôme d’Etat en médecine, chirurgie dentaire ou vétérinaire, de l’Ecole nationale des chartes, d’ingénieur ou d’un doctorat. Sont également autorisés à se présenter les anciens élèves des écoles normales supérieures de Paris, Fontenay/Saint-Cloud, Lyon ou Cachan et les enseignants-chercheurs de l’enseignement supérieur travaillant dans une UFR de médecine, de pharmacie ou d’odontologie. Le nombre de places ouvertes au concours est fixé par arrêté. Pour l’année universitaire 2010-2011, il est de 23 (Journal officiel du 27 janvier 2010). Le concours consiste en un exposé oral devant un jury composé, notamment, des présidents des conférences des doyens des facultés de médecine, de chirurgie dentaire et de pharmacie, suivi d’une discussion sur les titres et travaux du candidat.

Des UE à l’aune européenne

La PACES est divisée en unités d’enseignements (UE) qui correspondent à un certain nombre de crédits européens, les ECTS (« european credit tranfer system »), l’unité de mesure des diplômes commune à tous les pays participants. Ce système, qui facilite la comparaison des programmes d’études et la reconnaissance des diplômes, permet d’acquérir un diplôme par l’accumulation de crédits. Un crédit correspond à 25 à 30 heures de travail. Chaque semestre de la PACES est validé de 30 crédits, les UE spécifiques étant créditées de 10 ECTS.

Bordeaux et Grenoble ont testé la PACES

Deux universités, Bordeaux et Grenoble, ont lancé la PACES dès la rentrée de septembre 2009 et sans attendre la publication de l’arrêté. « Nous avons saisi l’opportunité d’une réunification des trois facultés de médecine pour anticiper la réforme des études de santé », rapporte Christian Jarry, professeur de chimie physique et minérale et responsable de la PACES à l’université Victor-Segalen de Bordeaux. Pour lui, le principal problème a été d’ordre logistique : « Nous sommes passés de 500 à 2 800 étudiants ! Nous avons résolu ce problème en ouvrant quatre amphis en parallèle, le même cours étant retransmis en vidéo le matin et l’après-midi. Nous avons organisé 56 séries de travaux dirigés, ouvert un forum rassemblant les questions posées par les étudiants et louer le grand hall du Parc des Expos pour les examens. »

A Grenoble, l’université Joseph-Fourier a résolu le problème par la diffusion des cours sur DVD, une pratique qu’elle a mis en place depuis plusieurs années pour le PCEM1. « Nous avons élaboré une organisation qui permet une montée en charge progressive des enseignements. La première semaine, les étudiants suivent les deux premiers cours chez eux soit à l’aide du DVD, soit en se connectant sur un site Internet. La deuxième semaine, ils sont invités à poser en ligne des questions sur les cours. En troisième semaine, le professeur répond aux questions lors de séances d’enseignement présentiel interactif de deux heures en amphi. Enfin, en semaine quatre, les étudiants ont des séances de tutorat encadrées par des étudiants tuteurs de 3e ou 4e année de médecine ou de pharmacie ; ils doivent s’entraîner sur des QCM et remplir des grilles dans des conditions similaires à celles du concours » explique Christophe Ribuot, professeur en sciences du médicament et responsable de la PACES à Joseph-Fourier. Ce système intègre progressivement deux matières supplémentaires en semaine deux puis deux autres encore en semaine trois, en suivant le même schéma, etc. Cette organisation supprime les cours magistraux en amphi et « il peut être difficile pour certains de se retrouver seuls à suivre un cours devant leur ordinateur. Heureusement, il y a des séances de questions-réponses, très interactives car les étudiants ont déjà travaillé le cours et ils posent des questions qui sont en général pertinentes et argumentées ».